Valérie Pécresse ou Emmanuel Macron ? A trois mois de la Présidentielle, Jean-Pierre Raffarin hésite encore sur son vote. L'ancien Premier ministre, qui a toujours été fasciné par la Chine, explique comment l'Europe peut peser face aux grandes puissances économiques et aux conflits mondiaux.
- Jean-Pierre Raffarin Ancien Premier Ministre
Ancien membre du parti Les Républicains, Jean-Pierre Raffarin a soutenu Emmanuel Macron lors du second tour de l’élection présidentielle de 2017. En 2019, il a été exclu du parti Les Républicains car il n'avait pas payé sa cotisation. A trois mois de l'élection présidentielle, l'ancien Premier ministre n'a pas encore fait son choix entre le président sortant (qui n'a pas encore annoncé s'il se présentait en 2022) et celle qui a été désignée candidate des Républicains à la suite du congrès de décembre.
Une gauche morcelée et Christiane Taubira annonce sa candidature
Dans tous les sondages, Emmanuel Macron (qui assure avoir très envie de se présenter) est donné en tête du premier tour avec Marine Le Pen et Valérie Pécresse au coude à coude derrière lui. Derrière, Eric Zemmour en perte de vitesse, tente de relancer sa campagne. Quant à la gauche, elle ne décolle toujours pas dans les sondages. Même en additionnant les intentions de vote de tous les candidats, elle reste loin derrière avec à peine 20%. L'une des solutions évoquées aurait été un candidat unique, ce que réclame la Primaire Populaire (dont les votes auront lieu du 27 au 30 janvier), mais seule Christiane Taubira, à ce jour, accepte d'y participer… Christiane Taubira qui vient aujourd'hui d'annoncer sa candidature pour l'élection présidentielle. Selon l'ancien premier ministre :
Cela va mettre un peu plus de désordre, un peu plus de tensions alors qu'il faudrait mettre plutôt un peu plus de rapprochement. Et au total, je ne crois pas que ce soit vraiment une très bonne nouvelle, l'effondrement de la gauche. Personnellement je pense que c'est un courant politique qui existe dans notre démocratie et il faudrait qu'il puisse s'exprimer de manière significative. Ce n'est jamais bon de laisser les électeurs en déshérence dans une démocratie car à un moment ou à un autre, ils peuvent être tentés de s'exprimer en dehors de la démocratie. La démocratie est faite pour amener la paix, la paix civile. Elle est faite pour faire en sorte que l'on puisse limiter la violence, c'est à dire le manque de légitimité de la politique. Je crois que cette affaire est un peu désordonnée et très fragile à quelques semaines de l'élection présidentielle. […] C'est une gauche qui a connu une explosion idéologique. De mon point de vue, la grande faute du PS c'est d'avoir accepté le leadership de l'écologie. De mon point de vue, l'histoire du PS dans notre pays, c'est quand même une histoire de valeurs, les Jaurès, Zola, les injustices. Le cœur, c'est de la valeur. Ce n'est pas l'intérêt d'une éolienne, ce n'est pas l'intérêt d'une autoroute. Je pense que l'écologie peut être une filiale du socialisme mais pas le socialisme une filiale de l'écologie.
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Qui de Valérie Pécresse ou Emmanuel Macron a le meilleur leadership ?
Une gauche en perte de vitesse donc. A droite, plusieurs candidats émergent : Eric Zemmour, Marine Le Pen, Valérie Pécresse, Emmanuel Macron… Lors du congrès des Républicains, le président fondateur de Leaders pour la paix avait soutenu la candidature de Valérie Pécresse. Pour lui, « C’est quelqu’un qui a réussi dans tous les postes qu’elle a assumés jusqu’à maintenant. C’est quelqu’un qui a la capacité à exercer des responsabilités ». L'ancien Premier Ministre avait d'ailleurs comparé Valérie Pécresse à un tracteur :
Un tracteur ça va au bout du sillon, c'est quelqu'un de fiable, c'est quelqu'un de solide, c'est quelqu'un qui a un tracé droit. Je pense que pour le job de président, Valérie Pécresse est à la dimension du poste.
Pour autant, Emmanuel Macron a également des qualités pour faire un bon président : "Le leadership d’Emmanuel Macron est fort, et il n’y a pas, aujourd’hui, sur la scène politique quelqu’un qui ait un leadership comparable au sien."
Je pense aujourd'hui que l'on a eu un président Macron qui est un président de la distance, c'est à dire du Jupiter. Comme il est intelligent, comme il est expérimenté et jeune, il va nous proposer quelque chose qui sera plus proche des gens, dans l'horizontal plutôt que dans le vertical. Je ne crois pas que Macron va nous présenter quelque chose de banal. Son expérience devrait le conduire, à être audacieux dans la proposition.
Jean-Pierre Raffarin doute qu’Emmanuel Macron puisse bénéficier de « l’effet d’entraînement » qu’il a connu lors de son élection en 2017, et qui a vu déferler sur l’Assemblée nationale une importante vague de nouveaux arrivants. « La majorité présidentielle, je la trouve vaporeuse, elle n’est pas vraiment organisée et puissante comme doit l’être une majorité pour soutenir la réélection d’un président », relève-t-il. La majorité présidentielle souffre d'un problème d'implantation sur le territoire. Quid des législatives qui vont se tenir quelques semaines après l'élection présidentielle…
Attention la deuxième législative n'est pas comme la première. La première, vous avez un élan nouveau. Il y a une dynamique. Les législatives ne sont pas gagnées d'où l'importance dans la stratégie du président de la république d'Edouard Philippe qui peut, peut-être, l'aider justement à gagner les législatives grâce à son initiative Horizons.
Une Europe souveraine face aux puissances mondiales
C'est pour moi la grande inquiétude et c'est pour cela que je mets la question Européenne en priorité du débat électoral français. Je pense que nous n'avons aucune chance de résister à la pression américaine comme à la pression chinoise si l'on n'a pas un rapport de force fondé d'abord sur la somme des puissances allemandes et françaises. Qui va pouvoir convaincre les allemands que le leadership de l'Europe doit être assumé par le franco-allemand ? De ce point de vue, je pense que Macron a quelques atouts dans sa besace. On a vu avec l'affaire des sous-marins que les Etats-Unis nous considéraient comme des alliés mais voulaient surtout qu'on soit des alignés. Or la souveraineté de l'Europe est très importante. La seule façon de résister à cela c'est de pouvoir résister avec une puissance souveraine mais qui s'appuie sur un partenariat avec les américains et sur un partenariat avec l'Asie.
Souvenons nous de Kissinger qui disait : "ne nous affrontons pas simultanément avec la Chine et la Russie". Kissinger expliquait qu'il fallait, quand on était contre la Russie, être avec la Chine et quand on était contre la Chine, il fallait être un peu avec la Russie. Aujourd'hui on est en train de créer cette alliance entre la Chine et la Russie et c'est très dangereux. Défendons nos valeurs, défendons la souveraineté de l'Europe. C'est la seule solution. La vraie politique c'est l'unité, la force Européenne mais surtout évitons que nos adversaires se coalisent,
Joe Biden, un bon leadership ?
Joe Biden est au pouvoir depuis un an maintenant. On le voit empêtré au congrès avec de grosses difficultés pour faire passer ses projets de réformes. Mais est-il un bon leader ? Y a-t-il un problème de leadership ?
Je crois qu'il y a un problème de leadership à la Maison-Blanche aujourd'hui et la meilleure manifestation, c'est qu'il semble que Trump ait un leadership plus fort sur les républicains. Biden n'a pas de leadership sur les démocrates quand on voit que son plan ne passe pas à cause d'une défection démocrate. Le problème, c'est d'abord un leadership sur ses propres troupes, ce qui est très préoccupant. Moi je faisais partie des gens qui pensaient que l'élection de Joe Biden avait écarté durablement Donald Trump. Mais aujourd'hui, il n'est pas impossible que Trump ou un trumpiste puisse gagner les prochaines élections aux Etats Unis. Et ça c'est très préoccupant y compris pour la tension du monde et notamment pour cette tension qui existe aujourd'hui avec la Russie.
Les Etats Unis ont annoncé qu'ils allaient boycotter les jeux Olympiques de Pékin de manière diplomatique suite à la disparition de la joueuse de tennis Peng Shuai.
Je crois que l'erreur que font les Etats-Unis, c'est de vouloir rassembler contre la Chine. Quand Joe Biden est venu en Europe, il a surtout essayé de faire la campagne pour lever les pays Européen contre la Chine. Je pense qu'il faut chercher la diplomatie, il faut chercher le dialogue. Si en diplomatie vous ne parlez pas avec l'adversaire, on risque d'aller au pire. Et donc il faut pouvoir discuter. Je pense qu'il est important d'avoir une action pour que l'on sache la vérité sur cette joueuse mais la diplomatie c'est cela. Je crois que la diplomatie demande une certaine expression de l'art de la diplomatie et que les Etats-Unis sont quelques fois maladroits.
Jean-Pierre Raffarin et la Chine
Lorsqu'il a découvert la Chine, à l'âge de 22 ans, Jean-Pierre Raffarin a eu un véritable coup de foudre. Il s'est rendu dans l'Empire du Milieu plus d'une centaine de fois. Un rapport publié à l'automne par l'institut de recherche stratégique de l'école militaire sur les opérations d'influence chinoise estime que la fondation de Jean-Pierre Raffarin (la Fondation pour la Prospective et l'Innovation, un groupe de réflexion qui se consacre notamment aux relations économiques avec la Chine) participe à répandre les arguments de langage du parti communiste chinois.
C'est complètement faux. Même les autorités françaises y compris de la Défense ne pensent pas cela. Je suis missionné par le Président de la République et par le ministre des affaires étrangères pour aider les entreprises. Donc je ne suis pas missionné pour faire de la politique étrangère. Je suis missionné pour aider les entreprises à se développer. J'ai aidé plusieurs centaines d'entreprises à s'implanter. Il est clair que mon travail n'est pas de boxer tous les matins avec les autorités chinoises. Ce n'est pas pour cela que je suis communiste. Ce n'est pas pour cela que j'approuve tout ce qui se passe sur les Ouighours ou sur Hong-Kong. Ce n'est pas ma logique. Pour ce rapport, d'abord, on n'a pas été consulté, ce n'est pas un travail que je juge très pertinent car il n'y a pas eu de consultations. La démarche scientifique, c'est d'abord la démarche contradictoire. Je suis très relax, j'ai ma conscience pour moi. Je ne vis pas de l'argent chinois. Je suis quelqu'un qui est engagé avec conviction depuis 50 ans, depuis Alain Peyrefitte sur le fait qu'il va falloir comprendre la Chine si on veut s'élever.
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