Tareq Oubrou : "Les certitudes sont mortelles pour la foi" : épisode • 4/2 du podcast Grand entretien avec Tareq Oubrou

Tareq Oubrou, imam et recteur de la grande mosquée de Bordeaux
Tareq Oubrou, imam et recteur de la grande mosquée de Bordeaux ©AFP - JOËL SAGET
Tareq Oubrou, imam et recteur de la grande mosquée de Bordeaux ©AFP - JOËL SAGET
Tareq Oubrou, imam et recteur de la grande mosquée de Bordeaux ©AFP - JOËL SAGET
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Dans ce second entretien, il sera question des considérations pratiques concernant la France, la République, la laïcité, les questions d'identité. Tareq Oubrou propose quelques solutions de sortie de crise.

Avec

Le recteur Tareq Oubrou, grand imam de Bordeaux se livre à un grand entretien à l’émission en deux temps. La première partie était consacrée aux thèmes fondamentaux relatifs à la refondation de la pensée théologique islamique, à la foi « sculptée » par la raison, au caractère créé ou incréé du coran et à la maîtrise des savoirs religieux et profane.

55 min

Cette seconde partie traite questions telles que les notions de repli identitaire, de victimisation mais également des questions pratiques telles que l'observance excessive du hallal, de l’obsession névrotique de la norme canonique et d’une orthopraxie revendicative.

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Une identité par nature est une ipséité, c'est un rapport avec soi même, mais également  le produit d'une altérité. On se construit avec les autres. L'identité d'un jeune n'est pas l'identité d'un adulte. Aujourd'hui, il y a une crispation identitaire, au lieu que l'islam soit une religion de partage, beaucoup de nos coreligionnaires s'asphyxient derrière un bouclier identitaire et de protection parce qu'il y a une peur, une crainte, une incertitude mais une ignorance également.

Pour Tareq Oubrou, il faut réintroduire le doute car le doute est inhérent au savoir :

Les certitudes sont graves pour la foi parce que lorsqu'une certitude s'effondre, la foi disparaît avec, alors que les convictions peuvent changer, on peut les faire évoluer. Donc, il faut construire sa foi sur des convictions, quitte à les reformuler autrement fonction du savoir. (...) Je pense que l'ignorance est le premier ennemi de l'identité et le premier ennemi du musulman. (...) Abraham doute à cet égard là, il est notre modèle du croyant qui doute pour avoir des preuves pour nourrir sa foi.

Une théologie active d'espérance plutôt qu'une théologie de victimisation 

Le théologien Tareq Oubrou est un penseur libre, il a forgé toute une sémantique « proximale » pour une théologie d’acculturation. Il plaide pour une pratique discrète, pour le primat de l’éducation à une éthique d’altérité et pour la fin de tout discours victimaire qui incite au fanatisme.  

Je pense que le musulman doit rester digne. La victimisation n'est pas une pratique religieuse, non. Il y a une dignité. On affronte la réalité avec intelligence. On essaie de changer son destin par soi même, d'exister, d'exercer son libre arbitre. 

Nos jeunes ont besoin d'espérance, ils ont besoin d'un discours de responsabilisation et pas de culpabilisation et de victimisation. Ils ont besoin d'un discours qui leur ouvre des horizons et de ne pas leur créer des ennemis imaginaires. Le complotisme est devenu vraiment une pratique dont les discours religieux, ce qui est catastrophique pour la religion, pour la foi. Il faut une innocence dans le rapport au monde. 

Pour aller plus loin

Tareq Oubrou : « Aux laïcs la gestion administrative de l’islam de France, aux religieux la question religieuse » Tribune publiée dans Le Monde du 1 décembre 2020.

La pause musicale

"Sin País", Ali Khattab, label Nesma Music

"Interzone Deuxième Jour", Serge Teyssot-Gay & Khaled Aljaramani, label Barclay

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