Doit-on s'inquiéter de la maladie de Kawasaki ?

Une alerte du Service de Santé National du Royaume-Uni met en garde contre un nombre croissant d'enfants de tous âges présentant un état inflammatoire multisystémique nécessitant des soins intensifs, peut-être lié au Covid-19.
Une alerte du Service de Santé National du Royaume-Uni met en garde contre un nombre croissant d'enfants de tous âges présentant un état inflammatoire multisystémique nécessitant des soins intensifs, peut-être lié au Covid-19. ©Getty - Cavan Images
Une alerte du Service de Santé National du Royaume-Uni met en garde contre un nombre croissant d'enfants de tous âges présentant un état inflammatoire multisystémique nécessitant des soins intensifs, peut-être lié au Covid-19. ©Getty - Cavan Images
Une alerte du Service de Santé National du Royaume-Uni met en garde contre un nombre croissant d'enfants de tous âges présentant un état inflammatoire multisystémique nécessitant des soins intensifs, peut-être lié au Covid-19. ©Getty - Cavan Images
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Chaque jour, Nicolas Martin, producteur de La Méthode scientifique, fait un point sur l'avancée de la recherche sur le coronavirus. Il revient aujourd'hui sur la maladie de Kawasaki, maladie qui touche les enfants et qui a suscité une importante vague d'inquiétude cette semaine.

Avec
  • Nicolas Martin Auteur, scénariste et réalisateur. Auteur de "Alien, la xénographie !"

,Plusieurs alertes sanitaires en début de semaines ont semé le doute, la confusion et surtout la peur puisque cette maladie touche les enfants que l'on disait préservés des formes graves de Covid-19, il était donc nécessaire de faire une mise au point.

Tout commence par une alerte du Service de Santé National du Royaume Uni , lundi, qui met en garde contre un nombre croissant d'enfants de tous âges présentant un état inflammatoire multisystémique nécessitant des soins intensifs, et ajoute qu'il y a une inquiétude grandissante qu'un syndrome inflammatoire lié au Covid-19 soit en train d'émerger. Le même communiqué stipule également que le nombre d'enfants n'est pas du tout élevé – il est question d'une douzaine de cas.

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Ce message d'alerte trouve un écho dès le lendemain, en France cette fois via une lettre du chef de cardiologie de l’hôpital Necker, qui signale le même contexte d'inflammation multisystémique sur 25 cas dans le pays, sur les trois dernières semaines et qui lui évoque « une forme incomplète de la maladie de Kawasaki ». Cette lettre ajoute que « les enfants s'améliorent très vite » et qu'il n'y a aucun décès recensé. Malgré cela, la nouvelle fait l'effet d'un coup de tonnerre et l'inquiétude gagne le pays, d'autant plus que le jour même est annoncé le détail du plan de déconfinement et le retour des enfants à l'école et que l'on apprend, très vite, que d'autres cas sont signalés en Belgique, en Italie, en Espagne, en Suisse et aux États-Unis.

De quoi s'agit-il, et pourquoi cette vague d'inquiétude est-telle très largement démesurée dans l'état actuel des choses – ce que je vais tâcher de vous le démontrer. 

La maladie de Kawasaki pour commencer. Il s'agit d'une maladie identifiée en 1967 au Japon, qui se produit pour l'essentiel chez les enfants âgés de 1 à 8 ans. Il s'agit d'une vascularite caractérisée par plusieurs signes cliniques dont une fièvre prolongée, une conjonctivite, une inflammation des muqueuses, et/ou une adénopathie, c'est-à-dire une atteinte des ganglions lymphatiques. C'est une maladie certes grave, mais qui est très bien guérie lorsqu'elle est prise à temps, et qui n'est mortelle que dans 0,17% des cas. S'il reste encore beaucoup d'inconnues, on sait qu'il s'agit d'une réaction immunologique anormale à une infection chez des enfants génétiquement prédisposés.

Qu'est-ce qui provoque cette maladie ? C'est là que l'inconnue principale réside. Plusieurs hypothèses sont encore à l'étude : elle pourrait être provoquée par une bactérie type staphylocoque, mais aussi par un virus type adénovirus, herpèsvirus ou coronavirus, bien que pour ce dernier, les études à ce jour pointent la présence de coronavirus (avant l'apparition du SARS-CoV2) dans seulement 7% des cas.

Autre élément important : il s'agit d'une maladie saisonnière. Elle se déclare essentiellement à la saison printanière, d'avril à juillet. Et cette saisonnalité a plaidé pour la responsabilité d'un agent fongique, un champignon sans pour autant que cela soit prouvé.

Quant à l'épidémiologie, on recense en France entre 5 à 9 cas pour 100 000 enfants de moins de 5 ans, ce qui est 2 fois plus faible que ce qui est constaté au Japon. 

Mais alors, quel lien entre le Covid et la maladie de Kawasaki ?

Comme vous vous en doutez, pour le moment on n'en a aucune espèce d'idée. D'autant qu'on parle de « maladie de Kawasaki » pour les symptômes qu'on a constatés dans les différents cas recensés mais il faudrait plutôt dire « Kawasaki like », c'est-à-dire « apparenté », parce que le tableau clinique des enfants hospitalisés n'est pas absolument clair. On constate souvent ce qu'on appelle un « choc toxique » qui est une forme atypique de la maladie.

D'une part, il faut préciser que les enfants qui ont présenté ces symptômes ne sont pas TOUS positifs au SARS-CoV2. Néanmoins, selon de derniers résultats dont nous avons pris connaissance, tous les enfants auraient été, à un moment donné, en contact avec une personne positive au coronavirus dans leur entourage. Ce qui reste à confirmer.

Ensuite, il y a évidemment des corrélations qu'il est impossible de nier : notamment la similarité dans l'aspect inflammatoire des deux maladies. Mais une fois de plus, corrélation n'est pas causalité, et il faut donc attendre d'avoir plus de données médicales pour pouvoir établir une connexion entre les deux maladies.

Plusieurs questions se posent : pourquoi ce surcroît de cas survient-il en décalé avec le début de l'épidémie, après un mois et demi de confinement ? Serait-il possible qu'il s'agisse de symptômes post-infectieux, c'est-à-dire des conséquences d'une infection qui n'aurait pas donné de signe initial mais qui entraîne, secondairement, des réactions immunologiques à l'origine des troubles cardiaques ? C'est une piste, mais ça n'est pour l'heure qu'une piste et ça n'a rien d'une certitude.

Ce qu'il faut rappeler pour conclure, c'est qu'à l'heure actuelle, le nombre de cas est extrêmement réduit, on parle de quelques dizaines de cas tout au plus dans chaque pays, et que cela ne remet absolument pas en cause la faible incidence de formes graves du Covid-19 sur les plus jeunes, dont je vous rappelle qu'ils ne représentent, selon la modélisation de l'Institut Pasteur, que 0,0001% des cas. Que ces symptômes sont bien pris en charge, bien soignés et n'ont donné lieu à aucun décès. Et que toutes ces données, quel que soit le niveau d'incertitude important qui subsiste quant à leur nature et à leur origine, nous invitent une fois de plus à faire l'effort de ne pas céder à la panique et à la tentation du scénario du pire, dans lequel, malheureusement, s'engouffrent encore inévitablement trop de médias peu prudents.

Nicolas Martin et l'équipe de La Méthode scientifique