

Des chercheurs de l’Université Northwestern indiquent que les patients âgés de plus de 60 ans souffrant d’une carence en vitamine D ont 2 fois plus de risque de développer une forme grave de Covid-19 que les autres.
- Nicolas Martin Auteur, scénariste et réalisateur. Auteur de "Alien, la xénographie !"
Depuis le début de l'épidémie, nous avons reçus beaucoup de messages pour nous demander ce qu'il en était réellement de l'influence de la vitamine D sur la maladie, étant entendu que la vitamine D est principalement synthétisée par le corps humain suite à l'exposition au soleil et que du soleil, nous n'en avons pas manqué ce printemps. La vitamine D serait-elle donc l'un des éléments de cette composante « saisonnière » dont je vous parlais lundi, et qui contribuerait à réduire la circulation du virus lorsque le soleil brille ?
Pour commencer, il me semble judicieux de vous rappeler précisément ce qu'est la vitamine D. Les vitamines, ce sont ces molécules organiques nécessaires au métabolisme de tout être vivant, mais qui ont deux caractéristiques : d'une, elles ne sont pas synthétisées en quantité suffisantes par l'organisme sans apport extérieur, et deux, il suffit de très faibles quantités pour atteindre la dose nécessaire. A noter que chaque espèce a ses besoins spécifiques en vitamines, par exemple, la vitamine C est nécessaires aux primates, mais pas du tout aux autres mammifères.
La vitamine D, en l'occurrence, est le nom générique de 2 molécules homologues, au nom que vous allez immédiatement retenir : le cholécalciférol et l'ergocalicférol, je ne vais pas vous faire un cours de chimie mais sachez, en résumé, que ces deux vitamines – dont l'une, la D3, est produite par les cellules de la peau sous l'action des rayons UVB – n'ont aucune forme d'activité biologique naturelle dans l'organisme, elles doivent être dégradées par des enzymes qui leur ajoutent un groupe OH – oxygène/hydrogène pour produire la molécule efficiente, la 25-hydroxy (c'est le groupe OH – comme dans hydroxychloroquine, mais on va pas en parler aujourd'hui) 25 hydroxyvitamine D, ou 25OHD.
Pourquoi je vous raconte tout ça ? Eh bien parce que ce 25OHD, quand l'organisme en a besoin, il le dégrade à nouveau en un sous-produit, qui va avoir un certain nombre de vertus bénéfiques importantes, dont, et on s'en est rendu compte dans les années 90 une fonction anti-inflammatoire.
Et vous me voyez venir avec mes gros sabots, des chercheurs ont en effet réalisé que ce produit de dégradation du 25OHD avait un effet très net pour empêcher des souris de déclencher une réaction inflammatoire en cas de blessures cutanées, là où les souris carencées, elles, réagissent violemment à ces agressions.
Or, et c'est là que les choses commencent à devenir intéressantes : il est attesté, par de nombreuses études que dans les pays du nord, la plupart des adultes sont carencés en vitamine D.
Si on suit ce raisonnement, qui dit carence en cholécalciférol et ergocalicférol dit réaction inflammatoire amplifiée. C'est le sens d'une pré-publication récente, sur le site medrXiv, dans laquelle les chercheurs indiquent que les patients âgés de plus de 60 ans souffrant d'une carence en vitamine D ont 2 fois plus de chances de développer une forme grave de la Covid que les autres. Un constat qui, après ce que je viens de vous raconter, semble tomber sous le sens. Ainsi , il suffirait d'ajouter un petit complément vitaminique – peu cher, et facilement disponible – chez les personnes âgées qui sont plus facilement carencées que les plus jeunes, pour réduire le nombre de cas aigus de Covid.
Mais les choses ne sont évidemment pas si simple. Déjà parce qu'il y a des problèmes dans cette pré-étude et notamment, sur le fait que, dans l'impossibilité d'avoir accès au taux de vitamine D chez les patients, les auteurs le corrèlent à une protéine sanguine, la protéine C réactive, qui est impliquée dans l'inflammation.
Les chercheurs ont effectué une analyse statistique de données issues de plusieurs hôpitaux de divers pays, dont la France, la Chine, l'Allemagne, la Corée du Sud et j'en passe et ils concluent que puisque la protéine C réactive est un marqueur de la tempête cytokinique, et que cette même protéine est associée à une carence en vitamine D alors la carence en vitamine D pourrait jouer un rôle dans la réduction des complications liées à l'hyperinflammation dans les cas aigus de Covid.
Vous voyez bien que le lien de causalité est assez distendu mais si l'on se réfère à d'autres études, sur la supplémentation en vitamine D pour viser un effet anti-inflammatoire, tout ne repose que sur des données parcellaires, voire des intuitions, et il n'y a aucun « gold standard » qui permette d'attester un effet suffisamment significatif pour réduire, effectivement, les mécaniques inflammatoires.
Donc une fois de plus, prudence. Que la vitamine D ait un léger effet anti-inflammatoire, et qu'elle puisse, cumulée avec d'autres facteurs, contribuer à réduire les risques de complications, c'est une chose, mais qu'elle suffise à elle seule à bloquer la tempête de cytokine, c'est assez peu vraisemblable et il faut rappeler que si un léger supplément de vitamine D est bon pour la santé, il suffit de peu pour que la dose soit toxique et déclenche une hypervitaminose, qui est elle, très nocive pour le système rénal.
En conclusion : un petit supplément pour les personnes âgées, contrôlé et minime (l'apport journalier recommandé est de 5 migrogrammes), ou une exposition raisonnée au soleil : oui. Un excès d'huile de foie de morue : non.
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