A contre-courant

Maria Pourchet / Abel Quentin
Maria Pourchet / Abel Quentin - Fayard / Patrice Normand
Maria Pourchet / Abel Quentin - Fayard / Patrice Normand
Maria Pourchet / Abel Quentin - Fayard / Patrice Normand
Publicité

Deux romans d'aujourd'hui, deux romanciers et leurs héros : Maria Pourchet et Abel Quentin

Avec
  • Maria Pourchet Romancière
  • Abel Quentin Romancier, auteur de "Sœur" (Editions de l'Observatoire, 2019), et de "Le Voyant d’Etampes" (Editions de l'Observatoire, 2021).

Alain Finkielkraut évoque la littérature d'aujourd'hui et s'entretient avec deux romanciers dont les romans font parler d'eux ; Maria Pourchet, pour Feu, paru aux éditions Fayard, et Abel Quentin, Prix de Flore 2021, pour Le Voyant d'Etampes, publié aux éditions de l'Observatoire. 

"J’allais conjurer le sort, le mauvais œil qui me collait le train depuis près de trente ans. Le Voyant d’Étampes serait ma renaissance et le premier jour de ma nouvelle vie. J’allais recaver une dernière fois, me refaire sur un registre plus confidentiel, mais moins dangereux. " Universitaire alcoolique et fraîchement retraité, Jean Roscoff se lance dans l’écriture d’un livre pour se remettre en selle (...)".  Abel Quentin dans Le Voyant d'Etampes.

Publicité

"Laure, prof d’université, est mariée, mère de deux filles et propriétaire d’un pavillon. À 40 ans, il lui semble être la somme, non pas de ses désirs, mais de l’effort et du compromis.
Clément, célibataire, 50 ans, s’ennuie dans la finance, au sommet d’une tour vitrée, lassé de la vue qu’elle offre (...)". Maria Pourchet dans Feu.

"Le roman d’Abel Quentin, Le Voyant d'Étampes, et celui de Maria Pourchet, Feu, traitent de sujets très différents. Ils ont pourtant quelque chose en commun : le refus de l’idéologie et la résistance – ou l’indifférence – à l’esprit du temps. Ni l’un, ni l’autre ne se laissent impressionner par le souverain poncif. 

Feu est une histoire d’adultère contemporaine qui n’est pas une nouvelle illustration de l’emprise toxique des hommes sur les femmes ; celles et ceux qui aimeraient y lire le procès de l’ordre patriarcal ou de la domination masculine y sont pour leurs frais. D’ailleurs, cette histoire ne se conclut pas par un éloge de la transparence ou par un éloge de l’égalité dans les rapports amoureux. Aussi haletant qu’éprouvant, ce roman à deux voix n’est pas un roman militant – avec des bonheurs d’expressions qui traduisent admirablement la souffrance de vivre – il ne raconte que ce qu’il raconte." (Alain Finkielkraut)

Maria Pourchet

Laure cherche tragiquement à être libre même si c’est, finalement, le personnage le moins tragique du roman. En miroir, Clément peut paraître houellebecquien car il est sinistre et affiche une désinvolture dans son rapport au capitalisme et dans le fait d’assumer être "une merde", en récupérant en cela une pause virile. Petit à petit, on va pourtant découvrir à quel point il est en lutte contre sa propre impuissance à aimer. 

"Je tenais à ce dispositif d’énonciation alternant "je" et "tu" pour mettre en valeur l’angle mort : ce que l’on suppose des attentes et des interprétations de l’autre"

Je voulais aussi parler de l’incommunicabilité entre les hommes et les femmes. Dans l’injonction "sois un homme" (un père, un chef), l’exigence d’amour n’était pas le sujet principal alors qu’aujourd’hui c’est une norme. En effet, derrière cette injonction, il y a le fait de savoir accompagner les femmes, les promouvoir, sans jamais transiger avec son propre désir d’homme. Clément exprime toute la difficulté à répondre à cette injonction car rien ne l’y prépare. Il va incarner la faillite des deux injonctions contemporaines : "sois un homme" et "repends-toi". C’est ce que j’entendais par l’expression : "le cauchemar d’être un homme". 

Abel Quentin

Jean Roscoff est un homme désabusé : sa carrière professionnelle est raté et il ne reconnaît plus aujourd’hui "sa" gauche antiraciste, jadis incarnée par SOS racisme, avec l’émergence du mouvement woke. Une polémique littéraire va finir par broyer ce personnage. 

Dans le mouvement antiraciste des années 80, il y avait un mélange de pur et d’impur, comme le raconte aussi, avec nostalgie, Roscoff. Il serait caricatural d’en faire une gigantesque entreprise de manipulation malgré le cynisme de certaines personnalités à l’intérieur de SOS racisme. (...)

L'intégralité de l'émission est à écouter sur la page, et sur l'antenne de France-Culture, tous les samedis de 9:07 à 10:00, ou sur l'application radio-France.

L'équipe