

Après plusieurs décennies d'un dialogue tendu entre la diplomatie française et la Russie, François Hollande, alors président de la République, rompt les liens après la crise de la Crimée. Aujourd'hui, Emmanuel Macron entend dégeler les rapports avec Vladimir Poutine. Que penser de ce tournant ?
- Galia Ackerman Journaliste, historienne, spécialiste du monde russe
- Hubert Védrine diplomate, ancien ministre des Affaires étrangères dans le gouvernement Jospin et ancien secrétaire général de la présidence de la République sous François Mitterrand
Le 27 août dernier, lors de son discours d’ouverture de la Conférence des ambassadeurs et ambassadrices, le président de la République française Emmanuel Macron a notamment déclaré :
Je crois qu’il nous faut construire une nouvelle architecture de confiance et de sécurité en Europe, parce que le continent européen ne sera jamais stable, ne sera jamais en sécurité, si nous ne pacifions pas et ne clarifions pas nos relations avec la Russie.
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Une semaine auparavant, le chef de l'État avait reçu Vladimir Poutine au Fort de Brégançon, et le 9 septembre, le ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian et la ministre de la Défense Florence Parly se sont rendus à Moscou pour rencontrer leurs homologues Sergueï Lavrov et Sergueï Choïgou dans le cadre d’une réunion du comité consultatif de coopération et de sécurité.
Après une période de tensions provoquées par l’annexion de la Crimée et la guerre en Ukraine, on peut donc parler, comme le dit le journaliste du Monde Marc Semo, d’un "tournant russe de la politique française".
Que penser d’un tel tournant ? Faut-il s’en inquiéter comme d’un abandon des principes ou au contraire s’en réjouir comme d’un retour au réalisme ? Qu’espère-t-on du dialogue avec la Russie ?
Les invités :
- Galia Ackerman, docteure en histoire et chercheuse associée à l'Université de Caen, spécialiste de l’Ukraine et de l'idéologie de la Russie post-soviétique, autrice de l'ouvrage Le Régiment Immortel La guerre sacrée de Poutine, aux éditions Premier Parallèle
- Hubert Védrine, diplomate, ancien ministre des Affaires étrangères dans le gouvernement Jospin et ancien secrétaire général de la présidence de la République sous François Mitterrand
Je trouve, depuis plusieurs années, complètement absurde qu’on ait avec la Russie des rapports mauvais, plus inquiets, plus stériles qu’avec l’URSS qui était beaucoup plus menaçante, qui avait un arsenal plus gros que Poutine, et malgré ça, il y a quand même eu à partir de l’époque Nixon/Kissinger jusqu’à Reagan et Bush père des négociations qui n’ont jamais affaibli l’Occident, au contraire. Il faut sortir de ce qui est à mes yeux une impasse, que j’appelle l’irréel politique. Mais il faut le faire avec une pensée, une intention, une vigilance, une prudence.
Hubert Védrine
Je pense que les conditions ne sont pas encore réunies pour ce tournant russe. Il faut distinguer la Russie et Poutine, le peuple / la nation et son président / ce régime, et le tournant ne serait réellement possible que si la Russie commençait à admettre certains de ses torts. Or rien n’est reconnu, ni l’annexion de la Crimée, qu’elle appelle "réunification", ni d’être partie prenante dans la guerre du Donbass, elle se présente comme observatrice ou médiatrice, etc… On peut parler avec la Russie, mais de quoi ? Sur quel ton ? Il est difficile de parler réellement et construire la sécurité commune avec un partenaire qui ment.
Galia Ackerman
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