L’amour en deuil

"En quoi consiste le travail qu'accomplit le deuil ?" demande Freud dans un de ses textes les plus célèbres Deuil et mélancolie. Et voici sa réponse : "L'épreuve de réalité a montré que l'objet aimé n'existe plus et édicte l'exigence de retirer toute la libido des liens qui la retiennent à cet objet". Cette réponse, qui ne s'embarrasse pas de précautions sentimentales, semble être passée dans les mœurs. Le cours freudien d'économie libidinale a été si bien assimilé par l'opinion qu'à chaque accident, à chaque tragédie, à chaque procès criminel, les survivants piaffent, les familles des victimes attendent impatiemment de pouvoir faire enfin leur deuil, c'est-à-dire de passer à autre chose. Ne s'oppose à cette vulgate psychanalytique triomphante que la littérature, la mélancolie et sa patrie. 

-Nouvelle écoute pour cette émission initialement diffusée le 27 février-

Inventer une conjugaison pour parler des morts au présent

Mais le coup porté par la mort de l'autre, en soi, c'est un enfermement et une dislocation. C'est ce qui se passe dans des pointes de folies. Ce vertige qu'il y a au bord de ce plus jamais... [...] Il faut sans cesse entre l'effroi et le banal de cet événement, il faut conjuguer et la langue ne nous y aide pas toujours. [...] Du deuil, il faut faire quelque chose de vaste, pas de grandiose. En que dans la peine, quelque chose sinue. Nathalie Léger

Habiter le chagrin

Je suis en deuil. Je suis amoureux. J'invente deux mondes, deux mondes se construisent. Seule la folie me permettait d'être dans le présent et dans le passé. [...] Je construis des trahisons salvatrices. Claude Askolovitch

Ma mère était veuve avant ma naissance, sans que jamais nous évoquions la marque de ce deuil en elle. On a toujours fait comme si ca n'existait pas. Elle a fait en sorte qu'il soit là ce silence. Nathalie Léger

Pour aller plus loin

"Suivant l’azur", de Nathalie Léger : le feuilleton littéraire de Camille Laurens, Le Monde, 5 novembre 2020.