La Russie, l’Ukraine et l’Occident

Obusier 2S19 Msta marqué "Z", l'un des symboles peints sur les blindés et hélicoptères militaires engagés dans l'invasion de l'Ukraine par la Russie en 2022.
Obusier 2S19 Msta marqué "Z", l'un des symboles peints sur les blindés et hélicoptères militaires engagés dans l'invasion de l'Ukraine par la Russie en 2022. - Mil. Ru - Domaine public, Wikipédia
Obusier 2S19 Msta marqué "Z", l'un des symboles peints sur les blindés et hélicoptères militaires engagés dans l'invasion de l'Ukraine par la Russie en 2022. - Mil. Ru - Domaine public, Wikipédia
Obusier 2S19 Msta marqué "Z", l'un des symboles peints sur les blindés et hélicoptères militaires engagés dans l'invasion de l'Ukraine par la Russie en 2022. - Mil. Ru - Domaine public, Wikipédia
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La guerre, l'Ukraine, la Russie : de la fiction à la réalité avec Iégor Gran et Giuliano da Empoli.

Avec

Alain Finkielkraut s'entretient avec Iegor Gran, romancier, auteur de Z comme Zombie, et Giuliano da Empoli, enseignant la politique comparée à Sciences-Po Paris, écrivain, qui fait paraître Le mage du Kremlin, grand prix du roman de l'Académie française 2022, et dévoile les dessous de l’ère Poutine en même temps qu'il offre une analyse et une méditation sur le pouvoir.

"Début avril, en Russie, on s’alignait en Z, on collait des Z sur les voitures. Z comme zombie, écrit Gran, pour que se dissipent enfin les fantasmes autour de la fameuse 'âme slave' dont le romantisme a nourri tant de complaisance à l’égard du totalitarisme russe, ce péché mignon d’un pays qui s’entête depuis un siècle à vivre dans une fiction parallèle." Iégor Gran, Z comme Zombie, éd. POL.

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Cela va faire bientôt un an qu'un événement qu'on croyait impossible dans l'espace européen, la guerre, a lieu, aux confins de l'Europe. Pendant que cette guerre, tout à la fois, s'intensifie et s'installe, s'aggrave et s'enlise là-bas, la vie ici continue. Rien de plus humain, rien de plus normal. Nous ne sommes pas en premières lignes, nous sommes seulement aux premières loges. Jusqu'où ira ce conflit ? Nous sommes nombreux à être désemparés et à vouloir comprendre.

"Vladimir Poutine a été frappé par une forme particulièrement violente de nuage, d'aveuglement qui entoure ceux qui sont seuls au pouvoir" (G. da Empoli)

"Chateaubriand parlait déjà de ce nuage qui se forme autour des princes et qui les aveugle, leur faisant voir dans le ciel des paysages chimériques, etc. Je crois que c'est ce qui s'est passé avec Vladimir Poutine, au début de cette année, il a été frappé par une forme particulièrement violente de nuage, d'aveuglement qui entoure ceux qui sont seuls au pouvoir. L'exercice du pouvoir longtemps produit cet effet inévitablement, on devient moins capable de voir la réalité des choses." Giuliano da Empoli

"Poutine est depuis très longtemps au pouvoir, de plus en plus isolé. Je pense qu'il a fait un très mauvais calcul sur la base d'une très mauvaise perception. Il a pensé être accueilli en Ukraine par une partie de la population de manière beaucoup plus enthousiaste, il a pensé que les Russophones étaient d'une certaine façon russophile, alors que ce n'est pas du tout le cas ; il pensait que son armée était beaucoup plus forte que l'armée ukrainienne, il pensait aussi que la réaction non seulement des Ukrainiens, mais aussi, des Européens serait beaucoup plus faible, qu'on le laisserait faire comme on a déjà fait par le passé - en Crimée, en Géorgie, en Syrie aussi, avec une violence extraordinaire, et puis il y a eu le retrait de l'Afghanistan ; il a eu un peu cette idée qu'aucun pouvoir fort ne se confronterait à lui. C'est une combinaison de ces différents facteurs qui ont porté à cette décision catastrophique du 24 février dernier." Giuliano da Empoli

"Il y a un problème de lucidité de la part de Poutine" (I. Gran)

"Poutine a sous-estimé la résistance ukrainienne, il a sous-estimé l'Occident qui, pour une fois, en vingt-cinq ans, s'est montré uni - vous avez eu raison de rappeler les reculades de l'Occident - en 2014 en Crimée, en 2008, en Géorgie, mais même avant : la guerre en Tchétchénie, au milieu des années 90, avec un gouvernement russe qui massacrait une région entière dans son propre pays, et l'Occident a fait semblant de ne pas voir. Et il a surestimé sa propre armée : on a vu une armée Potemkine arriver sur le terrain au son du clairon, pour ensuite s'apercevoir qu'ils sont sous-équipés à un niveau incroyable, que leurs chars datent d'il y a vingt ans, etc. Tout cela montre qu'il y a un problème de lucidité de la part de Poutine." Iégor Gran

Bibliographie :

Giuliano da Empoli Le mage du Kremlin, éd. Gallimard 2020

Iegor Gran,   Z comme Zombie, éd. POL 2022

Iegor Gran, Le Service des compétents,** éd. POL 2020

L'émission est à écouter dans son intégralité en cliquant sur la page