Les professeurs et la liberté d'expression

Le professeur Samuel Paty a été assassiné quelques jours après avoir tenu un cours d'éducation civique sur la liberté d'expression, où il avait présenté en classe des caricatures de Mahomet.
Le professeur Samuel Paty a été assassiné quelques jours après avoir tenu un cours d'éducation civique sur la liberté d'expression, où il avait présenté en classe des caricatures de Mahomet. ©Getty - SOPA Images
Le professeur Samuel Paty a été assassiné quelques jours après avoir tenu un cours d'éducation civique sur la liberté d'expression, où il avait présenté en classe des caricatures de Mahomet. ©Getty - SOPA Images
Le professeur Samuel Paty a été assassiné quelques jours après avoir tenu un cours d'éducation civique sur la liberté d'expression, où il avait présenté en classe des caricatures de Mahomet. ©Getty - SOPA Images
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Deux semaines après l’assassinat de Samuel Paty, François Héran publiait une "Lettre aux professeurs" dans laquelle il plaide pour une approche sereine de la liberté d’expression qui, selon lui, doit prendre en compte le respect des croyants. Il en débat aujourd'hui avec la philosophe Souâd Ayada.

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Le 16 octobre 2020, à Conflans-Sainte-Honorine, le professeur d'histoire-géographie Samuel Paty a été assassiné puis décapité par un jeune jihadiste tchétchène pour avoir, dans un cours d'éducation civique et morale consacré à la liberté d'expression, pris l'exemple de deux caricatures de Mahomet publiées dans Charlie Hebdo. Ce crime a bouleversé la France entière, nous avons tous été saisis d'horreur et d'effroi par delà nos divergences politiques et nos différences de sensibilités. Reste à savoir quelles leçons nous devons tirer de cette horreur et de cet effroi. Quels rapports doivent être instaurés ou restaurés entre liberté d'expression et liberté de croyance ? Faut-il sacraliser les caricatures ? Comment concevoir l'enseignement moral et civique sans renoncer à nos principes et sans heurter les consciences ? Ce sont quelques-unes des questions que nous allons traiter avec Souâd Ayada qui préside le Conseil supérieur des programmes et François Héran, titulaire au Collège de France de la Chaire Migrations et sociétés, qui publie ces jours-ci une Lettre aux professeurs sur la liberté d'expression. Pourquoi cette lettre ? Quel message voulez-vous adresser à ceux qui ont aujourd'hui la lourde charge de transmettre le savoir et la culture aux élèves de France ? 

Transmission des savoirs, usage de la raison et respect d'autrui en classe

Je rappelle que le programme de Jean-Michel Blanquer était : lire, écrire, compter et respecter autrui ; cette quatrième formule est assez étonnante et importante par rapport à la transmission des savoirs de base. Où passe la limite entre l'autocensure et la volonté de respecter autrui ? [...] Je suis pour la liberté d'expression, la liberté de réflexion et je tiens à dire que personne n'est propriétaire de la république, de la laïcité, de la liberté ; nous avons tous le droit d'y réfléchir librement. Et de considérer que le respect d'autrui, comme le disait Jean-Michel Blanquer, fait partie des valeurs fondamentales de la République. François Héran

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Ce que vous dites là peut convenir dans l'espace de discussion au sein des sociétés démocratiques. Ça ne convient pas à ce qui se passe dans une classe. Dans une classe, les élèves ne sont pas considérés comme des croyants ; ce sont des individus que nous devons élever à un usage réfléchi de leur jugement, que nous devons libérer des préjugés. C'est une mission tout à fait essentielle. On ne débat pas avec eux dans l'échange d'opinions mais on enseigne. Ce que nous respectons en autrui, c'est le fait qu'il soit capable de raison, en ce qu'elle définit l'homme. On a l'impression que vous voudriez modifier la définition aristotélicienne, de l'homme : non pas l'être doué de raison, mais l'être doué de croyance ! C'est assez problématique votre définition du respect. Souâd Ayada

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