

A l'occasion des commémorations des 150 ans de la Commune, l'historien Michel Winock évoque l'histoire des représentations qui lui sont associées et Quentin Deluermoz décentre le regard pour "sortir la Commune de ses mythes".
- Michel Winock Historien, spécialiste de l’histoire de la République française et des mouvements intellectuels contemporains
- Quentin Deluermoz Historien, professeur d’histoire contemporaine à l’Université de Paris.
Proclamée le 18 mars 1871, la Commune de Paris expirait au terme de ce qu'on a appelé la semaine sanglante le 28 mai de la même année. Ces 72 jours qui n'ont été qu'un feu de paille dans l'histoire du monde, font pourtant toujours partie du présent, "un présent étrangement vivant" comme l'a écrit le grand journaliste et historien allemand Sébastien Haffner. Il est donc tout à fait légitime de commémorer 150 ans après cet épisode inoubliable, mais en donnant à la commémoration la forme d'une célébration, la mairie de Paris a-t-elle fait le bon choix ? Quel bilan peut-on tirer de la Commune au lendemain du siècle des révolutions ? C'est ce que nous tenterons de voir avec deux historiens Michel Winock qui, dans sa jeunesse, a écrit avec Jean-Paul Azéma Les communards, livre republié aujourd'hui, et avec Quentin Deluermoz, auteur de Commune(s) 1870-1871. Qu'est-ce exactement que la Commune, d'où est-elle née ? Et que s'est-il passé pendant sa brève existence ?
Genèse de la Commune
La Commune c'est évidemment le rappel de 1792 -après le 10 août, quand le roi Louis XVI a été fait prisonnier et qu'il va être jugé- la municipalité s'est organisée en commune, qui était une commune à la fois révolutionnaire et patriotique contre l'envahisseur. Donc on a ce mythe de la Commune qui est une organisation de résistance. (...) Voilà comment le siège de Paris se termine par la signature d'un armistice à la fin du mois de janvier 1871, il y a tout un peuple parisien écœuré. C'est le début d'un patriotisme "férocement froissé". Michel Winock
Publicité
Le ciment de la Commune, c'est ce qu'on appelle la république démocratique et sociale, c'est-à-dire cette idée que vous ne pouvez pas changer l'ordre politique sans changer les rapports économiques et sociaux. (...) Le mystère de la Commune c'est cette tension entre une intensité exceptionnelle d'une expérience politique et sa brièveté et le fait qu'elle ait été brutalement interrompue. Quentin Deluermoz
Commémorer la Commune
En tant qu'historien, il y a ce travail de traduction qui, d'un côté, enrichit et de l'autre, doit amener à se défaire d'un certain nombre de lieux communs, voire à enrichir sa propre réflexion. La commémoration, c'est un peu l'effet inverse, vous vous emparez d'un événement et vous l'adaptez aux valeurs du présent en fonction d'une identité, quelle qu'elle soit. Ce qui est notable, c'est pourquoi on a autant besoin de commémorer aujourd'hui, cela dit quelque chose de très profond sur notre rapport au temps, ce qu'on appelle "le présentisme" le fait qu'on ait du mal à se projeter dans l'avenir, que le passé est de plus en plus réduit. Ceux qui s'emparent de la Commune aujourd'hui, recréent de l'espérance dans ce rapport au temps qui est de plus en plus réduit. C'est ce qui est intéressant actuellement dans la manière dont la Commune rejoue dans l'espace public. Quentin Deluermoz
Je suis partisan de la commémoration, mais non pas de la célébration. Car la célébration est réductrice, elle est militante. Tandis que la commémoration, c'est l'effort de comprendre ce qui s'est passé. Michel Winock
Pour aller plus loin
Dossier thématique La Commune de Paris sur le site de France Culture
Charles Péguy, patriote de 1914, par Jean-Pierre Rioux, dans Inflexions, 2014.
Les écrivains face à la Commune, article France Culture, 24 mai 2011.
L'équipe
- Production
- Réalisation
- Collaboration