"Némesis" est le dernier roman de l'écrivain américain disparu en 2018. Pour cette émission inédite, Alain Finkielkraut s'entretient avec Mathilde Brézet, spécialiste de Philip Roth, afin d'analyser les ressorts d'une œuvre qui interroge la notion de contingence sur fond d'épidémie de poliomyélite.
- Mathilde Brézet Professeur agrégée de lettres classiques
Némesis est une déesse grecque dont la mission est de châtier la démesure, l'excès, l'orgueil humains. C'est ainsi que l'immense auteur américain Philip Roth (1933-2018) a intitulé son dernier roman, en 2010. Némesis, c'est aussi la force du destin, obsession du personnage principal, Eugene "Bucky" Cantor.
Été 1944. Le jeune gymnaste juif habite Newark, dans le New Jersey aux Etats-Unis, et assiste aux ravages provoqués par une épidémie de poliomyélite qui éclate dans sa propre ville. Philip Roth rapporte avec justesse les émotions provoquées par ce fléau, qui touche avant tout les enfants : peur, panique, colère, immense peine, parfum d'une fatale injustice et terrible sentiment de culpabilité.
Après plusieurs semaines de rediffusions, Alain Finkielkraut retrouve le micro de Répliques, dans une émission inédite consacrée au dernier chef-d'oeuvre de l'un des plus grands auteurs de la littérature contemporaine. Notamment pour les résonances étonnantes que l'on y trouve avec ce que nous traversons, et pour son interrogation intelligente des ressorts de la contingence. Entretien avec Mathilde Brézet, professeure agrégée de lettres classiques.
Extrait :
Il lui faut trouver une nécessité à ce qui se passe. Il y a une épidémie, il a besoin de lui trouver une raison. Il faut qu’il se demande pourquoi. Pourquoi ? Pourquoi ? Que cela soit gratuit, contingent, absurde et tragique ne saurait le satisfaire. Que ce soit un virus qui se propage ne saurait le satisfaire. Il cherche désespérément une cause plus profonde, ce martyr, ce maniaque du pourquoi, et il trouve le pourquoi soit en Dieu soit en lui-même, ou encore, de façon mystique, mystérieuse, dans leur coalition redoutable pour former un destructeur unique. Je dois dire que, quelle que soit ma sympathie pour lui face à l’accumulation de catastrophes qui brisèrent sa vie, cette attitude n’est rien d’autre chez lui qu’un orgueil stupide, non pas l’orgueil de la volonté ou du désir, mais l’orgueil d’une interprétation religieuse enfantine, chimérique.
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