Qu'est-ce que le wokisme ?

"Eveillé" ?
"Eveillé" ? ©Getty - Bortonia
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Définition et débat autour du terme et du phénomène, le wokisme, avec Anne Toulouse et François Cusset. Deux ans à peine après son apparition en France, le mot woke vient d'être accueilli dans les dictionnaires.

Avec
  • François Cusset Historien des idées, professeur de civilisation américaine à l’Université de Paris Nanterre
  • Anne Toulouse

Alain Finkielkraut s'entretient avec la journaliste franco-américaine, Anne Toulouse, spécialiste de politique américaine, auteure d'un essai paru aux éditions du Roche (Wokisme, La France sera-t-elle contaminée ?) et François Cusset, historien des idées, professeur de civilisation américaine.

Le terme woke est entré dans le dictionnaire

Des Etats-Unis à la France, une généalogie se dessine pour ce concept. Selon la définition du *Petit Robert de la langue française : "*wokisme [wokism] nom masculin 2020, de woke ANGLICISME (souvent péjoratif). Courant de pensée d’origine américaine qui dénonce les injustices et discriminations ; mouvement, pensée woke."

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Alain Finkielkraut : "Deux ans à peine après son apparition en France, le mot woke vient d'être accueilli dans les dictionnaires. Ouvrons le Petit Larousse illustré 2022 ; 'woke, adjectif d'origine afro-américaine signifiant 'en éveil', se dit d'un courant de pensée dénonçant toute forme d'injustice et de discrimination subies par les minorités ethniques, sexuelles ou religieuses. Ce terme est fréquemment utilisé par les tenants de l'universalisme républicain pour qualifier les excès relatifs au militantisme des défenseurs des minorités.' Aucun des dictionnaires (Petit Larousse illustré, Petit Robert de la langue française) ne disent que ce terme est rare. Ils le consacrent parce qu'il est passé dans l'usage. "

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Woke : éléments de définition par Anne Toulouse

"Il y a la part sérieuse du woke qui regroupe le communautarisme, le développement parallèle de sociétés dont les unes apparaissent comme une majorité, les autres comme une minorité, mais il y a aussi tout un côté communication et phénomène de mode. C'est un mot qui a dérivé partout et qu'on va retrouver partout. Les mots ne sont pas innocents, ils entrainent des comportements. Tout ça est arrivé en France comme toutes ces modes d'outre-Atlantique. Mais il ne s'agit pas seulement d'un problème intellectuel, c'est passé complètement dans la rue.

Le mot woke distrait des questions essentielles - enfer peuplé de bonnes intentions qui part de problèmes réels ; le féminisme, l'égalité entre les races, les différences sexuelles… - avec une telle outrance finalement, qu'on perd l'essentiel dans l'accessoire. Ce qui me gêne dans la société américaine dans laquelle je vis avec ce mouvement, c'est l'intolérance qu'il suscite [...]".

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Pour François Cusset, le woke n'existe pas

"Ce n'est pas parce qu'il est passé dans le dictionnaire qu'il existe. Il n'y a pas d'unité à ce concept. Vous avez remarqué qu'on emploie souvent le "isme", ce qui prouve que c'est principalement un fantasme de la droite réactionnaire qu'elle a mis sur le marché des fantasmes politiques, ce qui d'ailleurs lui a valu certains succès électoraux ; c'est un courant de mode dans les entreprises pour se refaire une virginité sociale ou de genre, mais ca ne recoupe rien de cohérent et d'unitaire.

Certains y voient une menace pour la civilisation et pour nos valeurs, mais ce que je ne comprends pas, c'est que la violence est en face, et c'est de cela dont il faut discuter : les minorités en question sont d'abord les cibles de la violence (féminicide, racisme systémique, guerre, rapports nord-sud...) et leur attribuer cette violence, c'est faire le jeu de la droite ultra-réactionnaire, des media et des algorithmes des réseaux sociaux.

Tout cela vient d'horizons très différents, oui, il y a une sensibilité nouvelle, une intelligence critique nouvelle, liées à la jeune génération qui a exigé ce renouvellement de vocabulaire. Tous les essais réactionnaires contre le woke moquent ces mots, mais il ne faut pas moquer ces mots : il faut comprendre ce qu'ils disent et pourquoi ils existent. Chaque mot a un sens, et cela témoigne pour moi plutôt d'une intelligence critique de la jeune génération que d'un courant idéologique cohérent et maléfique."

Sources bibliographiques

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