“L’Académie française a annoncé * [le 24 octobre] la candidature de l’écrivain canadien né en Haïti Dany Laferrière au fauteuil de l’auteur d’origine argentine Hector Bianciotti, décédé en 2012. L’élection est fixée au 12 décembre” , lit-on dans une brève de La Croix . Alain Mabanckou s’en était réjoui à ce micro la semaine dernière. Pendant ce temps, Le Figaro s’inquiète : “la signature par Claude Durand du « Manifeste des 343 salauds », qui s’oppose à la proposition de loi visant à la pénalisation des clients de prostitués, va-t-elle compromettre son élection à l’Académie française face à Didier van Cauwelaert ? En tout cas, l’ancien éditeur, qui a publié un certain nombre d’académiciens, a fait légèrement verdir les immortels en adoptant le slogan « Touche pas à ma pute ».” L’inquiétude du Figaro n’a pas duré longtemps, puisque dès le lendemain, dans le même journal, on put lire que “à la suite d’une information publiée dans * [ses] colonnes, l’écrivain, ancien PDG des Editions Fayard, précise qu’il n’a pas apposé sa signature au bas * [de la] pétition lancée par le magazine * Causeur*. * « Quoi que je pense du contenu argumenté de cette pétition et de sa formulation discutable*, dit-il, * je tiens à préciser que je ne signe que les textes que j’écris moi-même. »”
Claude Durand n’est d’ailleurs pas le seul écrivain à ne pas vouloir être un salaud. “Après Nicolas Bedos , lit-on dans L’Humanité , c’est au tour de l’écrivain François Taillandier de se retirer de la pétition initiée par le magazine * Causeur. Tout en maintenant ses * « positions »* sur la pénalisation du client de la prostitution, il estime que son nom aurait surtout permis de * « lancer les ventes du magazine », ce dont il n’a * « rien à foutre », et pense s’être fait * « manipuler comme un imbécile ».”
A part ça, avez-vous remarqué qu’* « on demande aux écrivains ce qu’ils pensent, et aux écrivaines ce qu’elles ressentent » * ? “La Néo-Zélandaise Eleanor Catton a souligné cette différence de traitement lors d’un entretien avec le quotidien britannique * The Guardian, signale * Le Monde*, juste après avoir reçu le Man Booker Prize pour * The Luminaries*, son deuxième roman. A 28 ans, elle est la plus jeune auteure à s’être vu décerner le prestigieux prix – et son livre, de 832 pages, le plus long.”*
Elle fut elle aussi en son temps une jeune écrivaine prodige. “La Ville de Paris a décidé de rendre hommage à Françoise Sagan en donnant son nom à la médiathèque du Clos-Saint-Lazare (dans le 10e arrondissement) , nous apprend une brève du Parisien. Mais d’aucuns, à commencer par Serge Federbusch, un élu de droite, ont trouvé la délibération motivant ce choix surprenante. * « Les œuvres de Françoise Sagan s’inspirent d’une vie faite d’excès, menée à grande vitesse… Elle aborde des sujets qui sont définitivement associés à son œuvre : la vie facile, les voitures rapides », mentionne le texte qui doit être présenté au Conseil de Paris. * « La mairie aurait pu rajouter l’alcool, les stupéfiants ou encore la fraude fiscale puisque eux aussi ont été définitivement associés à l’auteur de *Bonjour tristesse * », ironise le blog Social nec mergitur.”
Les politiques feraient mieux parfois de ne rien dire, c’est ce que semble avoir compris une spécialiste du genre. “Elle a, d’habitude, l’hommage rapide , écrit Yves Jaeglé, à nouveau dans Le Parisien. Ses communiqués de félicitations d’auteurs primés ou de célébrations d’artistes disparus pleuvent. C’est bien pourquoi le silence de la ministre de la Culture, Aurélie Filippetti, au moment de la mort de Gérard de Villiers, * [il y a deux semaines], a fini par faire du bruit. Pas un mot. A tel point que la ministre a dû se fendre * [le 4 novembre]* sur Twitter d’un commentaire elliptique : * « Faire des choix, c’est donner du sens ». Les hommages ne sont * « pas systématiques », selon son cabinet.”*
La littérature populaire a pourtant ces jours-ci le vent en poupe, comme le rappelle Macha Séry dans Le Monde * : “A l’annonce de sa victoire, le 4 novembre, Pierre Lemaitre, distingué par l’académie Goncourt pour * Au revoir là-haut, n’a pas manqué de souligner que c’était là le sacre d’ « un savoir-faire qui vient du polar, du roman populaire ». Car jusqu’à ce livre portant sur la Grande Guerre, l’auteur, âgé de 62 ans, écrivait des romans policiers traduits en vingt langues et plusieurs fois primés. Mais aucune sélection ne l’a jamais mis en concurrence avec des auteurs dits de littérature « blanche » (par opposition au noir). * « Est-ce que vous avez déjà vu un polar couronné par le prix Goncourt ? », a demandé le lauréat. Jamais ! Dans la préface au récent * Polar. Le grand panorama de la littérature noire (paru à La Martinière), Caryl Ferey raconte une anecdote éclairante : une amie écrivain, n’ayant jamais lu de romans noirs à 50 ans passés, lui demande de lui prêter un de ses livres. Il lui donne son polar * Utu. Réaction : * « Impossible de s’endormir le soir, j’étais toujours à tourner les pages pour savoir ce qui allait arriver ! Brrr ! Mais dis-moi, Caryl, se reprit-elle avec sérieux * : quand est-ce que tu écris un vrai livre ? » On aura beau répéter, sur tous les tons, que le roman policier n’est pas un genre mineur, qu’il n’est pas déprécié par les critiques, le fait est que la frontière édifiée par les prix d’automne, sorte de plafond de verre, existe bel et bien. Pas de polar en lice ni d’ouvrage de science-fiction, pas non plus de westerns – exception notable, * Faillir être flingué*, de Céline Minard (chez Rivages), a concouru pour le Femina –, encore moins de récit érotique. Or* , rappelle Macha Séry, c’est bien là une démarcation qui n’existe qu’en littérature, le cinéma ne pratiquant pas cette hiérarchie des genres. […] Seuls comptent les bons films. Il faudra bien qu’à l’avenir, les règles imposées par les prix de littérature générale s’assouplissent, sous peine de manquer quelques chefs-d’œuvre, dans la masse de polars, de récits fantastiques et, aujourd’hui, de romans à caractère érotique. Ce qu’on appelle « les mauvais genres ».”
L'équipe
- Production
- Réalisation
- Réalisation