Le Louvre : grand succès à Lens, grand ménage à Paris

France Culture
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“Deux villes connues pour le foot, une crise plus aiguë encore qu’ailleurs , décrit Yves Jaeglé dans Le Parisien. Deux cités populaires, où les peintures s’imaginaient plutôt de guerre sur les visages des supporteurs au stade, que dans les musées. Deux désespoirs. Deux renaissances. Pôle sud et pôle nord, Marseille et Lens, où l’art de séduire le monde entier ou presque, avec ce que la France fait de mieux, à côté de sa gastronomie : la culture. Marseille-Provence, Capitale européenne de la culture, prépare son final avec un feu d’artifice géant à la fin du mois, fort de ses 8 millions de visiteurs. Le Louvre-Lens * [a fêté mercredi dernier] son premier anniversaire en restant ouvert jusqu’à minuit, et s’étourdit de ses 900 000 visiteurs.”* Et Jean-Luc Martinez, le président du Louvre, cité par Libération , de se réjouir : « Le double objectif de démocratisation culturelle et d’appropriation par la population est atteint. » Le bilan du Louvre-Lens est toutefois contrasté, estime Guillemette de La Borie dans La Croix * : un succès éclatant de fréquentation et d’image pour le musée et sa région, certes, mais des retombées économiques encore très limitées. “Il faudra de trois à cinq ans pour établir un vrai bilan , écrit-elle : passé l’attrait de la nouveauté, le pari est non seulement d’attirer mais de faire revenir le public, avec une estimation de 500 000 visiteurs annuels. D’autant que les habitants de Lens * « cherchent toujours les groupes de Japonais déambulant dans la ville », où rien ou presque n’est prévu pour les accueillir : le charmant chemin piétonnier qui doit mener de la gare TGV au musée, en 1,5 km, n’est pas terminé. Ni réhabilitations, ni hôtels pour inciter les visiteurs à rester plus longtemps sur place et irriguer l’économie locale, n’ont encore vu le jour. Un permis de construire vient d’être déposé pour un hôtel étoilé, qui devrait ouvrir… dans quelques années. […] Les emplois créés sur place, directs ou indirects, ne dépassent pas quelques centaines. Mais pour le président (PS) du conseil régional, Daniel Percheron, qui fut à l’origine de la candidature de Lens et engagea * « toutes les forces » de la région dans le projet, * « le pari est gagné ». Il martèle une vision à long terme : le musée est * « la cellule-souche » de l’aménagement et de la création de richesses, pour le territoire * « le plus pauvre de France ». * « Le pays frémit ! », annonce-t-il, en déclinant les projets engagés ou à venir.” * Daniel Percheron qui, apprend-on dans L’Express d’aujourd’hui, se bat pour faire venir ni plus ni moins que La Joconde à Lens. Refus du Louvre : “l’œuvre serait trop fragile pour supporter le voyage.” Mais Percheron “dit posséder une carte dans sa manche : * « J’en ai parlé à François Hollande. Le président ne m’a pas dit non. » ”*

Et pendant ce temps-là, à Paris… « Je rêve d’un Louvre plus généreux », proclam[ait] noblement Jean-Luc Martinez, * [le 21 septembre dans Le Monde ]. C’est bien parti : il a décidé de faire un grand ménage d’automne dans l’équipe de direction* , nous informe David Fontaine dans Le Canard Enchaîné. Cinq des douze responsables de direction transversale vont valser. Dont la directrice des publics, pourtant auteure d’un rapport sur l’éducation artistique très apprécié de la ministre. Et le directeur du mécénat, qui a levé jusqu’à 30 millions d’euros de fonds privés par an… Le maladroit ! Cette purge brutale, qui fragilise le management du musée le plus visité du monde (9,72 millions d’entrée en 2013), contraste avec les habitudes de gestion dans le secteur public. Et elle étonne d’autant plus au sein du personnel que Martinez a quinze ans de maison, dont six passées à la tête du département des antiquités grecques et romaines. Mais il se donne désormais des airs jupitériens, inaccessible sur son Olympe : le président des American Friends du Louvre a dû longtemps patienter pour obtenir un rendez-vous. Pour pondre son nouvel organigramme, réduit à cinq grandes directions, Martinez s’est enfermé avec la garde rapprochée qui l’a aidé à décrocher la présidence du Louvre , nous apprend encore Le Canard. Puis il a dévoilé ce nouveau schéma aux directeurs visés, en montrant à certains les cases vides sans leur nom. Sobre mais efficace… Au sein de cette garde rapprochée, Martinez a promu, en remerciement, deux proches de Copé recasés au Louvre il y a deux ans : le conseiller Benoît de Saint Chamas et la dircom Anne-Laure Béatrix, ainsi que l’ex-DRH Charlotte Lemoine, réputée plus à droite encore et bombardée administratrice générale adjointe. Pourtant, malgré cet entourage de choc, Martinez est déjà surnommé, dans les couloirs, « Aurélie-m’a-dit », tant il suit de près la feuille de route tracée par le cabinet de Filippetti : recentrer le musée sur ses collections permanentes et réduire la voile sur les expositions ainsi que sur la programmation musicale et culturelle. La « carte blanche » à la chanteuse et poétesse Patti Smith, au printemps 2014, a été carrément annulée, en dépit des lourdes clauses de dédit. Et la grande expo Velásquez, en 2015, refilée au Grand Palais. Du coup, des services entiers du musée sont démobilisés, voire désœuvrés, et inquiets des nouveaux départs qui s’annoncent. * « C’est une politique malthusienne qui n’a aucun sens, s’indigne un cadre dirigeant. * Le nom du Louvre permet toujours de lever de l’argent. Entre la billetterie, qui représente 40 millions par an, le mécénat et la nouvelle tranche de 74 millions qui doit être versée dans le cadre du projet du Louvre Abu Dhabi… »* Tandis qu’un conservateur grincheux s’alarme : * « Le rayonnement international du Louvre est en jeu, car les expositions permettent de nouer des partenariats avec les grands musées du monde… En outre, ce sont les expos qui attirent le public parisien ! » Après ces débuts fracassants , conclut Le Canard , Martinez, spécialiste de la sculpture grecque antique, compte recoller les morceaux ?”

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