C’est bien connu, quand les parents se déchirent, ce sont les enfants qui trinquent. Nouvelle preuve de cet adage, le retour de tension entre le privé et le public dans le théâtre, et en conséquence, la mort annoncée de leur progéniture commune, la cérémonie des Molières. « Cela fait des années que l’incompréhension et parfois le mépris divisent les théâtres privés et les théâtres publics français, * lisait-on vendredi dans Le Monde . Dernier événement : les plus importants théâtres privés parisiens, 29 au total, ont décidé de se retirer de la cérémonie des Molières, qu’ils jugent * « dépassée ». Pierre LESCURE (Théâtre Marigny, ex-président des Molières), Bernard MURAT (Edouard-VII) et Jean-Claude CAMUS (Saint-Martin) figurent parmi les frondeurs d’une cérémonie retransmise par France Télévisions qui, en avril, récompense les meilleurs spectacles de l’année. Sans doute la faible audience de la retransmission est-elle pour beaucoup dans ce coup de sang. Mais ces théâtres privés, qui ont connu une baisse de leur fréquentation en 2008 et 2009 et une saison 2010 * « difficile », dénoncent souvent le poids des théâtres subventionnés dans les votants et les récompensés aux Molières. Plus largement, ils trouvent que l’Etat les délaisse un peu trop par rapport aux scènes subventionnées. * « J’ai toujours été tourmenté par cette distinction entre théâtres privé et public », a réagi le ministre de la culture, Frédéric MITTERRAND, qui va recevoir les contestataires. »
Un que la crise des Molières ne semble pas vraiment « tourmenter », c’est notre confrère de Libération et partenaire de dispute, René SOLIS. « Le fait que ce soit le secteur privé qui estime nécessaire de « tourner la page » ressemble à un paradoxe , observe-t-il*. Conçue sur le modèle des Césars du cinéma, la manifestation avait été créée en 1987 par le théâtre privé. Et n’avait jamais réussi depuis à surmonter sa contradiction de départ : censés * « réconcilier la grande famille du théâtre », les Molières reposaient sur une imposture, celle de la « parité » entre public et privé. Alors que les deux secteurs sont peu comparables. Répartis sur l’ensemble du territoire, disposant de moyens conséquents et moins soumis aux obligations de rentabilité, les scènes publiques (théâtres nationaux, centres dramatiques nationaux, scènes nationales et théâtres municipaux) regroupent l’essentiel de la recherche et de la création de qualité. Alors que les salles privées sont un phénomène purement parisien, qui fédère l’essentiel du théâtre dit commercial. Il y a certes des spectacles de qualité et d’autres médiocres dans l’un et l’autre secteur, mais la balance n’est pas équilibrée, et il y a toujours eu quelque chose de choquant, voire de pathétique, dans la façon dont les Molières prétendaient maintenir une égalité entre les deux. Longtemps, d’autre part, la composition du collège électoral et les modalités de vote ont été entourées d’un grand flou. Si l’on ajoute que la plupart des cérémonies ont été des fours télévisuels, en termes d’audience et d’esthétique, et que le phénomène s’est accentué ces dernières années, il sera difficile de pleurer la disparition des Molières. Les scènes privées qui ont claqué la porte craignent, semble-t-il, que le théâtre subventionné ne devienne prépondérant dans le palmarès. Une prépondérance qui ne ferait que refléter la réalité culturelle française. En même temps, on voit mal l’intérêt du théâtre public à maintenir une cérémonie placée dès sa naissance sous le sceau de la ringardise » , conclut, impitoyable, René SOLIS.
Sinon, pour énerver un peu plus les directeurs de théâtre privé, tout va bien pour ceux du public, en tout cas pour deux d’entre eux. « Olivier PY , nous apprenait ce week-end Fabienne DARGE dans Le Monde , a définitivement obtenu, vendredi 2 décembre au soir, sa nomination au poste de directeur du Festival d’Avignon, à l’issue du conseil d’administration qui s’est tenu dans la Cité des papes. L’auteur-metteur en scène, âgé de 46 ans, avait été débarqué, le 8 avril, de son poste de directeur de l’Odéon-Théâtre de l’Europe au terme de son premier mandat de cinq ans, sur demande de l’Elysée qui souhaitait offrir le deuxième théâtre national de France au metteur en scène suisse Luc BONDY. Cette éviction surprise – le bon bilan de PY à la tête de l’Odéon est unanimement reconnu – avait suscité une vive polémique. Le ministre de la culture, Frédéric MITTERRAND, avait alors, le 14 avril, en accord avec Marie-José ROIG, maire d’Avignon, proposé à Olivier PY, qui en rêvait depuis toujours, de prendre la responsabilité du Festival d’Avignon à l’issue du mandat, en 2013, des directeurs actuels, Hortense ARCHAMBAULT et Vincent BAUDRILLER. Olivier PY avait accepté, donnant le sentiment de laisser tomber un peu vite les principes républicains brandis au moment de son éviction. Sa nomination devait être validée par le conseil d’administration du Festival, ce qui est fait, par huit voix contre trois, les représentants du conseil général et du conseil régional, notamment, ayant voté contre sa candidature pour protester contre des pratiques qu’ils jugent délétères. Parallèlement, Luc BONDY, 63 ans, qui prendra la direction de l’Odéon en mars 2012, aurait obtenu de l’Etat, dans un contexte de restriction qui touche tous les théâtres, une rallonge budgétaire de … 750 000 euros. Contacté, le futur directeur confirme qu’il a * « demandé cette augmentation », mais n’a * « pas encore reçu de réponse ». Le budget 2012 de l’Odéon doit pourtant être voté au conseil d’administration du 7 décembre. »
Le lendemain, jeudi prochain, aura lieu la première au Théâtre du Rond-Point de "Golgota Picnic", et après l’avoir attaquée à Toulouse, les fondamentalistes chrétiens commencent déjà à se manifester à Paris. « Deux hommes de 22 et 23 ans, « cathos tradis », ont été interpellés dans la nuit de vendredi à samedi alors qu’ils s’apprêtaient à endommager les alarmes du théâtre du Rond-Point , a-t-on appris ce matin dans Libération. * « Les deux types, des Bretons, avaient marteaux, couteaux et gaz lacrymogène, selon le directeur, Jean-Michel RIBES. * Ils ont avoué connaître tous les codes des portes d’entrée du théâtre, ce qui veut dire qu’ils nous espionnent. » Ayant acheté des billets, ils s’étaient laissés enfermer dans le théâtre. Ils ont été libérés samedi et frappés d’un simple rappel à la loi. » Ça commence bien…
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