2020, "année de toutes nos humiliations", ou année du "grand sacrifice humaniste" ?

L'année de lapandémie vue à travers les feuilles de chou. Palestine, avril 2020
L'année de lapandémie vue à travers les feuilles de chou. Palestine, avril 2020 ©AFP - Mohammed Abed
L'année de lapandémie vue à travers les feuilles de chou. Palestine, avril 2020 ©AFP - Mohammed Abed
L'année de lapandémie vue à travers les feuilles de chou. Palestine, avril 2020 ©AFP - Mohammed Abed
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Avec la fin de l'année fleurissent dans les journaux les retrospectives 2020 et analyses sur cette année si particulière. Faut-il en garder quelque chose de positif pour 2021 ?

Ce matin nous sacrifions (de bon cœur) à l’exercice de la rétrospective de l’année 2020.

Oui parce que cette année 2020 si disons... particulière, elle inspire beaucoup mes collègues journalistes de la presse mondiale ; des journalistes que l’on sent un brin traumatisés par tout ce dont il a fallu témoigner, ce qu’il a fallu couvrir et analyser ces 12 derniers mois, mais qui ont besoin d’écrire leur propres rétrospectives sur l’année écoulée comme pour être sûrs d'y mettre eux-mêmes le point final.

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Et s’il ne fallait en garder qu’un, ce serait sans doute Nicolas Dufour du quotidien suisse Le Temps. 2020, écrit-il en titre, restera selon lui comme "l’année de toutes nos humiliations", celle qui nous ramenés tous (avec la pandémie, forcément) "au statut de postillon, de pure force de travail, et de mourants isolés". Ce virus, poursuit le journaliste, "a rongé ce qui nous définit comme êtres de désir et de raison, il nous a ramenés à un improbable niveau zéro de l’humain, ce qui, en ces termes officiels que nous n’avons cessé d’entendre, est exprimé par le concept d’essentiel". 

Pas essentiel… et donc sacrifiable, tout ce pan collectif, social, culturel de nos vies : il est au cœur de ce que retient de 2020 le russe Fiodor Krasheninnikov que l’on lira sur le site Republic. Lui voit dans ce sacrifice forcé le signe d’une année marquée avant tout par "l’humanisme" dont nous avons fait preuve, en nous privant donc, en sacrifiant ce qui nous est le plus cher pour sauver la vie d’autres personnes. 

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Krasheninnikov se range ostensiblement du côté des optimistes, il se revendique d’ailleurs d’une référence en la matière, le penseur nord-américain Steven Pinker, pour faire cette observation encourageante : "C_omment pourrions-nous désespérer de sociétés qui ont cette année consenti à sacrifier ce qu’elles chérissent le plus au monde, à savoir la croissance économique, pour protéger la vie avant tout"._

Mais tout de même… qu’elle aura été lourde à porter, cette année de pandémie, et qu’il est dur à exprimer, le deuil de ces centaines de milliers de morts du Covid-19. Sur ce point du deuil collectif, il faut le dire, aucun leader mondial n’a su trouver les mots pour le moment, mais tout de même, note Der Spiegel en Allemagne, Angela Merkel a tenu à laisser une place au recueillement, dans ces derniers vœux de Nouvel An qu’elle va prononcer ce soir en tant que chancelière. 

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Car si 2021 sera pour l’Allemagne celle du grand changement politique, la fin de 16 années dirigées par la chancelière Merkel, à l‘échelle mondiale sera aussi et surtout "l’année du grand bavardage généralisé", annonce pour sa part Sasha Lobo, toujours dans Der Spiegel : la seconde année du coronavirus (voilà une manière lucide au moins de présenter cette année qui vient) sera celle de la "crise froide", économique, celle d’une "menace constante au-dessus de nos vies".

Et dans ce climat de peur et d’incertitude, que fait l’humain, 2020 l’a montré ? "Il parle", à tort et à travers bien souvent, pour se rassurer, pour se réchauffer dans l’échange avec l’autre, pour faire son intéressant, pour combler le vide de son ignorance ou tout simplement du silence. L’auteur de cette prophétie termine son billet en interrogeant la notion de crise, comme pour se redonner du courage en élaborant un début de réflexion sur "la crise comme moteur de rupture et donc de progrès".

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Pour aller dans son sens, on citera le magazine américain en ligne Politico, lequel met en avant pour dresser le portrait de 2020 quatre femmes qui ont marquée l’année par leur force de mobilisation. On y retrouve Olga Kovalkova, l’une des meneuses de la contestation en Biélorussie contre la réélection du dictateur Alexandre Loukachenko, dans laquelle les femmes biélorusses continuent de jouer un rôle majeur. Parmi les quatre de Politico, également, il y a Magda Gorecka, polonaise engagée avec détermination dans la bataille pour sauver le droit à l’avortement dans son pays ; et puis il y a la française Assa Traoré, icone du combat contre les violences racistes et violences policières. Toutes ces femmes ont soulevé des foules cette année, et bousculé des mentalités figées dans leurs pays respectifs.

C’est aussi cela, 2020. Reste à savoir ce qu’en fera 2021 ? Tous les journalistes traumatisés que je viens de citer vous la souhaitent heureuse et plus lumineuse que la précédente. Et j’en termine avec cette résolution (c’est de saison) prise par Mark Heertsgaard pour la revue américaine The Nation : il appelle toute la profession journalistique à s’engager, en 2021, pour ramener la question climatique au rang d’urgence absolue. 

En la matière, 2020 aura été une année de régression, alors que la prise de conscience semblait amorcée à travers le monde. Si les scientifiques et les politiques sont sommés de revoir leurs logiciels pour donner la priorité à l’urgence environnementale, pourquoi les journalistes ne le feraient-ils pas également ? Appel à la responsabilité et à "l’engagement", donc, même si c’est un mot qui fait peur dans notre profession. 

"Si nous arrivons à vaincre la pandémie et que la presse a pu y contribuer un tant soit peu, écrit Mark Heertsgaard, alors nous devons nous servir de ce qu’elle nous aura appris pour livrer cette autre bataille du climat". Chiche ? On en reparle en 2021 !