A Hong Kong, la contestation pro-démocratie perd espoir et bascule dans l'insurrection permanente

Troisième nuit d'émeutes consécutive à Hong Kong
Troisième nuit d'émeutes consécutive à Hong Kong ©AFP - Philip FONG
Troisième nuit d'émeutes consécutive à Hong Kong ©AFP - Philip FONG
Troisième nuit d'émeutes consécutive à Hong Kong ©AFP - Philip FONG
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Depuis trois jours, Hong Kong est plongée dans le chaos par des batailles rangées entre manifestants et forces de l'ordre, deux camps également radicalisés. En Russie, le meurtre d'une étudiante par son compagnon, un éminent historien, relance le débat sur les féminicides et violences conjugales.

A Hong-Kong, les affrontements entre manifestants pro-démocratie et forces de l'ordre n'ont plus connu de trève depuis trois jours et trois nuits.  

Il y a clairement eu un basculement, là-bas. Après déjà 8 mois de mobilisation, on semble bien passé à une phase d'insurrection permanente du côté des protestataires  dont l'"état d'esprit est résumé sans fard par un reportage du site américain The Atlantic : depuis mars, "rien de ce qu'a pu tenter Pékin pour les arrêter n'a fonctionné, ni le retrait de la loi sur l'extradition, ni la répression policière, ni l'interdiction du port de masques sur la voie publique . Désormais ces jeunes hong-kongais ne sont plus mus par l'espoir", écrit Zeynep Tufesk-ci, mais par l'envie d'en découdre, à défaut de toute autre issue possible"

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Car en face, poursuit l'universitaire américaine qui est présente sur place, le pouvoir local de Hong Kong appuyé par Pékin fait ce que toute autorité obsédée son propre pouvoir baffoué ferait, à savoir se résoudre au pourrissement du conflit, là aussi comme seule issue possible. Nous en sommes donc là, depuis lundi, journée noire parmi toutes les précédentes où l'on a vu circuler des images de policiers tirant à bout portant sur un étudiant désarmé, ou fonçant à moto sur des groupes de manifestants. 

"Nous sommes en guerre", disent les mêmes manifestants au Washington Post dont la reporter Shibani Mathani a suivi tout particulièrement six jeunes hong-kongais, un groupe d'amis passés experts en confection de cocktails molotov. Ce qui intéresse la journaliste, c'est que ces six-là ne sont pas des étudiants mais des "cols blancs, avec des emplois stables et plutôt enviables" dans des tours de bureaux. Ils expliquent avoir rejoint la contestation à force d'attachement aux idées démocratiques (à commencer par cette idée simple de pouvoir élire eux-mêmes ceux qui les dirigent) et à force d'indignation face à l'ampleur des violences policières.   

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Depuis trois jours, Hong Kong est donc paralysée par les opérations de blocages des transports publics et par les affrontements entre manifestants et forces de l'ordre. La situation est particulièrement critique sur les campus de la ville où, rapporte le South China Morning Post, plus qu'ailleurs encore les pro-démocratie sont résolus (et ils le disent) à "mettre le pouvoir pro-Pékin à genoux". Depuis 72 heures c'est donc cocktails molotov et pavés contre gaz lacrymogènes, LBD et canons à eau ; les blessés se comptent par centaines et la violence s'exprime aussi, de plus en plus, entre les étudiants hong-kongais mobilisés et ceux venus de Chine continentale : une centaine d'entre eux, par mesure de sécurité, a été renvoyée sur le continent dans des bus spécialement affrétés par le pouvoir central ce mercredi matin. 

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Un pouvoir qui prend la mesure de la radicalisation en cours, et qui y prend aussi sa part. Pour preuve, toujours dans le South China Morning Post, cette information sur un nouveau dispositif anti-émeute mis en place par les autorités locales : une nouvelle unité-choc va être envoyée au front cette semaine, composée d'environ 80 hommes qui ont été recrutés dans les équipes d'intervention en milieu pénitentiaires connues pour leurs méthodes expéditives quand il s'agit de mater un début de mutinerie.  

Avec ou sans eux, les batailles rangées à travers Hong Kong achèvent mettre la ville asiatique au bord de "l'effondrement complet".  Pour le quotidien d'Etat chinois The Global Times, le constat de radicalisation est le même, mais avec forcément un autre point de vue très tranché : on y lit que la violence décomplexée des émeutes à Hong Kong ces trois derniers jours, prouve à quel point les manifestants sont entrés dans un stade de "folie terminale". 

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"Ils sont de moins en moins nombreux mais de plus en plus violents, ils ont perdu le soutien du reste de la population, alors la police doit poursuivre son travail avec fermeté pour ramener l'ordre", affirment des experts cités donc depuis Pékin par le Global Times, la 'voix de son maître' qui fustige une fois de plus l'irresponsabilité de médias occidentaux jugés "complètement partiaux", accusés de faire "l'apologie de la violence" et de participer à une "nouvelle révolution colorée" fomentée depuis l'étranger pour affaiblir la Chine 

La presse russe, quant à elle, démêle les fils d'un meurtre particulièrement sordide. 

Pour être précis, disons que le sordide s'y mêle au clinquant, et c'est ça qui rend ce fait-divers si révélateur. On parle donc ici d'un historien internationalement connu, Oleg Sokolov, en charge de la chaire d'histoire à l'université d'Etat de Saint-Petersbourg. Il a été arrêté samedi matin après avoir été sauvé de la noyade dans une rivière par des secouristes ; dans son sac, nous raconte le site d'info petersbourgeois 47news (repéré et traduit par Courrier international), on a retrouvé deux bras de femme découpés à la scie. En garde à vue, Sokolov, 63 ans, a rapidement reconnu que ces membres étaient ceux de sa compagne, l'une de ses étudiantes agée de 24 ans ; il a également reconnu l'avoir tuée, selon lui pendant une "dispute conjugale", et avoir ensuite tenté de faire disparaître le corps en le démembrant et en en noyant les pièces dans la rivière C'est là qu'il a manqué se noyer lui-même et a donc été arrêté. 

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Tous ces détails profondément macabres remplissent les journaux russes depuis ce week-end : on s'y passionne pour le portrait du vieux mandarin flamboyant devenu monstreux assassin. Car Oleg Sokolov n'est pas n'importe qui, selon le portrait qu'en dresse la Gazeta : il est un "génie obsédé", dévoré par sa passion pour l'histoire de Napoléon 1er. C'est d'elle qu'il tire ses lettres de noblesses dans le milieu universitaire mais aussi politique, puisqu'il est reconnu comme l'un des premiers à avoir lancé la mode des reconstitutions historiques de batailles napoléoniennes en costume. Ces manifestations lui ont vallu de solides amitiés parmi les hommes puissants de Russie et au-delà : Oleg Sokolov est également très lié (Napoléon oblige) à la France. La Gazeta toujours rappelle que Jacques Chirac lui a remis la légion d'honneur en 2003 ; il a été professeur invité à la Sorbonne ; il siégeait même, jusqu'à cette affaire, au sein du conseil scientifique de l'école privée de sciences politiques lancée à Lyon par Marion Maréchal-Le Pen. 

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La presse russe, depuis samedi, n'utilise pas le mot "féminicide", comme nous le ferions ici, pour décrire le meurtre de sa victime Anastasya Echtchenko. Elle y préfère des gros titres plus complaisants, faciles, comme celui d' Argumenty y Fakty qui explique que "Napoléon a avoué le meurtre de sa Joséphine". Mais il y a tout de même, avec les jours qui passent et les langues qui se délient, quelque chose d'une prise de consience qui s'ébauche sur les violences conjugales (qui sont un problème massif en Russie) et sur l'emprise qu'un vieux mâle tout-puissant peut exercer en toute impunité dans une institution, l'université russe, qui selon le site d'info Meduza avait connaissance depuis des années des "relations" que Sokolov entretenait avec plusieurs de ses étudiantes... pour ne pas parler de comportements de prédateur sexuels et de "tyran cruel", tel que les décrit l'agence nationale d'information RIA

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L'université de Saint-Petersbourg se défend, c'est devenu un classique, en expliquant "qu'aucune jeune femme n'a jamais porté plainte contre l'historien". Pas sûr que cela suffise à calmer les critiques qui n'en finissent pas de monter, et c'est sans précédent, dans le milieu universitaire russe.