La conférence internationale sur la sécurité à Munich ce week-end a confirmé l'état des divisions stratégiques entre puissances occidentales, Etats-Unis et Europe, avec la Russie en embuscade. L'affaire Benjamin Griveaux est surtout une affaire Piotr Pavlensky, selon la presse russe.
Retour sur la conférence internationale sur la sécurité qui s'est terminée hier à Munich en Allemagne.
Sans surprise c'est la presse allemande qui y consacre le plus de place en dissertant comme les conférenciers de ce week-end sur "le déclin de l'Occident dans les relations internationales" : c'est le thème, volontairement polémique, qui avait été retenu par les organisateurs, et c'est donc autour de ce constat que l'on a vu s'opposer des visions du monde.
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Selon Die Welt, l'opposition "inratable" de ces trois jours, c'est celle qui a mis aux prises le chef de la diplomatie américaine Mike Pompeo et Emmanuel Macron. Quand le premier martelait que "l'Occident gagne et que nous gagnerons ensemble", balayant au passage les accusations du président allemand Steinmeyer pour qui l'administration Trump semble "rejeter l'idée même d'une communauté internationale" en affaiblissant toujours plus l'OTAN, le chef de l'Etat français toujours d'après ce qu'en retient Die Welt, a confirmé la thèse d'un affaiblissement de l'Occident, pointant lui aussi le désengagement d'une Amérique accusée de "se retirer" de ses relations avec l'Europe. L'Europe se retrouve seule et largement inaudible, a dit en substance Emmanuel Macron à Munich, alors elle doit repenser son positionnement dans les affaires du monde pour redevenir, sans les Etats-unis s'il le faut, "une puissance stratégique et politique".
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Autant dire que l'ambiance n'était pas vraiment détendue à cette conférence de Munich : c'est ce que confirme la Süddeutsche Zeitung en mode litote, sous la plume de Daniel Brössler qui écrit que le week-end bavarois entre grands de ce monde "n'a pas été des plus plaisants". On pourra se consoler en se disant que l'Ouest en tant qu'entité géopolitique "existe toujours comme figure de l'ennemi, dans les discours des officiels russes et chinois" : maigre consolation. A l'opposé, l'Occident a toujours sa place dans la rhétorique américaine en tant que "puissance bodybuildée et éprise d'elle-même", commente encore Daniel Brössler ; le problème, c'est de savoir ce qui peut exister entre les deux pour ceux qui refusent cette opposition binaire comme, vous l'aurez compris, les Européens.
Emmanuel Macron, par exemple, aime à répêter que l'Occident, tel que l'Europe l'entend, se définit avant tout par "des valeurs" qu'il s'agirait de défendre, de ne pas se laisser imposer d'autres valeurs par les grandes puissances rivales. Reste à définir ces valeurs communes à tous les Occidentaux, reste aussi à savoir comment et contre qui on les défend.
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C'est là que le site Politico pointe une contradiction fondamentale chez Emmanuel Macron, résumée sous ce terme de "roulette russe", jeu dangereux auquel se livrerait le président français dans ses relations avec Vladimir Poutine. A la fois Macron évoquait-il à Munich "_des puissances régionales, dans notre voisinag_e" qui ne partangent pas nos valeurs ; à la fois accusait-il la Russie de s'ingérer de multiples manières dans les élections à l'Ouest (on va reparler dans un instant de l'affaire Benjamin Griveaux dont se délecte la presse russe)... et tout à la fois, Emmanuel Macron continue de plaider pour des relations renforcées, à long terme, avec la Russie.
"C'est un pari risqué", analyse Rym Momtaz donc pour Politico, que de vouloir se rapprocher de Moscou pour gagner en indépendance vis-à-vis de Washington. Et quelle "suffisance" faut-il au Français, pour "imaginer qu'il peut réussir là où Angela Merkel et Barack Obama ont échoué, à savoir faire de la Russie un partenaire fiable pour la sécurité de l'Europe".
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Rym Momtaz fait donc siennes les accusations de "naïveté", contre le président français qui croit arriver à séduire Vladimir Poutine par les simples vertus du dialogue. Des accusations, sans surprise, qui viennent de l'Est de l'Europe, de pays comme la Pologne ou les Etats baltes qui savent ce que cela veut dire, d'avoir grandi dans l'ex-bloc soviétique et de vivre dans le voisinage menaçant de la Russie.
"La Russie n'est pas un ennemi, mais un pays européen, c'est un fait historique, politique et culturel": voilà ce que martèlent depuis des mois les conseillers diplomatiques d'Emmanuel Macron. On leur souhaite bonne chance pour expliquer aux Polonais, aux Lituaniens, et aux Ukrainiens, comment cette vision est compatible avec celle d'un Occident défini avant tout par ses "valeurs".
Voilà qui nous amène à "l'affaire Benjamin Griveaux" dans laquelle tout est parti de l'artiste russe Piotr Pavlentsky.
... Et c'est vrai que la simple évocation du nom de cet enfant terrible de l'art politique russe, comme le récit de la zizanie qu'il a réussi à mettre dans la Macronie, tout ça est regardé par la presse russe avec une bonne dose de goguenardise.
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Pour Kommersant, "Piotr Pavlensky a mis le feu à la campagne pour la Mairie de Paris" comme il avait incendié il y a quelques années les portes de la tristement célèbre Loubianka, l'ancien siège du KGB et toujours siège de son héritier le FSB. C'est pour ce happening, parmi d'autres, que Pavlensky avait été persécuté dans son pays et avait obtenu l'asile politique en France en 2017. Le voilà aujourd'hui qui retourne son art, son arme, contre le pays qui lui a porté assistance, reprenant le rôle qu'il s'est assigné à lui-même : celui de révélateur de la mauvaise conscience de nos démocraties, qu'elles soient russes ou française, même combat, pas d'état d'âmes... Et tout celà, ajoute Kommersant, est fait au nom de "valeurs morales", Pavlensky expliquant qu'il dénonce l'hypocrisie de ceux qui veulent le pouvoir au nom d'une forme de probité vertueuse quand ils incarnent l'inverse dans leur vie privée.
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Tout celà est foncièrement discutable... et discuté, en Russie comme en France. Gazeta note tout de même que, en France comme auparavant en russie, Piotr Pavlensky a été arrêté et place en détention pour ses actes. Le site d'info Lenta s'amuse des propos d'un député LREM qui proposait de "foutre dehors ce salopard de Pavlensky, de le renvoyer en Russie voir s'il peut faire ce genre de conneries avec M. Poutine". La réponse est oui : ce genre de kompromat est monnaie courante en Russie, et c'est même l'arme favorite du pouvoir pour discréditer ceux qui lui font de l'ombre.
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Enfin pour prendre la défense de Piotr Pavlensky on peut compter sur Oleg Kashin, l'une des plumes les plus acerbes de l'opposition russe : dans le journal en ligne Republic il explique que la disgrâce de Benjamin Griveaux n'est qu'un dommage collatéral, qu'il ne faut surtout pas y voir un complot (de toute façon Griveaux n'était même pas favori à cette élection) , mais que Pavlensky a fait ce qu'il a toujours fait : "du trash, de l'agit-prop, brasser la vase en profondeur pour l'envoyer à la face des puissants en surface".
Provoquer le dégoût, mordre la main de ceux qui l'ont accueilli pour s'affirmer libre, c'est exactement ce qu'il recherche... Et c'est pourquoi "l'oeuvre de Piotr Pavlensky est immortelle", conclut Oleg Kashin : "celui qui arrivera à la faire entrer au musée n'est pas encore né".
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