Clash diplomatique

Le Président américain Barack Obama (g) et le Premier Ministre israélien Benjamin Netanyahou (d), lors des funérailles du Premier Ministre Shimon Peres
Le Président américain Barack Obama (g) et le Premier Ministre israélien Benjamin Netanyahou (d), lors des funérailles du Premier Ministre Shimon Peres ©AFP - MENAHEM KAHANA / POOL
Le Président américain Barack Obama (g) et le Premier Ministre israélien Benjamin Netanyahou (d), lors des funérailles du Premier Ministre Shimon Peres ©AFP - MENAHEM KAHANA / POOL
Le Président américain Barack Obama (g) et le Premier Ministre israélien Benjamin Netanyahou (d), lors des funérailles du Premier Ministre Shimon Peres ©AFP - MENAHEM KAHANA / POOL
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Chaque matin, l’actualité vue au travers de la presse étrangère. Aujourd’hui : Deux jours après le vote à l'ONU d'une résolution dénonçant la colonisation israélienne de territoires palestiniens occupés, l'Etat hébreu ne décolère pas.

Avec
  • Benjamin Netanyahu homme d'État israélien. Président du Likoud, parti national-conservateur, il est Premier ministre d'Israël de 1996 à 1999 puis de 2009 à 2021.

Tout le weekend le gouvernement israélien aura cherché, par tous les moyens, à marquer son opposition ferme au vote de la résolution vendredi dernier. C'est ainsi qu'hier matin, par exemple, jour de Noël, les autorités ont notamment convoqué les ambassadeurs de 10 des 14 pays qui se sont prononcés en faveur de cette mesure anti-implantation. Par ailleurs et toujours en représailles, le ministre de la défense a ordonné à l’armée de cesser tout contact avec les représentants politiques de l’Autorité palestinienne. Le Premier Ministre a, lui, également répété sa promesse de restreindre les financements des différentes agences de l'ONU. Enfin, hier soir, à l'occasion de la fête des lumières, Benjamin Netanyahu s'est rendu au mur des Lamentations à Jérusalem-Est, c'est-à-dire en « Palestine occupée » pour certains mais dans « Jérusalem libérée » pour d'autres, jugeant qu'il n'y avait pas de meilleur lieu que cet endroit pour allumer une bougie de Hanouka. Bref, en un mot, comme le résume ce matin LE TEMPS de Lausanne, l'Etat hébreu est furieux.

Il faut dire ce que ce vote en a surpris plus d'un tant il marque, en effet, une véritable rupture avec la position habituellement protectrice des Etats-Unis à l'égard d'Israël. L’organisation Security Council Report, notamment, a fait le décompte : Washington a utilisé pas moins de 30 fois son droit de veto pour bloquer des résolutions concernant Israël et les Palestiniens. Encore récemment, en 2011, les Etats-Unis s'étaient d'ailleurs opposés à une résolution similaire à celle adoptée vendredi dernier. Dès-lors, pourquoi et comment la Maison Blanche en est-elle arrivée à ce clash diplomatique ?

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Tout d'abord, personne n'ignore la position de l’administration de Barack Obama, laquelle entretient des relations notoirement exécrables avec le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou. Ce qui fait dire à une journaliste du JERUSALEM POST que Barack Obama, enfin libéré de toute contrainte partisane, a bien l'intention d'utiliser son dernier mois au pouvoir pour faire un doigt d'honneur à Israël. Une partie de la presse américaine se montre, d'ailleurs, elle aussi très critique. C'est le cas, en particulier, du BOSTON HERALD qui dénonce un dernier acte de mauvaise gouvernance internationale d’Obama, pensé pour blesser Netanyahou de façon très personnelle. Or l’abstention américaine blesse, également, le seul allié et la seule nation démocratique de la région, note toujours le journal avant de s'interroger : Peut-on considérer cela comme une bonne décision ? Son confrère du NEW YORK POST dénonce, pour sa part, une trahison choquante, un geste sournois et malhonnête à l’encontre d’un allié ferme des Etats-Unis. L’ultime lâcheté d’Obama, c'est le titre de cette tribune à lire, cette fois-ci, dans les colonnes du TIMES OF ISRAEL. Après avoir livré l’Irak à un chaos infernal, après avoir cédé aux Mollahs iraniens sur le nucléaire, après s’être écrasé devant le Boucher de Damas, les masques sont tombés, écrit son auteur. Obama a sournoisement abandonné Israël à l'ONU, dit-il, avant de conclure : Cette ultime lâcheté restera devant l’Histoire comme le symbole de l’échec total de l’administration Obama au Moyen Orient.

Pour beaucoup d'experts, la décision de Barack Obama s'expliquerait donc, avant tout, par son inimitié personnelle envers Benjamin Netanyahou. Ce que THE NEW YORK TIMES résume par ces mots : Le clash final entre Obama et Netanyahou après des années de conflit. Mais ça n'est sans doute pas là la seule raison pour laquelle le président des États-Unis a finalement décidé de lâcher le Premier ministre israélien. Pendant huit années, Obama s’est tenu à une position de principe : Israël ne peut pas à la fois se dire attaché à la solution des deux Etats (que Netanyahou avait, d'ailleurs, faite sienne en 2009) et dans le même temps rendre impossible, sur le terrain, la création d’un Etat palestinien. C'est du moins ce qu'a déclaré, en substance, l'ambassadrice américaine aux Nations unies. Ben Rhodes (un proche conseiller de Barack Obama) fait carrément, lui, porter la responsabilité de la décision américaine à Benjamin Netanyahou lui-même : « Le Premier ministre avait la possibilité de conduire des politiques qui auraient engendré un autre résultat », a-t-il fait valoir. En clair, frustrés par des années d'efforts diplomatiques infructueux, les Etats-Unis justifient aujourd'hui leur abstention par l'impact de la colonisation sur la recherche de la paix au Proche-Orient.

Voilà, du moins, pour l'explication officielle. L'autre explication (officieuse celle-ci) c'est qu'à quelques semaines de son départ de la Maison blanche, le président américain semble bien décidé à mettre des bâtons dans les roues de son successeur. Et c'est vrai que l'hypothèse d'une résolution sur la colonisation circulait depuis des mois à l'ONU. L’administration Obama savait qu'elle aurait à prendre une décision si un tel texte était déposé. Et la question se pose : En cas de victoire d'Hillary Clinton à la présidentielle du 8 novembre, Barack Obama aurait-il pris une décision différente à l'ONU ? En clair, lui aurait-il laissé la possibilité de reconstruire des liens plus chaleureux avec Israël ?

Quoi qu'il en soit, comme le souligne le magazine américain FOREIGN POLICY, une des premières réactions politiques est justement venue du futur président, Donald Trump, lequel a aussitôt promis (sur Twitter évidemment) que « les choses seraient différentes » après cette date. Et de fait, une partie de la droite israélienne peut désormais espérer l’appui du président élu, qui a d’ores et déjà annoncé que le futur ambassadeur en Israël serait David Friedman, connu pour son soutien idéologique à la colonisation et son opposition à la création d'un Etat palestinien.

Et c'est évidemment l'autre enseignement de cette résolution, note encore THE NEW YORK TIMES. Ce vote du Conseil de sécurité des Nations Unies, condamnant les colonies israéliennes, rappelle que la question palestinienne reste, toujours et encore, une poudrière. D'où ce commentaire du quotidien israélien HAARETZ : L’adoption surprise de cette résolution est un coup de semonce, dit-il, pour le gouvernement Netanyahou. Israël doit écouter les voix qui s’élèvent à l’ONU et emprunter une route plus morale, écrit le journal dans son éditorial, appelant le gouvernement à cesser les colonisations et à créer des bases convenables pour un renouveau des négociations avec les Palestiniens. Et de conclure : Il n’y a pas d’autre solution.

Par Thomas CLUZEL