

Chaque matin, l’actualité vue au travers de la presse étrangère. Aujourd’hui : un deuxième débat présidentiel particulièrement acerbe. Après ses propos sexistes, Donald Trump contre attaque, pour sauver sa campagne, en accusant le mari d’Hillary Clinton d'agressions sexuelles.
Cette nuit, lors du deuxième débat télévisé entre les deux candidats à la Maison Blanche, il aura flotté comme un parfum de comédie humaine, totalement inhabituel et surtout bien éloigné des défis posés à la première puissance mondiale. Après la diffusion vendredi d’une vidéo, dans laquelle Donald Trump tient des propos obscènes et dégradant sur les femmes, le magnat de l'immobilier s'est lancé dans une salve d'attaques contre son adversaire démocrate. Dans une manœuvre politique totalement inédite, Trump a notamment décidé de riposter en convoquant à la hâte, juste avant le débat, une courte conférence de presse, au cours de laquelle trois femmes sont venues ouvertement accuser Bill Clinton de les avoir agressées sexuellement. Autant dire que ce deuxième débat a démarré, hier, sur un ton d'une virulence inédite.
Reste à savoir si cette ultime contre attaque suffira à éteindre l'incendie qui, tout le week-end, aura brûlé une bonne partie des murs de la maison républicaine ? Déjà une quarantaine de congressistes et gouverneurs ont décidé de retirer leur soutien à Donald Trump, certains lui demandant même d’abandonner la course à la Maison-Blanche. C'est le cas, en particulier, de deux anciens candidats à la présidence, John McCain et Mitt Romney mais également de l’ancienne secrétaire d’Etat Condoleezza Rice. Ce qui fait dire au WASHINGTON POST que Trump est désormais foutu.
Et pourtant, si le milliardaire doit effectivement affronter aujourd'hui une rébellion sans précédent au sein de son propre parti, ainsi que le titre ce matin THE WALL STREET JOURNAL, une chose, toutefois, étonne. Qu'il s'agisse de ses dérives sexistes, homophobes ou racistes, personne n'a découvert ce week-end combien le candidat républicain affectionne les provocations, à la fois grossières et graveleuses. Dès-lors, quelles peuvent être les raisons de cette révolte soudaine et semble-t-il irréversible chez certains Républicains ? Lorsque Donald Trump avait promis, par exemple, d’éloigner les musulmans loin, très loin, des côtes américaines, déjà, certains Républicains avaient agité leur doigt en guise d'avertissement, rappelle ce matin THE NEW YORK TIMES. Plus tard, lorsqu’il s’est mis à imiter un journaliste handicapé (avec lequel il avait eu un contentieux) pour mieux se moquer de lui, ils ont esquissé une moue de désapprobation. Et puis lorsque Donald Trump, toujours lui, s’est moqué cette fois-ci de la mère d’un valeureux soldat tué au combat, ils ont même menacé de ne plus le soutenir. Mais ils ne l’ont pas fait. A chaque fois, ils ont trouvé la parade pour justifier le comportement de leur candidat, minimiser ses frasques, excuser ses insultes. Pourquoi donc les Républicains jugeraient-ils, désormais, que Donald Trump a définitivement franchi la ligne rouge ? Pourquoi une vidéo d’à peine trois minutes et vieille de 10 ans provoque-t-elle désormais une révolte telle, qu'elle apparaît comme un point de non retour ? Réponse du journal : Parce que la jubilation avec laquelle Donald Trump se vante, sur cet enregistrement, d’avoir agressé sexuellement des femmes (en les embrassant et ou en saisissant leurs organes génitaux de force) l’a définitivement fait passer du statut de mâle rustre à celui de prédateur sexuel pure et simple.
A ce titre, l'enquête de son confrère USA TODAY est, là encore, accablante. Le journal expose, ce matin, au moins 20 poursuites judiciaires en cours, dans lesquelles des femmes travaillant pour des entreprises appartenant au magnat de l'immobilier se plaignent de maltraitance, de discrimination ou de harcèlement sexuel. Mais s'il est acquis que tous ces scandales ont achevé de faire de Trump un candidat ô combien gênant pour son propre parti, auprès des électeurs, en revanche, ces scandales n’auront sans doute pas ou très peu d’impact. Selon un sondage POLITICO réalisé après la diffusion de la vidéo, seuls 12% des républicains sondés estiment que leur candidat doit abandonner la course à la Maison-Blanche.
Et puis une autre question demeure : quand bien même ils le souhaiteraient, les Républicains peuvent-ils aujourd'hui se débarrasser de Trump ? THE WASHNGTON POST s'est intéressé à la question et la réponse est visiblement non. Tout d'abord parce que le parti n'a pas le droit dans ses statuts de le faire. Et même s'il les tordait pour y parvenir, ce serait probablement déjà trop tard, l'élection ayant lieu dans un mois tout juste. Par ailleurs, les dates pour officiellement déclarer un candidat sont dépassées dans la plupart des États (dont des États clés comme la Floride, la Caroline du Nord ou l'Ohio) et le vote anticipé a même commencé, ce qui signifie que même si Donald Trump abandonnait et que le parti républicain parvenait à le remplacer, il devrait dire adieu à plusieurs milliers de voix.
Le quotidien américain note, toutefois, que le parti républicain pourrait décider d'utiliser le système du collège électoral pour faire élire un autre candidat. Aux États-Unis, les électeurs votent pour des représentants qui ensuite élisent le Président, ce qui permettrait à certains de ces grands électeurs de voter pour un candidat autre que Trump. Mais même dans ce cas-là, le parti devrait remettre en cause le fait que ces grands électeurs sont parfois obligés de voter pour le candidat choisi par leur État. Ce qui semble improbable.
Reste, en revanche, une solution complètement folle. On la trouve sur le site d'information VOX, repéré par le magazine Slate. Un professeur de loi constitutionnelle à l'université de Yale y évoque un scénario dans lequel Donald Trump informerait les électeurs qu'il accepterait de se faire remplacer par son colistier Mike Pence dès son investiture. Ainsi, Trump serait élu président et resterait dans l'histoire en tant que président des États-Unis. Tout ce que Pence aurait à faire (y compris dans le cas où Trump refuserait, au dernier moment, de se plier à ce marché), c'est déclarer Trump dans l'incapacité d'exercer les pouvoirs et de remplir les devoirs de sa charge, ainsi que le permet le 25eme amendement de la Constitution américain. Cet amendement ne précise pas les raisons possibles et autorisées pour déclarer une personne incapable de remplir les devoirs de sa charge. Elle indique tout juste que le Cabinet et le Congrès doivent se mettre d'accord. Et pourquoi ne se mettraient-ils pas d'accord sur un accord adoubé par les électeurs le jour de l'élection ? D'accord, c'est complètement fou. Mais après tout, cette élection n'en est plus vraiment à un retournement près.
Par Thomas CLUZEL
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