

Chaque matin, l’actualité vue au travers de la presse étrangère. Aujourd’hui : vingt-quatre heures après le puissant séisme qui a frappé le centre de l'Italie, le bilan s'est alourdi à au moins 247 morts.
Il y eut d'abord ce grondement, sourd et puissant. Et puis des secousses, violentes, qui n'auront duré que quelques secondes à peine, des secondes en réalité interminables. Après le tremblement de terre qui a secoué, hier, le centre de l'Italie, les images à la Une de toute la presse, ce matin, révèlent l'ampleur des dégâts. En première page du WALL STREET JOURNAL, au milieu des débris, comme autant de miettes de pierres, seule une maison éventrée est encore reconnaissable. Les secouristes, eux, fouillent les décombres parfois à mains nues dans l’espoir de retrouver des survivants. Et parfois, ainsi qu'en témoigne la photo à la Une du NEW YORK TIMES, cette fois-ci, un visage recouvert de poussière et de sang, émerge des entrailles de la terre. Et puis d'autres photos, toujours et encore. Sur les réseaux sociaux, notamment, l'une d'elles montre des habitants fuyant leur maison suspendus à des draps. Il y a aussi ces habitants, hagards, se regroupant dans ce qu'on appelait encore la veille une rue, devenue un simple tas de gravats dans lequel des engins plongent leurs pelles inlassablement. Sur la galerie de photos proposée par THE IRISH MIRROR, une religieuse, le front ensanglantée, est assise au bord de la route en train d'envoyer des sms à ses proches. Enfin sur le site du quotidien américain USA TODAY, un couple se dresse, lui, sur ce qui ne ressemble plus qu'à une décharge publique. L'homme tient à l'oreille un téléphone, dans l'espoir on l'imagine qu'un proche lui réponde, tandis qu'à ses côtés, une femme le dos courbé crie en direction des décombres, à la recherche des victimes probablement ensevelies sous ses pieds.
A l’entrée du village d'Amatrice, raconte de son côté l'envoyé spécial du TEMPS, le campanile d'une église réussit encore à faire de l’ombre à un petit parc. Entouré de barrières, son entrée est bloquée par deux militaires. Derrière eux, se devinent plusieurs corps sans vie recouverts de draps. Sur le clocher, les aiguilles de l’horloge se sont figées sur 3h36, heure à laquelle la première secousse a été ressentie. Au total, 18 répliques au moins ont été recensées, précise un sismologue dans les colonnes de LA REPUBBLICA. Le choc a été si violent qu'il a même été ressenti jusqu’aux portes de la capitale, pourtant située à 150 km de l'épicentre.
Avant l’aube, déjà, le maire de la petite ville d'Amatrice, la voix brisée, lâchait sur les antennes de la RAI, la radio publique : «Amatrice est détruite». Il est alors 5 heures du matin et toute l’Italie attend encore des nouvelles. Son diagnostic semble presque exagéré. Et pourtant. Au fil des heures, l'ampleur de la catastrophe apparaît. Selon un dernier bilan, toujours provisoire ce matin, au moins 247 personnes sont mortes, dans cette région rurale et montagneuse à faible densité de population sauf, justement, au mois d’août, lorsque les natifs du lieu et les vacanciers viennent y chercher la fraîcheur.
Sur les sites des quotidiens italiens, partout les témoignages affluent. Un habitant du village de Configno, près d'Amatrice, raconte au CORRIERE : "nous nous sommes réveillés quand les meubles sont tombés sur le sol. Les murs ont soudain bougé d'un mètre". "J’ai cru que mon réveil était en train de sonner", raconte pour sa part Giorgio. "Je devais me lever pour aller chercher ma femme à Rome, mais ce n’était pas encore l’heure, le tremblement de terre m’a réveillé". Son appartement se trouve dans le centre historique d'Amatrice. "Je me suis allongé sur mon fils pour le protéger, avant d’aller chercher ma mère une fois la secousse terminée. La famille n’a alors que la lampe d’un téléphone portable pour trouver la sortie du bâtiment plongé dans le noir. Douze heures plus tard, Giorgio se trouve en face du parc où les morts continuent d’être alignés. Il a avec lui deux petites valises et des biscuits. Son fils tourne en rond. La famille a été séparée. Impossible de traverser le village pour rejoindre la grand-mère.
Lorsque le séisme a frappé, Armando lui préparait du pain. Le vieil homme est boulanger. "Dès que j’ai senti la secousse, je me suis précipité hors de ma boulangerie et je me suis réfugié dans ma fourgonnette. Les façades s’écroulaient tout autour de moi. J’entendais les débris tomber sur la voiture". Dans le tremblement de terre, Armando a perdu sa compagne et la fille de celle-ci. Assis sur son banc, il raconte son histoire. Aucun tremblement ou émotion ne s’entend dans sa voix, raconte à nouveau l'envoyé spécial du TEMPS. Le débit est lent. Son calme est déconcertant, trahissant un état de choc. "Dans quelques jours c’est la sagra, dit-il, la fête de l’Amatriciana, cette sauce accompagnant les pâtes, spécialité de la région et portant le nom du village. Armando parle au présent. Sans doute ne réalise-t-il pas que dans une semaine, la fête n’aura pas lieu.
A Rieti, cette fois-ci, les cris des gens ont retenti dans les rues. Et la ville s’est soudain emplie de terreur, peut-on lire encore dans les colonnes de LA STAMPA. De son côté IL GIORNALE compare le tremblement de terre à celui de L’Aquila en 2009. La dévastation est même pire que celle de L’Aquila : "je n’ai jamais vu une chose pareille", précise un secouriste à l’agence de presse Ansa.
Une à une, les histoires défilent. Dans les colonnes du WASHINGTON POST, une femme raconte qu'elle avait déménagé, justement, de L’Aquila, après le séisme, dont elle était sortie indemne. Hier, elle a perdu son enfant âgé de 18 mois.
Chaque fois que la terre tremble, on se pose la même question: pourquoi la science n’est-elle pas en mesure de prédire les séismes ? Et pour y répondre, le magazine Slate publie ce matin un article paru en mai dernier sur le site THE CONVERSATION. Il existe bien une loi statistique dite de Gutenberg-Richter, essentielle au calcul de l’aléa sismique à long terme. Cette loi permet de prédire théoriquement la probabilité d’occurrence d’événements de forte magnitude. Mais elle est obtenue en supposant que le taux de sismicité est constant et que la magnitude de chaque séisme est indépendante de celle des séismes précédents, ce qui est une approximation très forte. Quant à la prévision à court terme cette fois-ci (quelques jours), elle reste encore impossible.
Par Thomas CLUZEL
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