Donald Trump a décidément la gâchette facile

Le président américain Donald Trump
Le président américain Donald Trump ©AFP - JIM LO SCALZO / EPA POOL
Le président américain Donald Trump ©AFP - JIM LO SCALZO / EPA POOL
Le président américain Donald Trump ©AFP - JIM LO SCALZO / EPA POOL
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Chaque matin, l’actualité vue au travers de la presse étrangère. Aujourd’hui : Donald Trump a limogé, hier soir, le patron du FBI, James Comey. Une décision surprise qui a provoqué une véritable onde de choc à Washington.

On disait l'homme inamovible, protégé notamment par tous les secrets collectés par ses services d'investigation. Et pourtant, hier soir, contre toute attente écrit THE HUFFINGTON POST, le puissant patron du FBI James Comey a été brutalement débarqué par Donald Trump. Pourquoi contre toute attente ? Car personne au sein de l'administration n'avait été manifestement averti. Le principal intéressé, lui-même, l'a appris par la télévision, pensant dans un premier temps qu'il s'agissait d'un canular, révèle THE NEW YORK TIMES.

En réalité, l'homme se savait, tout de même, sur un siège éjectable, précise aussitôt LE TEMPS. Lui et le président entretenaient, en effet, des relations exécrables, sans la moindre marque de confiance, en particulier depuis que le patron du FBI avait révélé, devant une commission du Congrès, que ses services enquêtaient sur une possible collusion entre l'équipe de campagne de Donald Trump et le gouvernement russe. Pour rappel, dans un rapport secret révélé en janvier dernier par THE WASHINGTON POST, les services de renseignements avaient conclu que l’ingérence russe dans la présidentielle américaine avait bien pour but de faire élire Donald Trump. Une affaire extrêmement gênante qui avait, d'ailleurs, déjà contraint le président américain à se séparer de son conseiller à la sécurité nationale, Michael Flynn. Et puis autre motif de détestation entre les deux hommes, lors de cette même audition, James Comey avait également infligé un véritable camouflet au président américain, en assurant que Barack Obama n'avait pas placé Donald Trump sur écoute dans sa tour de Manhattan, contrairement aux affirmations du nouveau président élu.

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Autant dire que voilà déjà plusieurs semaines que Donald Trump cherchait une bonne occasion de se débarrasser de cet homme, nommé qui plus est par Barack Obama. Le problème, écrit THE WASHINGTON POST, c'est que pour toutes ces raisons, le limogeage de James Comey risquait, bien entendu, d'apparaître pour le moins suspect. Du moins, jusqu'à ce que le patron du FBI n’offre lui-même, sur un plateau, une bonne excuse pour se faire virer, commente toujours le quotidien de Washington. Car James Comey est également l'homme qui avait décidé de conduire une enquête à propos de l’usage discrétionnaire par Hillary Clinton d’un serveur privé, quand elle était à la tête de la diplomatie américaine. En juillet 2016, il avait indiqué que Mme Clinton avait agi avec « une extrême négligence » mais que les faits ne justifiaient pas l’ouverture de poursuites. Une décision vivement critiquée, à l'époque, par le camp républicain qui espérait que l’enquête force la démocrate à se retirer. Et puis quelques jours seulement avant l'élection, après la découverte de courriels de Mme Clinton sur l’ordinateur privé de sa très proche conseillère, il avait finalement décidé de relancer brièvement l'enquête.

Or, la semaine dernière, interrogé au Congrès, James Comey s’est non seulement rendu coupable de déclarations erronées, citant un nombre de courriels et d’informations confidentielles nettement supérieur à la réalité, mais il a avoué, qui plus est, se sentir « assez malade » à l'idée que la réouverture de l'enquête ait pu avoir une influence sur l'élection. Et voilà donc comment l'administration Trump justifie, à présent, ce licenciement : pour mauvaise gestion de l'affaire des emails d'Hillary Clinton. En clair, précise à nouveau THE HUFFINGTON POST, on lui reproche d'avoir conclu que l'enquête sur la candidate démocrate devrait être close, sans que Clinton ne soit poursuivie, et d'avoir pourtant rouvert ce dossier 11 jours avant l'élection.

Bien évidemment, l'argumentation semble plutôt surprenante venant du camp Trump, car c'est exactement ce comportement qu'Hillary Clinton tient pour responsable de sa défaite face au milliardaire new-yorkais. Et c'est d'ailleurs ce que n'a pas manqué de soulevé aussitôt une sénatrice, Elizabeth Warren, devenue une figure de la gauche anti-Trump : « Est-ce que quelqu'un croit sérieusement que Donald Trump a renvoyé l'homme à la tête de l'enquête sur ses liens avec la Russie parce qu'il a été injuste envers Hillary Clinton ? » En d'autres termes, résume LE TEMPS, à la veille de l'élection présidentielle, James Comey était accusé d'avoir saboté les chances d'Hillary Clinton d'être élue. Le voilà à présent écarté par les républicains, une manière en réalité pour Donald Trump de le déposséder de l'affaire russe. Et c'est ainsi que les démocrates, qui l'avaient accusé d’avoir saboté la campagne de leur candidate volent, désormais, à son secours. Autant dire que cette affaire ne manque, décidément, pas de piquant.

Mais surtout, cette décision a immédiatement déclenché des vagues de réactions outrées, écrit le site POLITICO. C’est le cas, en particulier, du NEW YORK TIMES qui voit dans ce limogeage rien de moins qu’un écho lointain du fameux « Watergate ». Jamais depuis ce scandale un président américain n’avait, en effet, osé virer un homme conduisant une enquête contre lui. De sorte que la nouvelle aussitôt connue, les comparaisons ont immédiatement fusées avec le « Massacre du samedi soir », ainsi que les commentateurs politiques avaient surnommé, à l’époque, la mise à pied du procureur Cox par le président américain Nixon. Nombre de démocrates, d’ailleurs, ont eux-mêmes immédiatement agité le spectre de « Watergate ».

Alors faut-il être surpris, pour autant, par cette nouvelle ? Selon USA TODAY, l’un des quotidiens les plus lus aux Etats-Unis, si surprise il devait y avoir c’est surtout d’avoir attendu aussi longtemps. Le licenciement de James Comey était inévitable, titre le journal. En fait, même s’il continuait à marcher, Comey était, dit-il, un homme mort depuis déjà longtemps.

Ironie de l’histoire, note pour sa part THE NEW YORK TIMES, en licenciant James Comey, le président Trump a viré tout à la fois l'homme qui l’a sans doute aidé, en partie, à devenir président, mais aussi l'homme qui depuis son élection menaçait probablement le plus l'avenir de sa présidence. Ou quand l'imprévisibilité de Donald Trump devient surtout, en réalité, et de plus en plus prévisible.

Par Thomas CLUZEL

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