

Nikki Haley, ambassadrice américaine à l'ONU, a annoncé sa démission ce lundi, surprenant le tout-Washington qui lui prête d'autres ambitions. Le Washington Post en appelle à Donald Trump pour qu'il exige de Riyad la vérité sur la mort présumé du journaliste saoudien Jamal Khashoggi à Istanbul.
Un départ tonitruant de plus, dans l'administration Trump : celui de Nikki Haley qui était depuis 2016 l'ambassadrice des Etats-Unis aux Nations Unies.
... Et pour vous dire à quel point elle était un personnage important de cette administration, ce matin l'édito du New York Times (pas franchement connu pour être tendre avec l'équipe Trump) nous explique qu'il va "regretter Nikki Haley". Elle était l'une des rares à incarner de manière rationnelle la présidence Trump, à raccrocher les wagons de la diplomatie quand la locomotive multipliait les embardées.
Nikki Haley, ancienne gouverneure républicaine de Caroline du Sud, était arrivée à ce poste sans aucune expérience internationale, mais elle avait su se faire une place, et pas toujours dans la soumission à son patron. Le New York Times se souvient particulièrement de ce moment, en avril dernier, où elle annonçait que l'Amérique allait exiger à l'ONU de nouvelles sanctions contre la Russie. La Maison Blanche l'avait publiquement désavouée, en mettant ces déclarations sur le compte d'une "confusion passagère" de l'ambassadrice, avec tout ce que ça peut impliquer de connotations sexistes. La réponse de Haley avait été cinglante: "With all due respect, I don't get confused" comprenez, "je ne suis pas du genre à parler sous le coup de la confusion".
Alors bien sûr, nous rappelle The Hill, Nikki Haley a été un bon soldat de Trump, en première ligne quand il a fallait durcir le ton face à Cuba, l'Iran, la Chine ou la Corée du Nord, ou à l'inverse quand il fallait soutenir Israël à tout prix, au risque de mettre le feu au Proche-Orient. Mais elle aura surtout du apprendre à serrer les dents.
Le Courrier International republie la traduction d'un article du New York Times de septembre 2017 : Donald Trump sur le perron de la Maison Blanche venait de déclarer ceci:
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"Nous étudions plusieurs options à propos du Vénézuela, et nous n'excluons pas celle d'une intervention militaire" : déclaration fracassante et apparemment improvisée. Le Times, à cette seconde précise, prenait le parti de se concentrer sur le visage de Nikki Haley juste à côté de lui: "incapable de masquer sa surprise, elle a froncé les sourcils, lui a jeté un bref regard en biais, puis a baissé les yeux.". C'est ce qu'on appelle un moment de vérité.
Mais hier l'ambassadrice a donc annoncé son départ, et le timing surprend tous les commentateurs politiques américains, à 4 semaines des élections de mi-mandat.
"Il y a quelque chose là-dedans qui ne sent pas bon, qui ne colle pas, mais je n'arrive pas à mettre le doigt dessus" : c'est une phrase de l'ex-gouverneur républicain de Caroline du Sud Mark Sanford, interviewé sur la chaîne MSNBC qui a été largement reprise dans la presse US tant elle résume le sentiment général.
CNN formule trois hypothèses, pour expliquer ce départ qui a "choqué le tout-Whashington":
- soit Nikki Haley a été poussée vers la sortie par les "faucons" désormais à la tête des affaires étrangères américaines, John Bolton et Mike Pompeo, et c'est vrai que depuis qu'ils sont arrivés dans l'équipe Trump elle a perdu pas mal d'influence ;
- soit elle avait besoin d'argent pour éponger les importantes dettes de sa famille, et a donc décidé d'aller travailler dans le privé ;
- soit, et c'est la piste qui électrise toute l'Amérique, Nikki Haley a des ambitions pour la présidentielle de 2020. Bien sûr, nous dit CNN, elle est "trop maline pour se présenter contre Donald Trump", d'ailleurs elle l'a clairement exclu hier, mais elle pourrait bien faire campagne pour la vice-présidence, dans un ticket avec son ex-patron. De quoi préparer le terrain pour une candidature en son nom propre en 2024.
Mais attention, le quotidien de Caroline du Sud The State évoque une dernière explication possible, et moins glorieuse, à la démission précipitée de Nikki Haley: une ONG qui lutte contre la corruption et le sconflits d'intérêt vient de demander une enquête fédérale sur des vols en jet privé, payés par des hommes d'affaires de l'Etat sudiste, et dont ont bénéficié Haley et son mari. Il y en aurait pour des dizaines de milliers de dollars, volontairement sous-évalués par l'ambassadrice dans sa déclaration financière. Nikki Haley voyant se profiler la tempête juridico-médiatique, aurait pu préférer l'option du siège éjectable.
Nous restons aux Etats-Unis, où le Washington Post revient sur la disparition de son collaborateur saoudien, le journaliste Jamal Khashoggi.
Nous l'évoquions dans cette revue de presse en fin de semaine dernière, Khashoggi, grande figure du journalisme d'opinion en Arabie Saoudite a disparu il y a 8 jours, alors qu'il se trouvait au consulat saoudien à Istanbul. Depuis qu'il avait du quitter Riyad l'an dernier pour échapper aux pressions du régime, il collaborait, depuis les Etats-Unis avec le Washington Post, alors le journal ne lâche pas l'affaire ni l'enquête.
Les autorités turques, nous rappelle-t-il, sont catégoriques : on sait que le journaliste est entré dans le consulat, mais les saoudiens n'apportent aucune preuve qu'il en est ressorti. Or, pour Ankara, à l'intérieur du bâtiment, une équipe d'agents spéciaux, envoyés spécialement de Riyad, l'attendait pour le tuer, et faire disparaître son corps. Le fait que les saoudiens aient accepté qu'une fouille du consulat soit menée... plus d'une semaine après les faits, ne convainc ni les turcs, ni le Washington Post qui évoque, pour accréditer la thèse du guet-apens meurtrier, l'existence d'un van Mercedes noir , aux vitres fumées, repérée en train de quitter la résidence officielle du consul saoudien, située tout près du consulat, deux heures après la disparition de Khashoggi.
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Sur la base de ces nouveaux éléments, le Post en appelle à nouveau dans son éditorial, à Donald Trump pour qu'il change de ton vis-à-vis de son ami saoudien, le prince héritier Mohamed Bin Salmane. Depuis son arrivée au pouvoir le président américain a fait de MBS un partenaire privilégié de sa diplomatie, et cette politique ultra-conciliante "a laissé le régime des Saoud libre de tous les abus". Une impunité... qui pourrait bien avoir culminé il y a huit jours à Istanbul, avec l'assassinat, quasiment au grand jour, d'un journaliste critique de premier ordre. Si cette mort est confirmée, conclut le Washington Post, alors il faudra "revoir fondamentalement... nos relations avec l'Arabie Saoudite".
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