Par Marine de La Moissonnière En Argentine, 13 détenus se sont échappés lundi, de la prison de Ezeiza, située à 40 km de Buenos Aires. Une évasion au scénario digne d'un film : un trou percé dans le sol d'une cellule - un sol en béton armé épais de 30 cm - et un tunnel d'un mètre de large et de deux à trois mètres de long. Les prisonniers ont creusé pendant au moins deux jours. C'est ce qu'estime le directeur de l'administration pénitentiaire, cité par le journal Los Andes. Après avoir retrouvé l'air libre, les détenus ont encore dû couper quatre grillages, avant de s'évanouir dans la nature. Et "personne n'a rien vu ", écrit Página 12. "Comment se fait-il que la porte [de cette cellule individuelle] soit restée ouverte de sorte à ce que deux, puis 11 personnes puissent s'évader ? s'interroge le quotidien argentin. Comment est-il possible qu'aucun gardien n'ait remarqué le trou dans le sol, ni la terre accumulée ? " La prison d'Ezeiza est un établissement de très haute sécurité. "Comme dans les prisons des Etats-Unis,. elle est équipée de lumières qui balayent tout le périmètre et de capteurs de mouvement ", décrit Página 12 . "Personne n'a rien vu ", répète encore le journaliste que l'on sent incrédule.La réponse à toutes ces questions, on la trouve dans les colonnnes de Los Andes . "Cela a demandé du temps, de la patience, des surveillants qui détournent le regard et des complices ", ironise le journal. Complicités de l'administration. "Les surveillants n'ont pas fait leur travail. Les inspecteurs et les chefs non plus ", a énuméré le responsable du service pénitentiaire. Propos rapportés par Página 12 . Et de poursuivre la chaîne des défaillances : "Le personnel chargé des fouilles n'a pas trouvé les outils qui ont été utilisés. Les soldats postés à l'extérieur (...) n'ont rien vu. Et les hommes des unités d'élite postés sur les toits non plus. "Conséquence : 19 personnes ont été suspendus de leurs fonctions, dont le directeur de la prison. Le chef de l'administration pénitentiaire a lui aussi quitté son poste. Il faut dire que Victor Hortel avait déjà une réputation controversée. "Christiniste " comme le qualifie El Mundo, c'est-à-dire fidèle partisan de la présidente Cristina Kirchner, il a encouragé le développement du "Vatayon militante " ("le bataillon des militants "), un "groupe kirchneriste qui oeuvre à la réinsertion " des détenus, explique le quotidien argentin Clarín. Un groupe qui "endoctrine surtout les prisonniers et les fait participer à des meetings politiques ", raconte El Mundo . Les détenus sortaient pour faire la claque donc, mais aussi pour "se rendre à des soirées et des festivals de musique ", précise le journal espagnol. En échange de leur participation, ils pouvaient se voir accorder des remises de peine, affirme encore Clarín . Le scandale avait éclaté en juillet de l'an dernier quand le quotidien argentin - ouvertement opposé au gouvernement - avait publié des photos de l'ancien batteur du groupe de rock Callejeros, emprisonné pour le meurtre de sa petite amie. Photo sur laquelle on voit le musicien en train de jouer lors d'une fête organisée par le Vatayon en dehors de la prison. Quelques jours plus tard, c'est une vidéo qui vient relancer la polémique, rappelle Clarín. Une vidéo d'Hortel en train de jouer du tambour, aux côtés d'un homme condamné à perpétuité pour le viol et l'assassinat d'une jeune femme. C'était lors du carnaval de la prison. Autre image forte, raconte le quotidien argentin : Victor Hortel déguisé en Spiderman, lors d'un concert organisé dans une prison pour les enfants des détenus. Voilà donc comment celui qui n'aura passé que deux ans et 4 mois à son poste - c'est** Perfil** qui fait les comptes - concevait sa mission. Il avait une autre vision de la prison, explique le journal argentin. Une vision partagée par d'autres spécialistes de la question, précise **Perfil ** qui la résume en une phrase : "Il ne faut pas une prison meilleure, mais moins de prison. " D'où la multiplication des activités culturelles. Des détenus également encouragés à reprendre leurs études.Oui, mais voilà, cette façon de faire passait mal en Argentine. Perfil la qualifie d'ailleurs d'"extravagante ". Il faut dire que dans le pays, les histoires de gardiens corrompus qui laissent les prisonniers gérer leurs business depuis la prison, ou même sortir pour commettre des crimes à condition qu'ils partagent le butin avec eux, sont légion. Alors que le directeur de l'administration pénitentiaire lui-même apparaisse comme un partisan de la méthode douce, forcément ça fait des vagues. Surtout que cette évasion vient s'ajouter à une autre qui avait provoqué une grande émotion en Argentine. Deux anciens responsables de la dictature se sont échappés le 25 juillet dernier. "La fuite de deux anciens tortionnnaires de l'Hôpital militaire [de Buenos Aires] avait laissé celui qui est désormais l'ancien chef du Service pénitentaire fédéral sur la corde raide ", écrit* Perfil* . Une évasion "incroyable" pour Clarín. Là encore, complicités au sein de l'administration pénitentiaire et parmi les employés de l'hôpital. Et puis surtout, comme le racontaient les journaux argentins au début du mois, l'enquête a révélé l'existence de comptes permettant sans doute de subvenir aux besoins des tortionnaires en fuite - Ils sont une soixantaine au total - et même de financer leurs évasions. en achetant des membres du service pénitentiaire. Cet argent (environ 1,3 milliard de dollars) venait des honoraires perçus par l'un des deux fugitifs qui se sont échappés fin juillet. Cet ancien officier était également avocat. Il défendait ses amis militaires accusés de crimes contre l'Humanité pendant la dictature, avant de tomber à son tour.
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