

Même si la Première Ministre britannique tente de calmer le jeu, le Royaume-Uni reste sous le choc, après la virulente réplique de Donald Trump aux critiques de Theresa May contre ses retweets de vidéos antimusulmanes.
La chose est assez rare pour mériter d'être signalée : Donald Trump a raison. Du moins, sur un point. Il y a bien aujourd'hui une épidémie de «fake news» aux États-Unis. Grâce à un article du WASHINGTON POST, la chose saute même désormais aux yeux. Depuis le début de la semaine, le quotidien de la capitale révèle, à la manière d’un feuilleton, comment ses journalistes ont évité de se faire piéger. On y apprend qu'un sbire de Donald Trump, James O’Keefe, a essayé de berner les journalistes du WASHINGTON POST en leur envoyant une femme, laquelle affirmait avoir été victime d’un viol perpétré par Roy Moore, l'actuel candidat républicain pour le poste de sénateur de l’Alabama (soutenu par Donald Trump). O’Keefe espérait ainsi que le journal publie l'info, pour pouvoir ensuite le tourner en ridicule, et surtout remettre en question la crédibilité de plusieurs autres accusations portées contre Roy Moore et révélées par le journal deux semaines plus tôt. Sauf que THE WASHINGTON POST n'est pas tombé dans le panneau.
En réalité, ce n'est pas la première fois qu'O’Keefe se lance dans ce genre de machination débile, précise le magazine SLATE. Mais surtout O’Keefe ne représente aujourd'hui qu'une petite partie de cette industrie des «fake news». Sans compter que Donald Trump, en personne, contribue à alimenter cette machine à foutaises. On connaît sa haine intarissable des médias avec parfois, d'ailleurs, des conséquences pour le moins inattendues. C'est ainsi, par exemple, qu'une chaîne de télévision libyenne, 218TV, s'est récemment servi des accusations répétées de Trump contre CNN pour mettre en doute la crédibilité des révélations de la chaîne américaine sur l'existence d'un vaste marché aux esclaves en Libye. Tout en reprenant les griefs du président américain, la chaîne de télé libyenne va même jusqu'à réclamer une enquête portant, non pas sur les trafiquants d'êtres humains, mais sur les journalistes de CNN.
Enfin, on ne compte plus les tweets bilieux de Donald Trump, dans lesquels il assène ses théories du complot et autres «fake news». Dernier exemple en date, mercredi, lorsque le président a retweeté des vidéos islamophobes du parti d’extrême droite britannique Britain First. Mais là encore, pour Washington, la véracité des tweets de Trump est accessoire. Ainsi que l'a déclaré, elle-même, la porte-parole de la Maison-Blanche, «que les vidéos soit vraies ou pas, la menace est réelle». A ce détail près, nuance aussitôt THE WASHINGTONPOST, que la menace en question ne vient non pas d’un danger musulman mais d’une idéologie d’extrême droite islamophobe.
Et voilà comment l'on reparle aujourd’hui de la folie de Donald Trump.Et, cette fois-ci, ce ne sont plus les psychiatres qui le disent mais les journalistes, eux-mêmes, à l'instar de l'éditorialiste du NEW YORK DAILY NEWS : «Selon toute définition honnête et simple, le président des États-Unis est fou. Il est malade mentalement». Or, là encore, les conséquences de «la folie» de Donald Trump sur le traitement de l'information sautent aux yeux. Au Royaume-Uni, toute la presse britannique ne parle plus que du tweet acerbe du président américain attaquant frontalement la première ministre, Theresa May. Nombre de journaux, à l’instar du I, y voient un coup de canif porté à la «relation spéciale» entre Washington et Londres. Les appels à annuler la visite d'Etat que Donald Trump doit effectuer en janvier prochain (où il doit notamment rencontrer la Reine) se sont multipliés hier. THE DAILY TELEGRAPH affirmait même, dans la soirée, que cette visite était annulée. «Le projet est remisé». Une information, pourtant, non confirmée.
Toujours est-il que la presse outre-Manche se retrouve donc à escamoter, ainsi, ce qui aurait dû être, a priori, Le sujet à la Une de tous les journaux : après des mois de discussions infructueuses, l'Union européenne aurait, dit-on, accepté hier un accord financier avec la Grande-Bretagne. Aucun montant précis n'a été débattu pour le futur «chèque» britannique mais on parle, déjà, de 45 à 55 milliards d'euros. Or même si certains, à l'instar de l'hebdomadaire pro-Brexit THE SPECTATOR, jugent que le prix à payer vaut le coup, d'autres estiment qu'on a menti aux Britanniques sur les coûts réels du Brexit. Les partisans de la sortie du pays de l'Europe nous avaient expliqués que l'on remettrait les mains sur notre argent et que l'on pourrait allouer chaque semaine 350 millions de livres sterling supplémentaires à notre système de santé. On sait aujourd'hui qu'il s'agissait de l'une des plus vastes fumisteries de l'histoire politique britannique, fulmine notamment THE EVENING STANDARD. Et puis après les révélations sur la facture du divorce, place à la question de la frontière entre l'Irlande et l'Irlande du Nord. À en croire THE TIMES, le Royaume-Uni serait disposé à se rapprocher de la position de l’Union européenne, afin d’éviter le rétablissement d'une frontière physique entre le Nord et le reste de l’île. Le gouvernement de Theresa May envisagerait d'accroître les pouvoirs de la province d'Irlande du Nord, notamment, en matière de douanes. Mais, à regarder, ce matin, les Unes du TIMES, du GUARDIAN ou de METRO, force est de constater que toutes ces questions ont été totalement éclipsées par la dernière folie de Donald Trump. En réalité, et pour être tout à fait exacte, reconnaissons que la presse britannique était surtout saturée, jusqu'à présent, d'articles sur le mariage l'an prochain du prince Harry, l'occasion à la fois pour la famille royale de se refaire une virginité et pour les Britanniques de penser, enfin, à l'avenir sous des jours heureux. Mais, là encore, ainsi que l'écrit ce matin THE NEW YORK TIMES, Trump a donc réussi le tour de force d'enlever même les nouvelles du mariage royal de la Une des journaux.
Enfin dans sa fougue, mercredi, Donald Trump s'était dans un premier temps trompé de destinataire. Voulant s'adresser à la Première ministre britannique, il avait écrit à une autre Theresa May, de son vrai nom Theresa Scrivener précise THE TELEGRAPH, une britannique qui s'était inscrite en 2009 sur le réseau social en utilisant son deuxième prénom. A l'époque, la cheffe actuelle du gouvernement britannique n'était encore que députée. Du coup, celle qui n'a que six abonnés sur son compte Twitter a été, littéralement, inondé de messages suite à la méprise de Trump. «C'était un peu irréel. J'ai fini par en rire, mais je ne pouvais plus quitter ma maison», a-t-elle expliqué hier avant d'ajouter : «J'étais inondée d'appels de ... la presse du monde entier».
Par Thomas CLUZEL
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