Guignol poursuivi pour apologie du terrorisme en Espagne

Manifestants à Malaga en soutien aux marionnettistes
Manifestants à Malaga en soutien aux marionnettistes - El Diario
Manifestants à Malaga en soutien aux marionnettistes - El Diario
Manifestants à Malaga en soutien aux marionnettistes - El Diario
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Chaque matin, l’actualité vue au travers de la presse étrangère. Aujourd’hui : les lois anti-terroristes en Europe enfreignent la liberté d'expression et de création. Retour également sur Podemos qui fait échouer le projet d'alliance de gouvernement entre le PSOE et les centristes de Ciudadanos.

C'est arrivé au début du mois à Madrid mais le New York Times y revient ce matin dans un long article sur la manière dont le climat de menace terroriste et les lois sécuritaires en Europe s'en prennent à la liberté d'expression.

Début février, donc, c'est le Carnaval à Madrid, une compagnie de marionnettistes de Grenade fait un spectacle sur une place. Un gendarme y tente d'arrêter une grand-mère, en l’affublant d'une pancarte où l'on peut lire un jeu de mot, intraduisible, qui fait référence à Daesh et à l'ETA basque. La police, la vraie, est alertée par l'Association espagnole des victimes d'attentats; les deux marionnettistes sont placés en garde-à-vue, un fascicule anarchiste est saisi sur place... on apprendra plus tard qu'il s'agissait d'un accessoire du spectacle.

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Depuis, donc, les artistes ont passé 5 jours en prison, ils seront bientôt jugés pour apologie du terrorisme. Le genre d'accusation avec lequel on ne plaisante vraiment plus en Europe, constate le New York Times. Le quotidien rappelle qu'en Espagne, la loi qui a permis cette arrestation a donné lieu à 19 condamnations l'an apssé, alors que jusque-là, même aux heures les plus sombres de l'ETA, on n'en comptait que 2 ou trois par an. Pour l'avocat des marionnettistes, "la réalité dépasse la fiction": il rappelle que le spectacle incriminé voulait justement tourner en ridicule "la criminalisation des contestations sociales" qui a court dans le pays, sur fond de répression du terrorisme.

En attendant le procès, des manifestations de soutien aux deux marionnettistes sont organisées régulièrement à travers le pays.. l'affaire des "titeres", les marionnettes en espagnol, est devenue un symbole...

Mais le malaise est beaucoup plus large, et s'étend à toute l'Europe, à commencer, explique le Times, par la France d'après-Charlie et les attentats du 13 novembre.

C'est d'ailleurs étonnant, nous dit Rosana Torres dans une tribune publiée par El Pais, de constater que la tradition de la marionnette satirique, volontiers violente et anti-système, est présente dans la plupart des pays européens. Guignol en France ne rechigne jamais à jouer du bâton contre le gendarme, en Angleterre Punch and Judy vont très loin dans l'humour noir et violent... des spectacles qui de tout temps ont horrifié certains parents, mais réjouissent les enfants. Que penser, dès lors, d'Etats qui en arrivent à avoir peur de simple marionnettes?

La presse espagnole s'impatiente... ce matin, de voir échouer l'accord de gouvernement entre le Parti socialiste et la plateforme citoyenne centriste Ciudadanos.

C'est Podemos, à gauche de la gauche, qui a fait capoter ce rapprochement, nous rappelle El Pais. Et voici à nouveau repoussée aux calendes espagnoles la nomination du leader socialiste Pedro Sanchez comme chef du gouvernement prévue la semaine prochaine. Deux mois après les élections législatives, la stratégie de rassemblement large lancée par les centristes et le PSOE échoue donc avant même d'avoir vraiment démarré. Juste avant Podemos, c'est le Partido Popular, la droite, invité à la table des négociations, qui l'avait quittée avec fracas hier.

Selon El Pais, pour Podemos, la stratégie, c'est de faire échouer l'investiture de Sanchez la semaine prochaine, pour que s'ouvre un nouveau temps politique  dans lequel son leader Pablo Iglesias aura plus de poids.

Pour El Diario, ce qui n'est pas passé chez la gauche radicale, c'est le fait que l'accord proposé par le PSOE et Ciudadanos draguait ouvertement la droite, tournant le dos, au passage, aux classes populaires. Désormais, nous dit le quotidien, la seule option qui permettrait aux socialistes de parvenir à une investiture la semaine prochaine, ce serait de couper ls ponts avec Cuidadanos, le centre, pour se tourner vraiment vers leur gauche. Mais, à en croire le porte-parole de Podemos, "les négociations de ces derniers jours prouvent que le PSOE cherche des figurants, et pas des partenaires avec qui gouverner".

Ce nouveau blocage politique fait aussi la Une d'El Mundo. "Podemos vient d'annihiler le chances d'avoir un gouvernement la semaine prochaine". Le quotidien rappelle que la plateforme de gauche radicale est particulièrement hostile à ce que prévoit l'accord de coalition sur le droit du travail qui facilite les licenciements et encourage le recours aux contrats courts. Il dénonce l'humiliation que représente le maintien de l'article 135 dans la Constitution espagnole, loi dite de stabilisation budgétaire. "On s'apprête à tout faire comme du temps de Mariano Rajoy", de la droite, résume Podemos. Justement, dans El Diario on lit aussi cette critique lancée par les socialistes: avec ses refus d'alliance bornés, Podemos n'obtiendra qu'une seule chose, le retour au pouvoir de cette même droite qui a permis son essor dans les urnes.

Par Camille MAGNARD