Indonésie : la forêt tropicale doit céder la place à une nouvelle capitale

Le président indonésien Joko Widodo annonce le déménagement de la capitale
Le président indonésien Joko Widodo annonce le déménagement de la capitale ©Maxppp - MAST IRHAM
Le président indonésien Joko Widodo annonce le déménagement de la capitale ©Maxppp - MAST IRHAM
Le président indonésien Joko Widodo annonce le déménagement de la capitale ©Maxppp - MAST IRHAM
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Alorqs que Jakarta est surpeuplée et s'enfonce dans la mer de Java, le président indonésien confirme qu'une nouvelle capitale sera construite sur l'île de Bornéo où la forêt tropicale est pourtant déjà menacée. En Papouasie occidentale, la population indigène se soulève contre le racisme d'Etat.

Nous nous interessons ce matin à l'Indonésie, 260 millions d'habitants répartis sur un archipel de plusieurs milliers d'îles... et bientôt une nouvelle capitale ! 

La Question du jour
7 min

La capitale indonésienne c'est Jakarta, sur l'île de Java, mais ça va changer : le président Joko Widodo l'a annoncé hier, le pays va construire de toute pièce une nouvelle capitale, cette fois sur l'île de Bornéo. Forcément, la nouvelle fait la Une de tous les journaux d'Indonésie. D'autant que c'est une confirmation : c'est le quotidien en ligne Tempo qui nous le dit, ce déménagement de capitale, on en parle en Indonésie depuis des mois, des années... en fait quasiment depuis la création de l'Etat indonésien, il y a 74 ans, avec cette idée que la capitale actuelle Jakarta est le résultat de l'histoire coloniale et non un choix de l'Indonésie indépendante.

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Parmi "les 5 raisons" invoquées hier par le nouveau président surnommé Jokowi, et reprises par Tempo, il y a la nécessité d'un "rééquilibrage", aussi bien démographique qu'économique. Jakarta, selon les mots du chef de l'Etat, est devenue "un fardeau" pour l'Indonésie, concentrant plus de la moitié de la population et aspirant l'essentiel de ses richesses, à un endroit où la sécurité alimentaire des habitants est un défi permanent et qui se trouve, en plus, excentré, trop à l'Ouest par rapport au reste de l'archipel.  

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D'où le projet, confirmé hier pour achèvement prévu en 2024, de bâtir la future capitale plus à l'Est, sur la côte orientale de l'île de Bornéo. C'est là, détaille le Jakarta Post, que seront installées, d'ici 5 ans donc, les institutions politiques du pays ; Jakarta devrait rester le centre névralgique du business indonésien.    

Parmi les 5 raisons à ce déménagement, il y en a une et pas des moindres qui concerne l'environnement. 

C'est celle qui retient l'attention de l'américaine CNN, pour qui, si Jakarta est délaissée, c'est parce qu'en plus de se trouver sur un site très exposé aux menaces sismiques et volcaniques, la mégalopole est littéralement en train de "s'affaisser, de s'enfoncer dans la mer de Java". Plus elle se développe ces dernières décennies, plus elle gagne du terrain sur des anciens marécages et sur des côtes fragiles, plus elle pompe de l'eau sous terre pour couvrir les besoins de sa population pléthorique, et plus Jakarta voit son niveau se rapprocher dangereusement de celui de la mer. Le résultat, explique CNN, c'est une pollution catastrophique, et des inondations de plus en plus fréquentes ; ajoutez à celà la montée des eaux prévues avec le réchauffement climatique et vous comprenez mieux pourquoi le pouvoir indonésien veut fuir la vieille capitale. 

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L'entreprise est pharaonique, reconnaît The Wall Street Journal, le coût du chantier est estimé à 30 milliards d'Euros : "c'est 19% du budget national", selon les calculs de Tempo. Ce coût est donc très critiqué en Indonésie, tout comme les dégâts que la construction d'une nouvelle métropole va causer à Bornéo, où le territoire que se disputent déjà les promoteurs immobiliers est composé principalement de milliers d'hectares de forêt tropicale. Par les temps qui courent, c'est difficilement défendable d'autant, explique un défenseur de la nature indonésien toujours dans Tempo, que Bornéo fait déjà face à une crise environnementale et sociale très grave, liée justement à "la conversion des terres et des forêts au bénéfice de l'industrie", comprenez... la déforestation galopante.  

Dans la presse indonésienne toujours, il y a un autre bouleversement géographique qui semble se dessiner. 

Et ça concerne cette fois la situation sur l'île de Papouasie : la partie la plus à l'Est est indépendante, c'est la Papouasie-Nouvelle-Guinée, mais la moitié occidentale fait partie de l'Indonésie. Or, nous dit le Jakarta Post, depuis une grosse semaine cette région est secouée par une contestation sans précédent : la population du centre de l'île, d'ethnie papoue et de religion majoritairement protestante, se mobilise pour dénoncer le racisme et les discriminations dont elle est victime, et qui sont infligés par les nouveaux habitants qui peuplent les côtes de l'île, pour la plupart venus d'ailleurs dans l'archipel, et en général musulmans.  "Le racisme anti-papous, en Papouasie occidentale, c'est l'éléphant dans la pièce", écrit encore le quotidien de la capitale pour dire à quel point cette population est méprisée, insultée, animalisée, violenté au quotidien, que ce soit par d'autres Indonésiens ou même par des représentants du pouvoir. 

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D'ailleurs ce sont des militaires que l'on voit infliger de sévices racistes à des Papous, sur les vidéos qui ont circulé sur les réseaux sociaux cet été et qui ont mis le feu au poudres. Les autorités de Jakarta, pour tenter d'affaiblir cette mobilisation, ont coupé internet en Papouasie depuis le milieu de la semaine dernière, mais cela ne change rien : hier encore, des milliers de personnes, certaines en costumes traditionnels, ont défilé dans les rues de plusieurs villes de l'île. L'envoyée spéciale du Guardian rapporte leur colère d'être "traités comme des citoyens de seconde classe", et la montée aussi des slogans autonomistes dans leurs cortèges. 

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A tel point que cette situation en rappelle une autre à l'éditorialiste Kornelius Purba, dans le Jakarta Post : celle du Timor Oriental, il y a deux décennies, quand le soulèvement de la population locale contre l'oppression du pouvoir central avait conduit à un référendum d'autodétermination puis à l'indépendance de ce territoire indonésien. La Papouasie Occidentale n'en est toutefois pas  là, les Papous ne sont pas encore passés à la lutte armée, mais "la diversité dont l'Indonésie se vante tant ne doit pas être qu'un discours, c'est aussi une réalité à entretenir, un peu comme de bonnes relations de familles". D'où cette prédiction de Kornelius Purba :  s'il ne combat pas à la racine ce racisme d'Etat, le pouvoir indonésien pourrait bien se condamner lui-même à subir une nouvelle amputation douloureuse, vingt ans après le Timor Oriental.

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