L’art de mentir et de faire danser le monde

Donald Trump Jr., le fils du 45ème président des Etats-Unis
Donald Trump Jr., le fils du 45ème président des Etats-Unis ©AFP - EDUARDO MUNOZ ALVAREZ
Donald Trump Jr., le fils du 45ème président des Etats-Unis ©AFP - EDUARDO MUNOZ ALVAREZ
Donald Trump Jr., le fils du 45ème président des Etats-Unis ©AFP - EDUARDO MUNOZ ALVAREZ
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Selon la presse, Donald Trump Jr. avait été prévenu, avant de rencontrer une avocate russe l'an dernier, que les informations que celle-ci était susceptible de lui fournir s'inscrivaient dans le cadre des efforts de Moscou visant à favoriser l'élection de son père à la Maison blanche.

Jamais nous n'avions vu d'aussi près la fumée sortir du canon. Voilà comment le chroniqueur du BOSTON GLOBE résume, ce matin, les dernières révélations en date sur les soupçons de collusion entre les équipes de Donald Trump et des intérêts russes, lors de l'élection américaine. Ainsi que nous l'évoquions déjà hier, THE NEW YORK TIMES a publié coup sur coup deux articles, ce weekend, affirmant que le fils aîné du président américain avait rencontré une avocate liée au Kremlin, pendant la campagne. Dans un premier temps, Donald Trump Jr a confirmé ce rendez-vous (daté du 9 juin 2016), tout en précisant que la conversation portait principalement sur le programme d'adoption d'enfants russes par des Américains, suspendu par Vladimir Poutine, en représailles à des sanctions prononcées contre des officiels russes soupçonnés de violations des droits de l'homme.

Une explication fragilisée pourtant, dès le lendemain, par la publication d'un deuxième article dévoilant, cette fois-ci, la vraie motivation de Donald Trump Jr. : obtenir des informations susceptibles de nuire à la candidate démocrate Hillary Clinton. Aussitôt pressé par ces nouvelles révélations, le fils aîné du président s'est finalement fendu d'un communiqué pour expliquer que ladite avocate prétendait avoir des informations selon lesquelles, «des individus liés à la Russie finançaient le comité national du parti démocrate et soutenaient Hillary Clinton». Mais, toujours selon Trump Jr., ces informations étaient vagues, ambiguës et dénuées de sens. Bref, elles n'étaient pas «significatives». Et c'est ainsi que la Maison Blanche tente, à présent, de se défendre en expliquant que cette rencontre n'avait rien de déplacée, qu'elle a été très brève, qu'aucune information n'a été fournie et surtout qu'elle n'a pas eu de suite.

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Sauf que THE NEW YORK TIMES a publié depuis un troisième article, dans lequel on apprend que l'homme qui a organisé cette rencontre à la Trump Tower (Rob Goldstone, un publicitaire) avait, au préalable, envoyé un mail au fils de Donald Trump pour lui expliquer que la juriste russe, dans le cadre des affaires de Moscou, venait lui fournir des informations pour favoriser l’élection de son père à la Maison Blanche. Le journal cite, en particulier, trois sources ayant consulté ce mail.

Mais surtout, peu importe que cette avocate ait fourni ou non des informations. Le simple fait que le fils du candidat à l'élection présidentielle américaine ait accepté cette rencontre constitue, déjà, un signe fort : C'est la première indication publique qu’une partie, au moins, de l’équipe de campagne des républicains était prête à accepter l’aide de la Russie. Aujourd’hui, au prétexte qu'aucune information n'a été fournie, Donald Trump Jr. estime que personne ne devrait faire attention à toute cette histoire. Mais outre le fait que de demander de l'aide à un gouvernement étranger dans le cadre d’une campagne présidentielle est un crime (qui pourrait même être considéré comme un acte de trahison), l’aveu de Trump Jr. rend surtout caduque toutes les tentatives de son père de nier des liens étroits entre des membres de son équipe et des responsables russes, proches du Kremlin. En ce sens, écrit THE BOSTON GLOBE, il apparaît désormais incontestable que le camp républicain n'a eu aucun scrupule à travailler, main dans la main, avec un gouvernement étranger pour remporter une élection américaine. Cela ne fait plus aucun doute. Sans compter que ces révélations ne constituent probablement que la partie émergée de l’iceberg. Mais d’ores et déjà, ce que nous savons à présent est suffisamment grave, conclue le quotidien. Il en ressort que le président des Etats-Unis et ses principaux colistiers ont probablement enfreint la loi pour remporter l’élection présidentielle.

Et c'est ainsi que rattrapé par ces nouvelles révélations sur l'«affaire russe», le président américain a décidé de faire marche arrière avec son homologue russe

Dimanche, Donald Trump avait pris tout le monde de court en affirmant, sur Twitter, vouloir désormais travailler «de manière constructive» avec le Kremlin, en créant avec Vladimir Poutine une unité de cybersécurité chargée d’empêcher d’éventuelles ingérences dans les prochaines élections. Evidemment, nombreux sont ceux qui se sont pincés en découvrant le message, y compris dans le camp républicain. «Être partenaire avec Poutine sur une unité de cybersécurité, c’est comme coopérer avec le président syrien Bachar al-Assad sur une unité Armes chimiques!», a notamment ironisé le sénateur Marco Rubio. «Je suis sûr que Poutine pourrait être d’une grande aide dans cette initiative, dans la mesure où c’est lui qui pirate», a renchérit son collègue John Mc Cain, interrogé sur CBS. Quant à Lindsey Graham, il a simplement déclaré : «Si ce n'est pas l'idée la plus stupide que j'ai entendue, elle n'en est pas loin».

Et c'est ainsi que dans un second tweet, non moins surprenant, Donald Trump s’est finalement rétracté : «Le fait que le président Poutine et moi avons discuté de cette unité ne signifie pas que je pense que cela peut se faire. Cela ne peut pas se faire». Une manière pour le président de se contredire lui-même. Sauf que là où Trump espérait calmer les réactions provoquées par son premier tweet, il n’a fait que les raviver. Une preuve de plus que dans cette partie de poker menteur, Donald Trump donne chaque jour, un peu plus, l’impression de ne plus savoir sur quel pied danser avec Vladimir Poutine.

Enfin s'agissant de danse, justement, le théâtre du Bolchoï à Moscou a annoncé l’annulation de la première du spectacle consacré à Noureev.

La première devait avoir lieu aujourd’hui. Mais hier, le directeur du Bolchoï a expliqué que le spectacle n’était pas prêt et qu'il ne serait montré qu’en mai 2018. Or, des fragments du filage (filmés par des artistes de la troupe et postés sur internet) prouvent le contraire. On y voit notamment le metteur en scène adulé par le plateau au terme de la répétition générale. A Moscou, précise le correspondant du TEMPS, personne ne doute que le Bolchoï n’a pas pu volontairement porter atteinte à sa propre réputation et qu’il s’agit, en réalité, d’une décision émanant de la sphère politique. L’agence officielle TASS assure que le spectacle a été reporté sur ordre du très conservateur ministre de la culture. Or deux sources proches de ce ministère confirment que la «propagande de l’homosexualité» contenue dans le spectacle constituait une «provocation» inacceptable dans l’enceinte de «l’honorable» institution. Ou dit autrement, qu’il s’agit là d’un acte de censure camouflé. L'art de mentir et de faire danser le monde.

Par Thomas CLUZEL