

L'occasion de faire un grand nettoyage. Cette analyse du journal turc populaire Hurriyet est partagée par l'ensemble de la presse internationale. Et Hurriyet de donner des chiffres qui donnent le vertige sur l'après coup d'état : 2 839 militaires arrêtés dont des centaines d'officiers de rang.
Parmi ces arrestations, 34 généraux, dont quatre de l'armée de l'air qui seraient à l'origine de la tentative de putsch, et 29 colonels. Le tout dans l'ensemble du pays, même si ces arrestations ont eu lieu essentiellement à Istanbul la plus grande ville et Ankara, la capitale.
Avec également cette première question : qui sont ces militaires factieux ?
Pour le pouvoir, nous rappelle le Washington Post, c'est clair, ce sont des hommes de Fethullah Gülen, 75 ans, cet ancien allié de Recep Tayyip Erdogan devenu son pire ennemi et réfugié dans la région des montagnes Poconos en Pennsylvanie. Nous allons demander à nos amis américains de nous livrer cet individus a déclaré le président turc.
Mais Fethullah Gülen dément toute implication explique le Washington Post, il suggère même que ce putsch pourrait être l'œuvre du pouvoir lui-même afin de mieux réprimer les Gullenistes en Turquie.
Pourquoi l'armée turque s'est elle révoltée, se demande alors la presse ?
C'est la question que pose Haaretz. Le journal israélien émet l'hypothèse d'un désaccord avec la politique de répression contre les Kurdes et de bienveillance vis-à-vis du groupe Etat Islamique.
Mais Haaretz pose également une autre question que l'on retrouve en filigrane dans toute la presse : "Est-ce légitime de promouvoir la démocratie par des moyens non démocratiques ?"
Et le journal israélien de mettre en avant le piège pour l'opposition turque qui n'a plus d'autres choix que de défendre Erdogan et le retour à la démocratie légale, ce dont pourrait profiter le président pour réécrire la constitution turque en sa faveur.
La démocratie turque est prise en étau résume la Tribune de Genève. Les premiers responsables et les premières victimes en sont les militaires aventureux explique le quotidien suisse, qui pensaient que l'on peut rétablir la démocratie dans le sang. Et le journal genevois de rappeler le bilan de cette tentative de prise de pouvoir par la force : 265 morts et 1 440 blessés. Bilan également des arrestations, la Tribune de Genève qui rappelle les mandats d'arrêt à l'encontre de 2 745 juges et procureurs dont un juge de la cour constitutionnelle.
Le journal genevois de conclure amer, que Erdogan en rempart de la démocratie n'aura fait illusion que le temps d'une nuit et que sa quête d'absolutisme ne faisait que s'accélérer.
L'avenir de la démocratie turque inquiète les éditorialistes de la presse mondiale...
Cette purge n'est qu'un coup d'état rampant et c'est l'œuvre de Recep Erdogan lui-même, pas de l'armée, ajoute le Guardian. Le quotidien britannique qui met en garde : Attention à une dictature élue.
Mêmes craintes dans les colonnes de la Süddeutsche Zeitung. Le quotidien munichois s'inquiète : pourquoi un coup d'état civil pourrait suivre et le journal de s'alarmer d'une chasse aux sorcières, d'un état d'urgence permanent, d'une révolution d'en haut. Ce coup raté pourrait être un don de Dieu pour Erdogan.
D'autant plus que le pouvoir turc pourrait aller encore plus loin dans la répression.
Le Soir rapporte que Recep Tayyip Erdogan envisage la possibilité de rétablir la peine de mort en Turquie.
Le quotidien belge rappelle que la Turquie avait abolie la peine capitale en 2004 dans le cadre de sa candidature à l'Union européenne.
Le président turc a évoqué cette possibilité devant ses partisans, pour, rappelle le Soir, lutter contre le virus factieux. Mais il fait mine de prétendre que l'idée ne vient pas de lui, que c'est une demande du peuple.
La foule criant "Nous voulons la peine de mort" et le chef répondant alors "En tant que gouvernement et en tant qu'état, nous connaissons et entendons cette demande qui est la vôtre. Nous ne pouvons pas ignorer votre demande" Et Recep Erdogan de conclure, "En démocratie, la décision c'est ce que veut le peuple".
Et ce raidissement turc pourrait entrainer une séparation durable avec l'Occident.
Le Telegraph à Londres le pense en rappelant que la Turquie est stratégiquement située à proximité de la Syrie et de l'Irak, de la Mer Noire et donc de la Russie et de la Mer Caspienne et de ses oléoducs.
Le Telegraph qui rappelle qu'Ankara vient de rétablir de bonnes relations avec la Russie de Vladimir Poutine.
Le site suisse Romandie.com souligne également que la Turquie est membre de l'OTAN et en négociations avec l'Union européenne. Ces deux institutions ont assurées Ankara de leur soutien mais Bruxelles, siège de l'OTAN et de l'UE, aimerait cependant être rassuré et que la réponse du gouvernement turc reste proportionnée. L'Union européenne est donc à un carrefour après ce coup d'état manqué, estime la Frankfurter Allgemeine Zeitung. Il s'agit pour elle de ne pas devenir dépendante d'un despote.
Au final, le sentiment d'inquiétude sur l'avenir de la Turquie est le plus fort dans la presse.
Et c'est évidement sur place, dans la presse proche de l'opposition que ce sentiment est le plus vif.
Pour le journal de centre gauche Cumhuriyet la Turquie retient son souffle.
Le quotidien de rappeler que l'opposition était contre le coup d'état militaire et que désormais il espère que le pays, avec la même détermination s'opposera à l'instauration d'un système présidentiel qui ouvrirait la voie à un Sultanat.
Nous n'avons d'autres choix, conclut Cumhuriyet que de lutter pour la démocratie sans perdre espoir parce que la solution n'est ni dans la junte militaire, ni dans la junte civile.
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