L'envers du décor ne fait plus illusion

Affiche du premier ministre libanais, Saad Hariri
Affiche du premier ministre libanais, Saad Hariri ©AFP - JOSEPH EID
Affiche du premier ministre libanais, Saad Hariri ©AFP - JOSEPH EID
Affiche du premier ministre libanais, Saad Hariri ©AFP - JOSEPH EID
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Le Premier ministre libanais, Saad Hariri, a annoncé qu'il allait bientôt rentrer dans son pays, assurant être libre en Arabie saoudite, où il se trouve depuis sa démission surprise qui a plongé le Liban dans une nouvelle crise politique.

Face à ce que d'aucuns entrevoient comme une véritable intrigue policière, c'est peu de dire que le discours à la télévision, hier, du Premier Ministre libanais démissionnaire, Saad Harriri, était attendu de tous. Allait-on, enfin, comprendre le mystère de son retrait annoncé depuis l'Arabie-Saoudite ? Première constatation, précise ce matin L'ORIENT LE JOUR, l'homme s'est exprimé dans la perspective d'un retour imminent au Liban (d'ici quelques jours), écartant ainsi l'hypothèse de son retrait pur et simple de la vie politique. Ensuite, aux multiples interrogations portant sur le rôle présumé de Ryad dans sa démission, Saad Hariri a eu une seule réponse, balayant toutes les accusations imputées au régime wahhabite. Se disant «libre» au royaume, il a répété à l'envi que sa démission était une décision personnelle, qui ne lui a été prescrite par aucune tierce partie. Enfin, Saad Hariri a pris une initiative envers le président libanais Michel Aoun. Il lui a proposé de rééquilibrer la politique dite de «distanciation», selon les règles qui l'avaient dicté avant que celles-ci ne soient enfreintes par le Hezbollah. En d'autres termes, Saad Hariri appelle le président libanais (qui a fini par assumer ouvertement sa proximité avec le Hezbollah) à neutraliser le conflit irano-saoudien au Liban. 

Sauf que le problème ne se résume pas aujourd'hui au non-respect de cette politique dite de «distanciation» par le Hezbollah, le problème, c'est la politique de «distanciation» elle-même, s'insurge ce matin l'éditorialiste de L'ORIENT LE JOUR. Et de préciser : quel message de paix un État cohabitant avec une milice armée, engagée au service d'une puissance régionale (en l'occurrence l'Iran) peut-il porter ? Aucun, évidemment. D'où ce que l'on nomme politique de «distanciation» et qui est en réalité une fuite en avant, plutôt qu'une politique. Et l'éditorialiste d'en conclure : la recherche d'un nouveau contrat social, capable de traiter les causes de la dépendance de toutes les composantes du peuple libanais vis-à-vis de telle ou telle puissance régionale, est un travail qui doit commencer aujourd'hui. Le Liban doit sortir du pétrin dans lequel il se trouve. Or au vu des enjeux énormes, le plus urgent serait d'éviter les fanfaronnades. Ce qui est loin d'être acquis. 

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Lui, avait-il vraiment les moyens de fanfaronner ? Quoi qu'il en soit, Mariano Rajoy s'est rendu hier à Barcelone, pour la première fois depuis que la région a été mise sous tutelle.Et en allant soutenir le candidat de son Parti aux élections du 21 décembre prochain, le chef du gouvernement, réputé pour son attentisme légendaire, a cette fois-ci montré qu’il avait la poigne d’un leader. Et pour cause, il avait pour lui quelques arguments à faire valoir : d'une part, le soutien indéfectible de tous les Etats membres de l’UE ; et d'autre part, le fait que deux tiers des Catalans (selon un sondage paru le matin même dans les colonnes d'EL PAIS) soutient aujourd'hui sa décision de convoquer des élections régionales. Sans compter que ces mêmes Catalans seraient, par ailleurs, de moins en moins nombreux à croire encore à l'indépendance de leur région : 28% contre 51% le mois dernier. Il faut dire, précise de son côté l'envoyé spécial du TEMPS, que les divisions du camp sécessionniste sont par ailleurs plus évidentes que jamais. D’un côté, une sorte de mini-gouvernement fantoche, dirigé depuis la Belgique par Carles Puigdemont, lequel continue à se présenter comme «président légitime». Et de l’autre, d’anciens ministres régionaux incarcérés dans des prisons madrilènes, qui n’apprécient qu’à moitié l’«exil» de Puigdemont et qui, affaiblis, en sont réduits à préparer leur stratégie électorale derrière des barreaux. A ce titre, d'ailleurs, on notera que l'immense manifestation organisée samedi à Barcelone, appelant à la liberté des prisonniers, a montré que le mouvement pro-indépendance n’avait rien perdu, en revanche, de son pouvoir de mobilisation lorsqu'il s'agit de dénoncer l'autoritarisme de Madrid. Preuve, également, que Mariano Rajoy, en réalité, n'a pas si le vent en poupe que cela. Si deux tiers des sondés Catalans soutiennent, en effet, sa décision de convoquer des élections régionales, ils sont tout autant, 69%, à désapprouver la façon dont il gère la crise en Catalogne. Voilà pourquoi la clé, conseille ce matin EL MUNDO dans son éditorial, sera de convaincre, dit-il, la majorité silencieuse.

Et que dire, à présent, de Donald Trump, lequel a visiblement retrouvé ses talents de fanfaron ? En voyage depuis une semaine, le président américain avait été plutôt modéré, voire discipliné. Et puis, arriva le week-end, raconte l'envoyé spécial du NEW YORK TIMES, repéré par le Courrier International. Dans une série de tweets publiés hier depuis le Vietnam, Donald Trump a tout d'abord répondu au leader nord-coréen, Kim Jong-un. «Pourquoi m’insulterait-il en me traitant de «vieux» alors que je ne le traiterai JAMAIS de «petit gros» ? J’essaie tellement d’être son ami, peut-être qu’un jour cela arrivera !» Et puis toujours hier, au lendemain de son entrevue avec Vladimir Poutine, Trump a lancé sur Twitter : «Quand tous les haineux et les imbéciles se rendront-ils compte qu'avoir de bonnes relations avec la Russie est une bonne chose ?» La veille, déjà, à bord d'Air Force One, Trump avait confié aux journalistes avoir eu «un bon feeling» avec le président russe. Bien entendu, les deux chefs d'Etat ont notamment évoqué les accusations d'ingérence russe dans l'élection américaine. Or voici ce que Donald Trump a déclaré : «Il m'a dit qu'il ne s'était absolument pas mêlé de notre élection». Et d'ailleurs, toutes ces accusations blessent Vladimir Poutine qui se sent «insulté», a expliqué le président américain. Evidemment, quelques heures après ses déclarations, la CIA s'est empressée de confirmer ses accusations contre la Russie. De son côté, l'ex directeur de la CIA, John Brennan, interrogé sur CNN, a aussitôt rétorqué que Donald Trump «devrait avoir honte» d'avoir ainsi attaqué les services de renseignements. Avant d'ajouter : «Ce que M. Trump fait vis-à-vis des Russes est soit de la naïveté, soit de l'ignorance, soit de la peur».

Quant au NEW YORK TIMES, il s'interroge à son tour : Pourquoi donc le comportement de Donald Trump, qui s'était montré si prudent pendant toute la semaine, a-t-il soudainement changé ? Réponse du quotidien américain : c’est peut-être dû à l’absence de la Première dame, Melania, qui exerce souvent un rôle de modératrice auprès de son mari. Or celle-ci a quitté la délégation américaine après avoir visité la Grande Muraille et caressé la patte d’un panda au zoo de Pékin. A moins, conclue l’éditorialiste, que Trump, 71 ans, soit tout simplement fatigué avec cette tournée de douze jours en passe de s’achever.

Par Thomas CLUZEL

    

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