Par Eric Biegala
"L'Europe finit par montrer ses muscles en Israel" : C'est en ces mots qu'en substance la presse tant israelienne qu'européenne ou même arabe traduit la récente décision européenne de geler toutes subventions, prix et autres "instruments financiers" de Bruxelles en faveur des sociétés et structures israeliennes implantés dans les Territoires occupés... Décision datant de décembre dernier mais traduite dans les textes européens il y a 10 jours "Jusqu'à mardi dernier, personne en Israël n'avait aucunement prété attention au quatrième paragraphe des conclusions de la 3209 ème réunion des ministres des affaires étrangères de l'UE qui s'est tenue en décembre" , écrit le Jerusalem Post ; pour tous, il s'agissait simplement de l'habituelle rhétorique anti-implantation bien connue des Européens et pas davantage... On avait tort : aujourd'hui les règles de l'UE qui empêchent toute subvention (ds les territoires) sont la première manifestation concrète d'une politique qui n'a plus rien d'abstrait". Ces nouvelles recommandations* "n’ouvrent non pas la porte, mais un boulevard à la pénalisation des établissements israéliens implantés à l’intérieur des frontières d’avant 1967 et entretenant des activités commerciales au-delà de la Ligne verte"* , remarque le correspondant diplomatique du Jerusalem Post , Herb Keinon... Il faut dire que l'Europe est le premier partenaire commercial d'israel et du côté de la droite israelienne on n'a pas tardé à crier au racisme pur et simple indique encore le Post ** citant par exemple le ministre du logement Uri Ariel qui estime que la décision européenne "est frappée du sceau du racisme et de la discrimination contre le peuple juif ; elle rappelle le boycott des juifs il y a 66 ans" en Europe.Et les Européens ont décidé d'aller plus loin ; ils envisagent également de refuser la mention "made in Israël" sur tout article fabriqué dans les territoires qui pourrait être vendu en Europe... Aux Pays-Bas deux chaines de grandes distribution ont d'ores et déjà sauté le pas rapporte le journal néérlandais **Trouw ** et ont instauré un boycott de tout produit en provenance des territoires occupés, provoquant un nouvel accès de colère israélien. *Trouw ** précise que le gouvernement néerlandais s’oppose à un boycott officiel, mais souhaite rendre reconnaissables les produits issus des territoires occupés.Mais en Israel même, les représailles anti-UE n'ont d'ailleurs pas tardé rapporte The Guardian "Israel gèle toute co-opération avec l'Union Européenne dans les Territoires palestiniens", * titrait le quotidien britannique vendredi en rappelant que l'UE fournit de l'aide et de l'équipement aux communautés palestiniennes de cisjordanie, lesquelles sont menacés de déplacement voire de la démolition de leurs maisons... "La décision israelienne, autorisée par le ministère de la défense, affecte tout projet requérant des permis de circulation ds les territoires... Aucun permis de passage n'a été délivré aux humanitaires européens se rendant à Gaza depuis plusieurs jours", rapporte encore le journal. Dans Le Soir de Bruxelles, Jurek Kuczkiewicz se désole de la réaction Israelienne "En dépit de l’occupation, Israël est le pays partenaire de l’UE qui bénéficie du statut le plus privilégié en matière de coopération, notamment économique et scientifique, écrit-il ; "La décision récente de la Commission européenne n’a pas consisté à couper ces programmes de coopération: elle permettra seulement d’éviter que cet argent ne finance l’occupation. Rappelons par ailleurs que l’Union européenne fournit, bon an mal an, un demi-milliard d’euros à l’Autorité palestinienne depuis 1993: soit la moitié de son budget. Et ceci pour quoi? Pour l’aider à fonctionner en dépit de l’occupation israélienne…En annonçant ses mesures de rétorsion, * poursuit l'éditorialiste du Soir , Israël adresse à l’Europe un message très simple: «Payez, puis taisez-vous». Ceci est évidemment inacceptable. Et il faut rendre hommage à l’Union européenne et à son exécutif bruxellois, si souvent critiqués, d’avoir enfin mis leurs actes en conformité avec leurs paroles". Est-ce un véritable tournant de la politique européenne à l'égard d'Israël ? demande l'analyste Yossi Mekelberg sur le site de la chaine de télévision Al-Arabiya * "pendant des années, rappelle-t-il, les Palestiniens ont vu les Européens blâmer les gouvernement israéliens successifs pour leurs politiques d'obstruction notamment quand il s'agit de construire de nouvelles implantations et en même temps ils ont vu ces mêmes Européens gratifier israël d'accords culturels ou économiques particulièrement généreux... En fait, par le passé ce sont surtout les présidents américains qui se montré - même si c'était rare - prêts à faire pression sur Israël pour faire avancer une solution politique au problème israelo-palestinien"."Quant aux Israeliens, * poursuit Yossi Mekelberg, ils se sont habitué depuis longtemps à ce que leur occupation des territoires n'ait aucune répercussion ni politique, ni même économique... le message que l'Europe fait aujourd'hui passer c'est que les Israeliens doivent se réveiller et prendre conscience que la Communauté Internationale perd patience devant l'absence de solution". Nombre de commentateurs remarquent évidemment que la décision Européenne intervient au moment même où des pré-pourparlers de paix israelo-palestiniens sont remis en branle par la diplomatie américaine... "La relation tendue entre Israel et l'Europe fait fasseyer le processus de paix" titre par exemple le Wall Street Journal ** qui explique que bien que les Etats-Unis soient le principal médiateur dans ces pourparlers, l'Europe joue un rôle de soutien non négligeable. "En tant que partenaire commercial principal d'Israel elle exerce un poids économique et, quand elle fait bloc aux Nations Unies, les votes de l'Europe pèsent de tout leur poids." * En fait, résume le Wall Street Journal ** "dans les pourparlers de paix, le rôle le plus important des Européens pourrait être indirect, ce serait de laisser entendre qu'une ligne trop dure adoptée par Israël entrainerait encore d'autres conséquences économiques pour l'Etat hébreu". L'Europe dispose donc maintenant d'un outil pour peser sur ces négociations, même si, comme le rappelle l'un des analystes cités par le Wall Street Journal ; pour le moment cet outil est davantage de l'ordre de la pince à épiler que du marteau-pilon...
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