L’heure des comptes a déjà sonné pour Barack Obama

Le président américain Barack Obama
Le président américain Barack Obama - Carlos Barria
Le président américain Barack Obama - Carlos Barria
Le président américain Barack Obama - Carlos Barria
Publicité

Chaque matin, l’actualité vue au travers de la presse étrangère. Aujourd’hui : l’histoire jugera du bilan de Barack Obama mais, d’ores et déjà, la presse américaine dresse la liste des déceptions passées et à venir.

Depuis quelques jours, les articles et les entretiens se multiplient, dans la presse américaine, pour dresser le bilan de celui qui s’apprête, cette année, à tirer définitivement sa révérence. Et visiblement, la liste des déceptions causées par le chef de la Maison Blanche est longue, note dans une contribution au magazine américain SLATE l’ancien rédacteur en chef de Foreign Policy. Aux Etats-Unis, les inégalités sont toujours aussi fortes et certains salaires aussi bas. Et que dire de ces banquiers dont les agissements ont provoqué la crise financière et qui n’ont pas été inquiétés ? Et puis la liste s'allonge encore s'agissant, cette fois-ci, de sa politique internationale, certains lui reprochant d’avoir pactisé avec l’Iran. Mais aussi d’avoir utilisé des drones, de ne pas être intervenu militairement en Syrie ou, au contraire, de l’avoir fait en Libye.

A ce titre, d'ailleurs, THE NEW YORK TIMES qui ce week-end revenait à son tour sur les huit années de présidence Obama indiquait que jamais un président américain n'aura été en guerre aussi longtemps. Si les États-Unis restent au combat en Afghanistan et en Irak jusqu'à la fin de son mandat, il deviendra de façon, assez improbable, le seul président dans l'histoire du pays à accomplir deux mandats entiers à la tête d'un pays en guerre. Une carte, d’ailleurs, publiée par le magazine THE ATLANTIC fait le point sur tous les théâtres des interventions militaires américaines en 2016. En plus de la guerre en Afghanistan, les auteurs ont pris en compte les guerres menées par les drones au Pakistan, en Somalie et au Yémen, mais aussi la lutte contre Daech en Irak et en Syrie, ainsi que deux autres missions au Cameroun et en Ouganda. Un constat pour le moins étrange, si l'on se souvient de la campagne présidentielle du candidat Obama en 2008, pendant laquelle il était loin de se présenter comme un va-t-en-guerre. Seulement voilà, comme le rappelle à nouveau THE NEW YORK TIMES, Barack Obama avait vite fait le deuil de toutes ces volontés. Il avait, lui-même, rapidement reconnu la contradiction entre son message de campagne et la réalité à laquelle il faisait face une fois à la tête du pays.

Publicité

Barack Obama a-t-il touché du doigt les limites du pouvoir qui marquent notre époque ? Toujours est-il que si le président américain a désillusionné beaucoup de gens, c’est aussi réciproque. Dernièrement, Barack Obama s’est livré, en effet, à une analyse publique de son expérience présidentielle, dans laquelle il met évidemment l’accent sur les aspects positifs de son bilan, en particulier, en comparant la situation actuelle qu’il laisse à son successeur avec la grave crise dont il a hérité, mais où il souligne, également, les restrictions qui l’ont empêché d’aller plus loin. D’où sa propre liste de déceptions.

Et parmi celles-ci, on notera tout d'abord l’incapacité de l’Europe à jouer un rôle international proportionnel à son poids dans le monde. Dans une grande interview accordée récemment au magazine THE ATLANTIC, Barack Obama blâme très franchement le Premier ministre britannique, David Cameron, mais aussi l'ex président Nicolas Sarkozy, notamment pour avoir plongé la Libye dans le chaos qui y règne aujourd’hui. Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou en prend aussi pour son grade. Obama est convaincu de s’être conduit en allié loyal, généreux et fiable d’Israël, tandis que Netanyahou aurait été, selon lui, un partenaire déloyal, ingrat et méprisant. Toujours selon le président américain, les dirigeants des principaux pays arabes, et en particulier l’Arabie saoudite, n’ont pas été non plus à la hauteur de leurs responsabilités, en particulier sur la nécessité de surmonter l’affrontement séculaire entre sunnites et chiites. Le chef de la Maison Blanche regrette que ses exhortations à cet égard soient tombées dans l’oreille de sourds. Et puis la plus grande frustration, en réalité, du président américain vient peut-être des élites de son propre pays. Des élites de plus en plus fragmentées et dont le besoin de défendre leurs privilèges les rend incapables d’agir, avec une vision à long terme, au niveau national.

Le président américain ne souhaite pas endosser, seul, la responsabilité de ce que certains rangent, dès à présent, au chapitre "passif" de ses 8 années de mandature. Reste que Barack Obama est désormais sur le point de se mettre à dos son propre camp.

Et c'est, d’ailleurs, quasiment déjà fait. En cause : le projet de la Maison Blanche de mener une vaste opération d’expulsions de clandestins. Les raids menés par les agents de l’Immigration viseront les clandestins ayant franchi la frontière, après le 1er janvier 2014, et dont l’asile leur a été refusé. Il s’agit, avant tout, de femmes avec enfants, même si des jeunes clandestins âgés aujourd'hui de plus de dix-huit ans, mais mineurs lors de leur entrée aux États-Unis, sont eux aussi dans le collimateur. Un projet aussitôt vertement critiqué par les candidats démocrates à l'élection présidentielle. Quand Hillary Clinton fustige un programme de trop grande ampleur, Bernie Sanders le juge tout simplement inhumain. De nombreux élus démocrates du Congrès se disent également furieux. Bref, on a rarement vu une telle levée de boucliers contre la Maison-Blanche, écrit ce matin le correspondant du TEMPS.

Si on peut accuser le président Barack Obama d’avoir, sans doute, tardé à empoigner le dossier de la réforme de l’immigration, en revanche, on peut difficilement lui reprocher d’avoir embouché les trompettes xénophobes du camp républicain. Le président s'est même toujours montré plutôt favorable, au contraire, à une régularisation des clandestins. Dès-lors, pourquoi un tel revirement ? Plusieurs facteurs ont visiblement poussé l’administration à aller de l’avant. Tout d'abord, après une brève accalmie, l’immigration illégale a repris de plus belle. Et puis, quand bien même Barack Obama ne souhaite pas prêter le flanc aux républicains en pleine campagne présidentielle, surtout face à un Donald Trump dont le discours anti-immigration a formaté les primaires, il est probablement convaincu par la nécessité de réformer, aujourd'hui, le système. En d'autres termes, en considérant l’opération à venir comme un mal nécessaire, la Maison-Blanche serait, une fois de plus, contrainte de jouer la carte de la realpolitik.

Par Thomas CLUZEL

L'équipe