Le corps d'un réfugié politique tchétchène a été retrouvé, tué à coups de couteau, dans une chambre d'hôtel de Lille. Les presses tchétchène et britannique y voient la signature des "tueurs de Ramzan Kadyrov". Hommages à George Steiner, un "prodigieux esprit universel" selon le New York Times.
Une fois n'est pas coutume, notre revue de presse démarre avec un rapport de la police française.
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La constatation d'un décès criminel, jeudi dernier dans une chambre de l'Hotel du Coq Hardi, en plein centre de Lille, une femme de ménage a retrouvé le corps d'un homme de type caucasien, tué de multiples plaies au thorax. Près de son cadavre, une arme blanche a été retrouvée, l'arme du crime selon l'AFP citée par la Voix du Nord. C'est l'agence française qui a précisé lundi soir l'identité de la victime, et ça a confirmé ce qu'affirmait dès ce week-end le journal en ligne spécialisé dans les infos du Caucase Kavkazsky Uzël : dans cette chambre d'hotel lillois, c'est Imran Alyiev, un bloggeur et opposant tchétchène, qui a été assassiné.
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De lui, le site d'info russe Lenta nous apprend qu'il était donc natif de Tchétchénie, connu sur les réseaux Facebook et Youtube sous le pseudonyme "Mansour Stariy", Mansour l'Ancien, nom sous lequel il postait (entre autres diatribes) des vidéos critiques contre le chef de la république autonome russe de Tchétchénie Ramzan Kadyrov, ce protégé de Valdimir Poutine dont il incarne ce qui se fait de plus autoritaire, corrompu et violent dans la gestion de son petit bout de Caucase.
Mansour l'ancien avait fui son pays pour raisons de sécurité, et il vivait depuis en Belgique : c'est ce que nous apprend l'article que consacre à sa mort le Guardian britannique. On le qualifie de "controversé", pas franchement le réfugié politique idéal, avec des prises de positions parfois très limite, "un homme difficile mais honnête", selon un autre opposant en exil basé lui à Strasbourg.
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Quoi qu'il en soit, "son meurtre a été particulièrement cruel", s'indigne ce même compatriote qui confirme qu'Imran Aliev était depuis des mois la cible de menaces de morts : il était d'ailleurs sous protection policière en Belgique. Mais alors, s'interroge The Guardian, pourquoi se retrouver sans escorte dans une chambre d'hôtel à Lille, chambre louée pour une seule nuit, avec nous dit-on un autre Tchétchène qui a depuis disparu dans la nature ?
A toutes ces questions, il y a un homme qui prétend avoir la réponse. Il s'appelle Tumso Abdurakhmanov, il fait lui aussi parti de la diaspora tchétchène en Europe, lui a fuit les persécutions et menaces en s'installant en Pologne... et il a mené sa propre enquête dont il livre les résultats au Kavkazsky Uzël : pour lui, c'est bien une meurtre politique, l'oeuvre d'un tueur envoyé depuis la Tchétchénie pour éliminer le bloggeur-opposant. Abdurakhmanov affirme que des informateurs tchétchènes lui ont indiqué qu'un homme était parti de Grozny, avait fait étape quelque jours en Espagne, puis pris le train pour la Belgique (la semaine dernière), avant qu'on ne retrouve (après le meurtre) sa trace à Berlin, où il a pris un avion pour rentrer en Russie.
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Tumso Abdurakhmanov explique qu'il a suivi à distance ce troublant périple européen, parce qu'il craignait que le tueur ne soit envoyé pour lui. Mais quand il a appris la mort de Mansour l'ancien, il a compris : compris, comme l'écrit ce matin Maaz Bilalov sur le site spécialisé Kavkaz Realii, que "le sang tchétchène a à nouveau coulé en Europe". Cet assassinat ciblé au coeur d'une ville française, c'est une preuve de plus, nous explique-t-on, "de la vulnérabilité des réfugiés politiques tchétchènes" dans une Europe qui n'arrive pas à les protéger contre les tueurs du Caucase.
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Et l'article de nous rappeler la longue liste de tous ceux qui, depuis dix ans, ont été traqués, retrouvés puis abattu d'une rafale de kalachnikov en pleine rue ou poignardés à l'abri des regards comme Imran Aliev. Alors oui, insiste Kavkaz Realii, le bloggeur connu sous le nom de Mansour l'ancien s'était fait de nombreux ennemis sur les réseaux sociaux avec ses vidéos parfois haineuses contre certaines ethnies, certaines religions. Il est donc difficile, conclut The Guardian, d'accuser directement Ramzan Kadyrov, l'impitoyable président tchétchène, d'avoir commandité l'exécution lilloise Mais le quotidien renvoit tout de même sur son site vers l'enquête publiée en septembre par son hebdomadaire The Observer, enquête très arpprofondie menée par Shaun walker sur "ces escadrons de la mort tchétchènes qui traquent les réfugiés politique à travers toute l'Europe". Et c'est bien une photo de Ramzan Kadyrov, tout en sourire carnasier, qui illustre cet article.
Le décès de George Steiner fait réagir la presse anglo-saxonne.
Des hommages à l'image de l'impressionnante biographie de l'essayiste, critique littéraire, philosophe anglo-franco-américain décédé hier à 90 ans, biographie que Die Zeit en Allemagne retrace avec nous.
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George Steiner était né à Paris en 1929, dans une famille juive d'Europe de l'Est dont le père embarquait les siens au gré des postes éminents qu'il occupait dans la finance, de Paris donc à Vienne puis à nouveau Paris, au coeur d'une Europe gagnée par l'antisémitisme.
Dans les nombreuses et riches interviews qu'il a donné tout au long de sa vie, George Steiner a souvent parlé de ce père qui sauva sa famille en décidant d'embarquer pour l'Amérique en 1940 : il en a retenu des leçons qui l'ont accompagné toute sa vie:
"Ce que mon père m'a appris quand j'étais un petit garçon me guide toujours, disait-il : il me disait de toujours avoir une petite valise prête avec moi, de toujours savoir où se trouve la porte, et de ne jamais avoir peur de tout recommencer à zéro, jamais !" Pouvoir repartir de rien, considéré précisait-il comme "un privilège" qui est devenue une règle pour toute sa vie : "Ma patrie, c'est ma machine à écrire, ou mon stylo, si j'ai ça, alors j'ai mon passeport et je ne crains rien."
Le "prodigieux" George Steiner, comme le qualifie The New York Times, aura donné le goût de la littérature comparée à des générations d'habitants de cette Terre : le goût de Tolstoï et Dostoievsky, bien sûr, mais aussi d'Heidegger, des échecs, de la tragédie grecque... une soif de comprendre qui l'a amené à philosopher sur l'origine du langage humain, du mythe de la Tour de Babel à l'art subtil de la traduction littéraire.
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Et puis ce paradoxe fondamental qui a obsédé l'"esprit universel" Steiner quasiment toute sa vie, selon le New York Times : comment la littérature, qu'il aimait tant pour sa puissance morale, avait-elle pu être impuissante à empêcher l'Holocauste ? "Les humanités ne nous rendent pas plus humains", déplorait au soir de sa vie George Steiner, mais c'est de 1967 que date cette phrase citée par la BBC dans sa nécrologie : "Nous savons à présent qu'un homme peut lire Goethe et Rilke le soir, jouer du Bach et du Schubert, et partir travailler à Auschwitz le lendemain matin".
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