Chaque matin, l’actualité vue au travers de la presse étrangère. Aujourd’hui : Le président vénézuélien, Nicolás Maduro, a annoncé le déploiement de militaires dans tout le pays, en amont d'une manifestation prévue mercredi par l'opposition.
Si quelqu'un se demande dans quel état d'esprit se trouve actuellement le gouvernement, à Caracas, la réponse est sans équivoque, tranche l'éditorialiste d'EL NACIONAL : Le pouvoir est désormais envahi, dit-il, par la peur. Et pas seulement le président Nicolás Maduro. Désormais, toutes les chevilles ouvrières du régime ont peur. Il suffit pour s'en convaincre de regarder leurs visages à la télévision, de les écouter parler, la voix tremblante. D'autant que ces dernières semaines, les craintes se sont encore intensifiées. Ils redoutent la colère de la rue, l'étincelle qui pourrait conduire à l'effondrement, la peur de ce qui viendra après le changement. Et parce que la fin est proche, la peur la plus intense aujourd'hui est aussi la moins visible : aucune émotion n'est à présent plus puissante que la méfiance et la suspicion qu'ils éprouvent, tous, les uns envers les autres. Au point, suppose toujours l'éditorialiste, que l'insomnie est probablement devenue la maladie la plus répandue du régime.
Hier, preuve que cette fébrilité ne relève probablement plus, en effet, de la simple rumeur, le chef de l'Etat a dit vouloir élargir le nombre de civils impliqués dans les milices armées créées dans le but d'aider les soldats à défendre la révolution, contre les attaques à la fois extérieures et intérieures rappelle ce matin THE WASHINGTON POST. Et puis, hier toujours, le président a également annoncé le déploiement dans tout le pays de l'armée, acteur incontournable du jeu politique au Venezuela. Pourquoi ? Parce que Chavez avait intégré les militaires dans la gestion du gouvernement et que la tendance s'est encore approfondie avec son successeur. En lui déléguant, notamment, le contrôle de la production mais aussi de la distribution d'aliments de première nécessité, le gouvernement, impopulaire, a réussi à acheter la loyauté des militaires. Et c'est aussi la raison pour laquelle, même si grâce à ce soutien réitéré le gouvernement entend balayer les fissures apparues ces dernières semaines dans le clan présidentiel, l'opposition affirme, de son côté, que le recours à la force est surtout la démonstration patente de ce que l'armée est aujourd'hui l'unique soutien assurant le maintien au pouvoir du chavisme.
Car si la peur étreint aujourd'hui le gouvernement c'est bien que le bras de fer est à présent de plus en plus marqué entre chavistes et anti-chavistes. Le quotidien DIE WELT rappelle que depuis qu'elle a largement remporté les législatives en décembre 2015, l’opposition réclame des élections générales anticipées, en particulier en appelant les Vénézuéliens (étranglés par la crise économique) à protester massivement dans la rue. Cette vague de protestations s'est encore accrue au début du mois, avec la décision du Tribunal suprême (réputé proche de Maduro) de s'arroger les pouvoirs du Parlement, déclenchant ainsi un véritable tollé (y compris diplomatique), au point de pousser le chef de l'Etat à faire machine arrière, 48 heures plus tard. Mais l'opposition n'entend pas en rester là. A l’appel de la Table de l’Unité démocratique (le nom donnée à la coalition des partis d’opposition), majoritaire à l’assemblée, une grande journée de mobilisation est prévue demain, rapporte toujours EL NACIONAL. Ce 19 avril marquera l'anniversaire de la révolution de 1810, qui a mené à l'indépendance du pays. Et c'est aussi la date choisie par l'opposition pour appeler à « la mère de toutes les manifestations », peut-on lire sur le site de RADIO CANADA.
Pour y faire face, le gouvernement a appelé pour le même jour à « la marche des marches », de sorte d'en finir avec « le temps des trahisons et des hésitations », pour que chacun se définisse. C'est ainsi, en particulier, que le président Maduro n'a pas hésité a lancé, hier : « On est avec la patrie ou on est contre elle ». Or, bien entendu, ce bras de fer laisse craindre de nouvelles échauffourées. Déjà, lors des rassemblements de ces derniers jours, cinq manifestants sont décédés et des centaines d'autres ont été blessés ou arrêtés.
Une inquiétude qui gagne, d'ailleurs, l'ensemble de l'Amérique latine. Hier, onze pays latino-américains ont demandé au Venezuela de « garantir » le droit de manifester pacifiquement. Dans leur communiqué commun, ils « réitèrent leur refus de la violence », allusion aux répressions de ces derniers jours. L'occasion pour le gouvernement de Maduro d'affirmer que les dirigeants de l'opposition sont aujourd’hui soutenus par des puissances étrangères, qui encouragent la violence dans le but de l'éliminer du pouvoir. De son côté, l'opposition, nie ces accusations et rétorque que c'est Maduro lui-même qui est responsable des souffrances du Venezuela, qu’il s’agisse de l'inflation à trois chiffres, de la criminalité croissante ou des pénuries alimentaires.
Toujours est-il qu'en dépit de la pression internationale et des manifestations populaires, le régime de Nicolás Maduro n’a nullement l’intention de lâcher un pouce de terrain, analyse à son tour EL TIEMPO. Le pouvoir chaviste semble désormais prêt à tout pour se maintenir, jusqu’à la présidentielle de l’an prochain. Un seul objectif : gagner, seule façon aujourd'hui pour le chavisme de retrouver une légitimité, aussi bien sur la scène intérieure qu’à l’international. Sauf que l'obstination du chef de l'Etat a créé un nouveau front politique, ralliant même à la cause des milieux traditionnellement favorables, pourtant, au chavisme. En particulier, la décision récemment du gouvernement de rendre le principal candidat de l’opposition inéligible aux prochaines élections a mis le feu aux poudres. Cette décision d’inéligibilité est perçue comme le dernier souffle d’un coup d’Etat, peut-on lire encore dans les colonnes d'EL UNIVERSAL. Alors faut-il en déduire que le Venezuela se retrouve désormais aux portes de la dictature, ainsi que le laisse entendre un reportage à lire dans les colonnes du TEMPS. Seule certitude, l'impasse politique combinée à l'effondrement économique du pays, avec la chute des cours du pétrole (sa principale richesse), fait craindre que la situation ne dégénère, demain, dans la rue.
Par Thomas CLUZEL
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