Chaque matin, l’actualité vue au travers de la presse étrangère. Aujourd’hui : La Maison Blanche tente de calmer la tempête née de la démission du chef du Conseil de sécurité nationale Michael Flynn. Mais les interrogations subsistent.
Deux des aspects les plus perturbants de la toute nouvelle présidence Trump sont, sans conteste, sa propension au mensonge d'une part et ses relations apparemment proches avec la Russie, d'autre part. Or Michael Flynn, le conseiller à la Sécurité qui a démissionné dans la nuit de lundi à mardi incarnait, justement, ces deux problèmes à la fois, remarque le journal de San Francisco CHRONICLE.
Petit rappel des faits : Flynn était dans une position délicate depuis la révélation par THE WASHINGTON POST de la teneur de ses conversations avec l’ambassadeur de Russie à Washington. Au cours de cette conversation fin décembre, alors que Barack Obama (en fin de mandat) annonçait des sanctions contre la Russie, Michael Flynn aurait laissé entendre à son interlocuteur russe que Donald Trump, après son entrée en fonction, serait plus clément. Un geste potentiellement illégal, puisqu'il tombe sous le coup du "Logan Act", lequel interdit aux citoyens américains de négocier avec des puissances étrangères, sans autorisation explicite de la part de leur gouvernement.
Réagissant à ces révélations, Flynn, précise toujours THE SAN FRANCISCO CHRONICLE, a d’abord assuré qu’il n’avait jamais évoqué les sanctions imposées par Obama dans sa conversation avec l’ambassadeur russe. Et puis son récit a brutalement changé. En clair, sa version ne tenait plus la route. Comment, en effet, un membre clé de la future équipe présidentielle aurait-il pu oublier si un sujet d’une telle importance avait été évoqué ou pas ? Quoi qu'il en soit, 4 jours à peine après les révélations de la presse, Flynn a donc remis sa démission.
Sauf que cette affaire n'est pas close pour autant car des questions significatives demeurent, insiste encore le journal de Californie : Quelles informations Flynn a-t-il transmises à son interlocuteur russe ? Et surtout a-t-il agi de sa propre initiative ou était-il le relais de Donald Trump lui-même ? THE NEW YORK TIMES affirme ce matin que l'équipe de campagne de Trump a eu des contacts répétés avec de hauts responsables des services de renseignement russes avant son élection. Et que le tout serait prouvé par des conversations téléphoniques enregistrées.
Par ailleurs, cette affaire met en lumière de premières tensions au sein du cabinet présidentiel et révèle des failles dans l’apparente unité de l'entourage de Donald Trump. Avec une question, essentielle, note LE TEMPS : A qui profite le départ de Michael Flynn ? Déjà, écrit la correspondante du journal, les regards se tournent vers l’omniprésent et non moins intriguant Stephen Bannon, l'ex directeur de Breitbart News (ce média qui divulgue des thèses extrémistes, complotistes et suprémacistes). Bannon a réussi à devenir membre du Conseil national de sécurité de Donald Trump, alors qu’il n’est que son conseiller stratégique. Or il y régnerait, dit-on, en maître. Selon un agent des renseignements, cité par le magazine SLATE, Stephen Bannon dirige presque un Conseil national de sécurité fantôme, dit-il. Des décrets y seraient préparés et signés par le président sans que les personnes responsables soient consultées. A ce titre, THE NEW YORK TIMES rapporte, par exemple, que le ministre de l’intérieur n’aurait été informé du contenu exact du fameux décret anti-immigration (actuellement gelé) qu’au moment où Trump était en train de le signer. Enfin last but not least, c’est Stephen Bannon, décrit comme un proche de Michael Flynn, qui l’aurait conseillé de donner sa démission.
Et puis, surtout, cette affaire est un symbole de plus de l'amateurisme qui règne au sein de l'équipe Trump. Que l'on soit d’accord ou non avec ce que ce gouvernement tente d’entreprendre, difficile de nier, en revanche, qu’il s’y attaque en faisant la démonstration d’une incompétence à couper le souffle, s'étrangle THE WASHINGTON POST cité par le Courrier International. En particulier, le plus frappant c’est de voir à quel point tout ce qui touche à la sécurité nationale (c'est-à-dire tout ce que Flynn était censé gérer) est un véritable capharnaüm. Deux personnes ayant des contacts directs avec l’entourage présidentiel affirment au journal que Flynn a été surpris, par exemple, d’apprendre que le département d’État et le Congrès jouaient un rôle crucial dans les ventes de technologie à l’étranger. En clair, que le président ne pouvait pas simplement ordonner au Pentagone de livrer plus d’armes à l’Arabie Saoudite. Toujours selon plusieurs conseillers, Flynn, pourtant militaire de carrière, ne savait même pas comment mobiliser la garde nationale en cas d’urgence, lors d’une catastrophe naturelle ou d’un attentat bactériologique.
La vérité, écrit le journal, c'est que l'inculture de Donald Trump et son mépris des subtilités à la fois politiques et bureaucratiques font qu’il est incapable d’offrir à son équipe des directives claires. Et le résultat, c’est une administration qui avait annoncé un changement radical mais qui, en pratique, va surtout nous conduire à la catastrophe, redoute l'éditorialiste. Plusieurs collaborateurs de la Maison Blanche rapportent, notamment, que Trump appelait Flynn au milieu de la nuit pour savoir s’il valait mieux avoir un dollar fort ou un dollar faible, ou bien comment, un jour, il a interrompu un appel téléphonique avec le président russe Vladimir Poutine pour se faire expliquer le nouveau traité START (sur la réduction des armes stratégiques entre Moscou et Washington). Les mêmes scènes stupéfiantes sont à lire dans les colonnes du NEW YORK TIMES. La plupart des collaborateurs de Trump ignorent totalement ce qu'il déclare aux dirigeants étrangers, lors de ses conversations téléphoniques. Généralement, le personnel du conseil à la sécurité nationale se lève le matin, commence par lire les tweets du président, puis se démène ensuite pour que les décisions politiques aillent dans le même sens.
Evidemment, pour une large part, ces informations ont quelque chose de comique. En réalité, elles sont surtout effrayantes. En revanche, et c'est là tout le paradoxe de cette histoire, le plus étonnant dans cette saga Flynn, écrit toujours THE WASHINGTON POST, c'est son incroyable banalité. Un scandale éclate, la Maison-Blanche nie en bloc, des contradictions émergent. Et puis, boum : démission. Ou dit autrement, le départ de Flynn correspond, point par point, au scénario du scandale classique. Sauf qu'au vu des débuts rocambolesques de la présidence Trump, la banalité de cette histoire suffit, en somme, à la rendre unique. Mais plus encore, ce qui est in fine rassurant, conclue le quotidien, c’est que cette démission prouve que, même pour le moins orthodoxe des présidents, certaines vieilles règles de la politique américaine continuent de s’appliquer.
Par Thomas CLUZEL
L'équipe
- Production