

Chaque matin, l’actualité vue au travers de la presse étrangère. Aujourd’hui : le Parlement vénézuélien, où l'opposition est majoritaire, a voté jeudi une motion de défiance contre le ministre de l'Alimentation, l'accusant d'être responsable des graves pénuries que connaît le pays.
L'opposition a accentué un peu plus encore la pression, hier, sur le président Maduro en votant, au Parlement, une motion de défiance contre son ministre de l'Alimentation. En cause, les très fortes pénuries qui, depuis des mois, nourrissent un très fort mécontentement populaire. Chaque jour, des milliers des Vénézuéliens sont contraints de faire la queue, pendant des heures, devant les supermarchés pour acheter de la farine, du riz ou du café. « Nous faisons face à la pire urgence alimentaire qu'ait connue le Venezuela », a notamment déclaré le député à l'origine de cette motion.
Désormais et conformément à la Constitution, ce texte adopté doit entraîner la destitution du Ministre. Sauf que le camp gouvernemental a, bien entendu, immédiatement contesté la légalité de cette mesure, arguant notamment du fait qu’elle violerait une récente décision du Tribunal suprême de justice qui limite, à présent, les pouvoirs du Parlement. Hier, précise le quotidien EL NACIONAL, le chef de l’État a lui-même exposé la lettre qu’il a reçue du président de l’Assemblée, lui demandant de démettre son ministre, en précisant qu’il ne suivrait pas la recommandation des députés. Et joignant, d’ailleurs, le geste à la parole, il a aussitôt fait montre de ses qualités dans l’art de l’origami, en repliant soigneusement la dite lettre avant d’ajouter : je vous la renvoie intacte et suis curieux, messieurs, de voir quel usage vous pourrez bien en faire.
Quoi qu’il en soit, voilà le dernier acte en date du choc de pouvoirs qui paralyse aujourd’hui le Venezuela depuis la victoire de l'opposition, aux élections législatives de décembre dernier. Mardi, déjà, l'opposition avait affirmé avoir collecté 600.000 signatures en une seule journée pour enclencher, cette fois-ci, la première étape du processus de référendum révocatoire contre le président.
Une crise politique qui se double d'un marasme économique et de sévères restrictions en matière énergétique, rendant le quotidien difficile et la situation sociale explosive
La pression de la rue sur le président, au pouvoir depuis 2013, est aujourd'hui maximale. Des émeutes ont, d'ailleurs, déjà éclaté ces derniers jours dans la deuxième ville du pays Maracaïbo. Une situation explosive et qui a poussé l'exécutif à annoncer, en effet, des mesures spectaculaires. Dernière en date, mardi, le chef d’État a annoncé que l’emploi du temps des fonctionnaires serait allégé. Jusqu’à nouvel ordre, ils ne travailleront plus que deux jours par semaine, le lundi et le mardi. Quant aux classes, elles seront suspendues le vendredi, de la maternelle au lycée. Objectif de la manœuvre, écrit EL NACIONAL : endiguer la crise énergétique qui frappe de plein fouet le pays.
Seulement voilà, c’est peu de dire que la nouvelle ne soulève pas beaucoup d’enthousiasme. Le journal relaye un certain nombre de voix qui s’élèvent contre cette mesure et, en particulier, celle du directeur de la Fédération nationale des travailleurs du secteur public. Pour lui, cette mesure porte préjudice aux usagers des services. En réalité, cette décision vient s’ajouter à d'autres mesures, comme celle du changement de fuseau horaire (qui s’inscrit, là encore, dans une logique d’économie d’énergie drastique) mais aussi celle des coupures de courant instaurées dans huit provinces du pays (entre 13 et 15 heures, puis de 19 à 21 heures), rappelle son confrère ULTIMAS NOTICIAS. Or là encore, l’organisation professionnelle qui fédère les centres commerciaux du pays critique cette mesure, arguant que les centres commerciaux ne représentent qu’à peine 3 % de la consommation électrique du pays et que seulement 50 % d’entre eux disposent de groupes électrogènes, rapporte EL UNIVERSAL. D’où des problèmes, en particulier, pour les établissements qui stockent des produits frais, mais aussi les pharmacies ou les centres de santé intégrés aux centres commerciaux et obligés de fermer.
Enfin tandis que les gens manquent de tout, d'électricité, de médicaments, de papier toilette et de nourriture, on en est même arrivé au point où le gouvernement, qui importe la plupart de ses billets de banque, a du mal à payer les entreprises étrangères qui créent la monnaie du pays, explique le magazine BLOOMBERG. Le Venezuela est maintenant tellement fauché, dit-il, qu’il est possible que le pays n’ait pas assez d’argent pour acheter son argent. En 2015, la Banque centrale a, en effet, passé une commande pour plus de 10 milliards de billets de banque, soit plus que ce qu’a demandé la Réserve fédérale des États-Unis dans le même temps, alors que l’économie américaine est évidemment beaucoup plus grande que celle du Venezuela. A présent, selon une lettre qui a fuité dans la presse locale, la banque centrale du Venezuela doit 71 millions de dollars à l’entreprise anglaise qui émet ces billets. Or elle n'en a pas les moyens. Et pourtant, comme l’explique toujours l’article de BLOOMBERG repéré par le magazine Slate, la Banque centrale avait commencé en 2013 à réfléchir à la création de nouveaux billets aux montants plus élevés, ce qui aurait évité la nécessité d'imprimer autant de papier. Sauf que ces projets n’ont pas abouti. Et d'ailleurs, la mauvaise gestion du gouvernement, s'est également le reproche que font aujourd'hui nombre de commentateurs s'agissant de la crise énergétique. Des voix s’élèvent pour contester l’origine supposée des problèmes d’approvisionnement électrique du pays. Selon le quotidien d'opposition EL NACIONAL, ils ne sont pas dus, comme l'affirme l’État, au phénomène climatique El Niño (qui provoque une baisse du niveau des pluies et donc des réserves dans les bassins des centrales hydroélectriques), mais bien à un manque de planification de la part de l’État.
Les Vénézuéliens, aujourd'hui, sont inquiets
Beaucoup craignent que la crise actuelle ne finisse par déraper méchamment pour déboucher sur une dictature ou sur le chaos, commente LE TEMPS. Et comment ne pas les comprendre ?, renchérit le journal helvétique, avant de rappeler que l’histoire de leur pays déborde de régimes militaires et d’explosions de violences. Avertissement tout aussi alarmiste, ce matin, dans les colonnes du quotidien de Caracas TAL CUAL. Selon lui, les Vénézuéliens sont aujourd'hui pressurés par les choix d’un gouvernement qui, non seulement, ne révolutionne plus rien mais pis encore, porte atteinte aux droits les plus fondamentaux de la société, tels que la nourriture, la santé et la liberté. Et le journal d'opposition d'en conclure que le supposé Socialisme s’est mué, pour l’essentiel, en une espèce d’autocratie dictatoriale.
Par Thomas CLUZEL
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