La rue libanaise s'embrase, comme un retour de flamme des Printemps arabes

Manifestants sur des barricades en feu à Beyrouth
Manifestants sur des barricades en feu à Beyrouth ©AFP - ANWAR AMRO
Manifestants sur des barricades en feu à Beyrouth ©AFP - ANWAR AMRO
Manifestants sur des barricades en feu à Beyrouth ©AFP - ANWAR AMRO
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Un mouvement de contestation sociale inattendu s'est emparé jeudi du Liban après l'annonce de nouvelles taxes. "Le peuple réclame la chute du régime", chantent les manifestants, comme un écho aux Révolutions de 2011. New York vote la fermeture de sa tristement célèbre prison de Rikers Island.

Alors que la Syrie est à nouveau au coeur des préoccupations internationales depuis 10 jours, il ne faudrait pas oublier le Liban voisin, en proie aux flammes. 

Images d'incendies dans toute la presse et sur les réseaux sociaux libanais, et on ne parle plus là des terribles feux de forêt qui ont défiguré une partie des montagnes au sud de Beyrouth ces derniers jours : non, cette fois c'est dans les rues-mêmes de la capitale que s'est embrasé, hier, d'un coup, un feu social, politique. 

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Des manifestations massives, à Beyrouth mais aussi d'ailleurs dans d'autres villes libanaises. On trouve les causes de cette soudaine flambée de violence sociale dans L'Orient-Le Jour, le grand quotidien francophone... surpris, comme nous, de voir cette vague de protestation sortie de nulle part.

L'étincelle, ça aura été l'annonce par le ministre des Télécoms de la création de nouvelles taxes, notamment une "sur l'utilisation des applications de messagerie instantanées". C'est très précis : ce sont les services qui permettent d'envoyer des messages vocaux, comme Whatsapp pour la plus populaire de ces applications, qui devaient être surtaxées par l'Etat libanais en quête de nouvelles recettes. 

En quelques heures, nous dit l'Orient-Le Jour, "le centre de Beyrouth hier a pris des allures de ligne de front, toutes les routes au coeur de la capitale étaient coupées par des bennes incendiées"avec, autour, des milliers de manifestants, et une colère qui va bien au-delà de la nouvelle taxe sur les messageries instantanées. D'ailleurs le slogan le plus entendu hier soir c'était celui-ci :  

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"Le peuple réclame la chute du régime" : on reconnait là le chant emblématique du printemps arabe de 2011. Et l'on comprend bien que cette contestation libanaise va beaucoup plus loin que la simple utilisation de Whatsapp ou autres. Comme le résume l'Orient-Le Jour, "ce qui se dégage des propos des manifestants, c'est un ras-le-bol et un désespoir profond, l'absence de toute perspective d'avenir" sur fond d'une "aggravation de la situation économique du Liban et de craintes d'une dévaluation de sa monnaie". Ajoutez à celà, lus sur le site d' Al Jazeera, des mots comme" affairisme, corruption de la classe politique, cherté de la vie, déliquescence des infrastructures publiques" :  vous avez là toutes les composantes de la contestation globale qui s'empare des jeunes (mais pas seulement) depuis 2011, du Maghreb à l'Egypte en passant par la Syrie, le Liban à présent, et bien au-delà, en ce moment en Equateur... sans oublier la France. 

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Au Liban hier soir le ministre des Télécoms est revenu sur sa décision, il a retiré sa nouvelle taxe... mais les manifestants ne sont pas rentrés chez eux pour autant. La colère est trop profonde pour s'éteindre aussi vite. Elle n'est sans doute pas sans lien avec l'émoi, créé ces derniers jours par ces feux de forêts qui ont frappé l'opinion libanaise, sur les conséquences très concrêtes des changements climatiques et de l'incapacité des pouvoirs publics à y faire face. 

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Emoi aussi, pour le moins, comme l'analysait il y a quelques jours David Ignatius dans The Washington Post, de voir les Etats-Unis abandonner la Syrie et ses Kurdes quand le Liban voisin doit son fragile équilibre pour une très grande part au maintien de l'aide américaine. Ce sont toutes ces peurs mêlées qui ont débordé hier du vase libanais.  Alors David Ignatius prévient, pour les Etats-Unis, "laisser le Liban sombrer dans la banqueroute comme un moyen de faire pression sur l'Iran, voilà une tragique erreur à ne pas ajouter à la déjà trop longue liste des fautes commises par la Maison blanche au Moyen-Orient".

Restons justement aux Etats-Unis, plus précisément à New York qui s'apprête à dire "bye bye" à une institution avec laquelle elle entretient une relation pour le moins ambigüe.  

"Goodbye, Rikers" comme...  Rikers Island, la plus célèbre et la plus crainte des prisons new-yorkaises, celle que l'on connait, nous en France, parce que c'est là qu'a été détenu préventivement Dominique Strauss-Kahn. 

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C'est la journaliste du New York Times Mara Gray qui prend donc la plume ce matin pour ce "goodbye" clairement en forme de "bon débarras" : le conseil municipal l'a voté hier soir, l'île-prison au nord du Queens va être fermée et démantelée ; 4 plus petites maisons d'arrêt vont être construites pour la remplacer dans les différents quartiers de New-York. Le tout, à l'horizon... fin 2026, ça laisse un peu de temps pour se dire adieu. Mais le coeur y était déjà ce jeudi soir au moment du vote, dans la salle du conseil municipal d'ordinaire très policée : 

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C'est dire si elle était attendue, cette décision de fermer Rikers Island, d'abord parce que la prison fait figure de symbole, dans tous les esprits new-yorkais, d'une époque, les années 80, où l'on a pensé pouvoir répondre à l'explosion du crime et de la toxicomanie à New-York en menant une politique d'incarcération proprement industrielle : l'île de Rikers pouvait contenir jusqu'à 11 000 détenus, on y jettait par centaines aussi bien des junkies, des dealers, des petits braqueurs, des prostituées, des malades mentaux ou, plus rarement, des gros bonnets de la pègre. Il suffit de consulter ses registres, nous dit Mara Gray, pour constater le caractère profondément discminatoire, raciste de cette politique carcérale qui a broyé des générations de jeunes noirs et hispanos des quartiers défavorisés de la Grosse pomme.

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Il aura aussi fallu près de 30 ans pour qu'on se rende compte que cette politique-là ne fonctionnait pas pour réduire le crime, voire l'inverse.. Aujourd'hui aujourd'hui la doctrine a changé, Rikers renferme toujours 7000 âmes mais à l'allure où vont les choses on estime qu'il n'y aura plus besoin que de 3800 places en cellules pour toute la ville en 2026. 

Il est donc temps de repenser toute l'infrastructure carcérale... et c'est là que le plus dur commence, finalement, analyse encore le New York Times. Le conseil municipal, jeudi, a voté un budget de 8 milliards de dollars pour l'après-Rikers ; il reste à inventer les maisons d'arrêt urbaines du futur, des prisons verticales, et la tâche s'annonce d'autant plus ardue que les oppositions ne manquent pas. 

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Dans le camp conservateur, The New York Post faisait campagne hier encore contre le projet, jugé mal conçu, trop couteux, trop idéaliste aussi... "Si vous fermez Rikers Island, alors des milliers de criminels seront à nouveau libres d'écumer nos rues"  écrivait par exemple mercredi Rafael Magual, dans ce même New York Post

Mais au-delà de ces oppositions, il y a tout de même cette idée que fermer Rikers, c'était "la bonne chose à faire" pour tourner la page de décennies de brutalités, de corruption, de violences sexuelles et de racisme institutionnalisés. Tout ce qui colle à la peau du New York de la fin du 20e siècle, et dont la ville cherche à se débarrasser progressivement.  

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Rikers Island, c'est l'une des faces sombres de New York, de la société américaine et de son système judiciaire. A défaut d'y aller, ce que je ne vous souhaite  pas, je vous recommande tous les travaux menés sur le sujet depuis des années par la fondation de journalisme indépendant The Marshall Project.

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