La voix de la haine

Le président américain, Donald Trump
Le président américain, Donald Trump ©AFP - NICHOLAS KAMM
Le président américain, Donald Trump ©AFP - NICHOLAS KAMM
Le président américain, Donald Trump ©AFP - NICHOLAS KAMM
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Donald Trump s'est attiré des critiques en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis pour avoir relayé sur Twitter, mercredi, trois vidéos anti-musulmanes, initialement mises en ligne par un parti d'extrême droite britannique.

«La voix de la haine au cœur de l'Amérique». C'est sous ce titre que THE NEW YORK TIMES a publié, il y a quelques jours, un portrait controversé : celui de Tony Hovater, 29 ans, profil typique de la classe moyenne, un de ces électeurs «invisibles» de Trump et que la presse a si longuement décrite après l’élection. L'article nous raconte son quotidien familial dans l’Ohio. Il y est question de sa liste de mariage, de son chat, mais aussi de sa bibliothèque, dans laquelle on trouve, notamment, «des livres d’histoire sur Hitler et Mussolini». Car cet homme si «normal», comme l'écrit le quotidien américain, est aussi l’un des fondateurs d'un groupuscule d’extrême droite. Tony pense, en effet, que les races devraient vivre séparées, que le nombre de victimes de l’Holocauste a été «gonflé», et qu’Hitler était «plus détendu» qu’Himmler sur le projet d’extermination des Juifs d’Europe. Et c'est ainsi, raconte le site BIG BROWSER, que le quotidien américain, par le ton utilisé (ce parti pris d’une extrême neutralité), s'est vu aussitôt accusé d’avoir «normalisé» à travers ce portrait un sujet qui ne le méritait pas. Au point, fait assez rare, que l'auteur de l'article a été contraint de s'expliquer. «L’objectif n’était pas de normaliser qui que ce soit, mais de montrer à quel point la haine et l’extrémisme sont devenus bien plus banals dans la vie quotidienne des Américains que nous ne voulons bien le penser». Et de préciser encore : «les gens peuvent être en désaccord sur la meilleure manière de raconter une histoire désagréable. Mais ce que nous croyons indiscutable, c’est le besoin d’éclairer les zones d’ombre de l’extrémisme en Amérique». Quoi qu'il en soit, toute cette histoire est symptomatique du débat médiatique qui a lieu depuis plus d’un an : comment couvrir l’extrême droite ? Dans THE WASHINGTON POST, un politologue y voit surtout l’exemple typique d’un journalisme élitiste présentant la violence d’extrême droite comme une voix comme une autre dans le débat public. Au fond, il n’y a décidément rien de nouveau ou d’unique dans la vie banlieusarde de Tony Hovater, dit-il. C’est un monstre ordinaire, mais les monstres de ce genre ont toujours été ordinaires.

Lui, en revanche, n'a rien d'ordinaire mais ces propos haineux ont une fois de plus enflammé les réseaux sociaux. Hier, en dépit du message d’alerte émis par Twitter (« le contenu de ce média est susceptible d’être sensible»), Donald Trump n'a pas hésité à relayer une série de messages postés, la veille, par une activiste d'extrême droite britannique. Trois vidéos, au total, partagées à dessein sans aucun élément de contextualisation. La première de ces vidéos est  intitulée : «un musulman détruisant une statue de la Vierge Marie». Il s'agit, en réalité, d'une vidéo de propagande de Daech en Syrie. La deuxième présente «une foule islamiste poussant un adolescent d’un toit». Après vérification, THE DAILY NEWS précise qu'il s'agit d'une bagarre qui a dégénéré entre opposants politiques en Egypte en 2013, mais que la religion n'est pas en cause dans ce meurtre. Enfin, la troisième vidéo décrit l’agression d’un jeune homme en béquilles par un «migrant musulman». En réalité, selon le site GEENSTIJL, il n’a jamais été question de migrant, mais d’un jeune homme de nationalité néerlandaise en attaquant un autre aux Pays-Bas. Malheureusement, même si les bêtises de notre commandant en chef ne nous surprennent plus, elles n'en demeurent pas moins terrifiantes, commente ce matin THE BOSTON GLOBE. Dans un climat où les musulmans sont chaque jour vilipendés, les tweets du président sont, dit-il, des allumettes jetées dans une poudrière. Au Royaume-Uni, aussi, les réactions n'ont pas tardé. Le chef de file de l'opposition travailliste, Jeremy Corbyn, a condamné des tweets «immondes». Le veuf de la députée travailliste Jo Cox, assassinée par un militant d’extrême droite, juge que «le président américain devrait avoir honte de lui». Même le journaliste britannique du MAIL, Piers Morgan, pourtant fervent supporteur de Donald Trump, s'est fendu d'une chronique où il écrit : «M. le président, ne sous-estimez pas l’énormité de ce que vous avez fait. Vous avez de facto dit à tous les racistes, les islamophobes et les suprémacistes blancs que vous êtes de leur côté». Enfin, le porte-parole de la Première ministre Theresa May a estimé, lui, que Donald Trump avait commis une «erreur» et déploré que le président américain ait ainsi offert une tribune au parti britannique d'extrême droite Britain First (lequel avait le premier publié ces vidéos). Cette dernière critique a, d'ailleurs, poussé Donald Trump a usé encore cette nuit de son réseau social favori. Sur Twitter, il a écrit : «Theresa, ne te focalise pas sur moi, focalise toi plutôt sur le terrorisme islamique radical destructeur à l'intérieur du Royaume-Uni. Avant d'ajouter : Tout va bien pour nous!»

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Direction à présent La Haye, où la consternation a saisi, hier, le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie.Il était un peu plus de 11h30, hier matin, quand le site du TPIY a brusquement interrompu la retransmission en direct du procès en appel d'un ex chef des milices croates de Bosnie-Herzégovine. Alors que le juge venait de confirmer son emprisonnement pour 20 ans, Slobodan Praljak, a refusé de se rasseoir. «Je rejette votre verdict», a-t-il déclaré, avant de sortir une fiole de poison et d’en avaler le contenu. Il est décédé quelques heures plus tard. Inouï! Evidemment, le TPIY se serait bien passé de cet ultime coup de théâtre, qui pose de sérieuses questions sur la sécurité des audiences, voire sur d’éventuelles complicités. «Comment est-il possible que l’on ait pu introduire du poison dans l’enceinte du Tribunal ?», s’interroge notamment l’ancienne porte-parole du TPIY, Florence Hartmann, sur le site de l’hebdomadaire de Sarajevo START. Une enquête a été ouverte. Toujours est-il que ce geste risque de faire passer au second plan les lourdes accusations dont l'homme a été reconnu coupable, note pour sa part le correspondant du TEMPS, avant de rappeler que Slobodan Praljak était directement chargé de la gestion d'un sinistre réseau de camps de concentration, destiné à éliminer les Bosniaques musulmans. Réunis à Mostar, pour suivre le procès en appel, d'anciens détenus cités par la radio SLOBODNA EVROPA se sont dits satisfaits de cette condamnation, tout en qualifiant le suicide du chef milicien de «geste de lâche». 

Par Thomas CLUZEL

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