Le cerveau a-t-il un sexe ?

Valérie Plante, élue à la mairie de Montréal
Valérie Plante, élue à la mairie de Montréal - CITIZENSIDE / JOSIE DESMARAIS / CITIZENSIDE
Valérie Plante, élue à la mairie de Montréal - CITIZENSIDE / JOSIE DESMARAIS / CITIZENSIDE
Valérie Plante, élue à la mairie de Montréal - CITIZENSIDE / JOSIE DESMARAIS / CITIZENSIDE
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Pour la première fois, Montréal a porté dimanche à la mairie une femme, Valérie Plante, qui sera aussi la seule femme à diriger une grande métropole en Amérique du nord.

Son nom ne vous dit probablement rien. Et pourtant. Dimanche dernier, contre toute attente, les électeurs de Montréal ont choisi Valérie Plante pour diriger la municipalité durant les quatre années à venir. Ou dit autrement, pour la première fois depuis la fondation de la ville, il y a 375 ans, la métropole sera dirigée par une femme. Comme son slogan l’annonçait avec une pointe d’ironie, cette féministe engagée n'avait pas hésité à se présenter «en homme de la situation». Et les résultats du scrutin lui ont donné raison. Même s'ils étaient peu nombreux à miser sur la victoire de cette femme, Valérie Plante a récolté 51 % des voix contre seulement 45 % pour le maire sortant. Et à présent, ainsi que le relève le Courrier International, tous les grands médias de la ville qui avaient décidé de soutenir son adversaire se demandent : comment cette anthropologue de formation a-t-elle bien pu réussir à décrocher le poste de premier édile ? Quand LE DEVOIR estime que le ras-le-bol des électeurs à l’égard du style de son prédécesseur a joué pour beaucoup, la GAZETTE de Montréal avance pour sa part que cette femme compense son manque d’expérience politique par son énergie positive. Autant de remarques, un brin machistes, qui prouvent que le réel rapport de force entre les hommes et les femmes, écrit THE GUARDIAN, ne relève pas tant d’une question de puissance physique ni même de domination mais davantage de la crédibilité que l’on accorde aux femmes. Quoi qu'il en soit, Valérie Plante incarne bel et bien aujourd'hui la féminisation du personnel politique, enfin à l’œuvre au sein de la Belle Province. Près du tiers des candidats de ces élections municipales au Québec étaient des femmes. Et dimanche dernier, 210 d'entre elles ont été élues à la tête de municipalités.

Elle, en revanche, est une militante antiféministe. Son nom : Penny Nance. En 2015, cette américaine était notamment devenue célèbre après avoir accusé le dessin animé «La Reine des neiges» de ne pas donner une image assez héroïque des hommes. «Nous voulons encourager la masculinité, pas la diaboliser», avait-elle conclu à l'époque, en accusant Hollywood de ne pas montrer assez d'hommes dans des rôles positifs. Or selon le site POLITICO, c'est cette femme au conservatisme rétrograde (qui confine parfois à la parodie) que Donald Trump s'apprêterait à nommer au poste d'ambassadrice pour les droits des femmes au département d'Etat américain. Ce qui signifie que c'est elle qui sera chargée, par exemple, de superviser les programmes visant à défendre leurs droits à travers le monde. Or l'une des obsessions de Penny Nance, c'est la lutte contre l'avortement. En 2013, elle avait même écrit un éditorial faisant un parallèle entre les victimes de la Shoah et les fœtus avortés. Pour elle, la légalisation de l'avortement a mené à un «génocide». Et puis l'autre grande cause de Penny Nance est de limiter les droits des personnes LGBT. Sur son site, elle explique ainsi très clairement que «Dieu a créé le mariage entre un homme et une femme». 

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Autant dire qu'on est ici très loin de l’Allemagne qui, depuis hier, est sur le point de devenir le premier pays d’Europe à reconnaître l’existence d’un«troisième sexe». Hier, la Cour constitutionnelle (la plus haute juridiction allemande) a donné jusqu’au 31 décembre 2018 aux députés pour adopter une loi reconnaissant l’existence d’un troisième genre, qui ne serait ni masculin ni féminin. En clair, la légalisation d’un «troisième sexe» sur les registres de naissance. Depuis 2014, les personnes dites intersexuées, c'est-à-dire naissant avec une ambiguïté sexuelle visible (des organes génitaux difficiles ou impossibles à définir comme mâles ou femelles) étaient autorisées à laisser vierge la case «homme» ou «femme» sur les registres de l’état civil. Seulement voilà, ceux qui ne se sentent appartenir à aucun genre, voudraient davantage, comprenez une mention positive plutôt qu'une mention vide sur leurs documents d'identité. En l'occurrence, cette initiative visant à reconnaître un «troisième sexe» est à mettre au crédit de Vanja, raconte DIE WELT. Lors de son enregistrement en 1989, l’état civil avait coché sur son acte de naissance la mention «sexe féminin», à côté de son nom. Sauf que selon une analyse chromosomique, cette jeune personne n’est ni homme ni femme. Et Vanja s'est souvent agacé(e) de ne pas pouvoir cocher une case «inter» ou «divers» sur les formulaires administratifs, à la mention de son sexe. Son combat est désormais sur le point de porter ses fruits. Et si les députés votent la loi, précise DIE TAGESZEITUNG, celle-ci viendra combler un vide juridique qui concernerait environ 80.000 personnes en Allemagne. Le cas échéant, l’Allemagne deviendrait dans le même temps le premier pays européen à reconnaître l’existence d’un troisième genre. 

D'où, à présent, cette question : le corps a-t-il un sexe ? Ou plus exactement, le fait d’être biologiquement mâle ou femelle détermine-t-il des différences, en dehors de la reproduction ? Réponse du journal LE TEMPS : Oui et non. Oui, tout d'abord, car nous avons un jeu de chromosomes et d’organes qui nous rend sexués (encore que rien n’est simple, comme on vient de le voir, puisqu'en Suisse aussi on estime autour de 80 000 le nombre de personnes intersexuées). Et puis non, car sur le plan biologique, cet état de fait ne détermine presque aucune différence par ailleurs. Finie, donc, l’époque où même la science pouvait croire que femmes et hommes étaient profondément différents par nature. L’ordre du jour est désormais celui d’une nouvelle alliance entre la biologie et les sciences sociales. A chaque fois que des études cherchent à mesurer des différences entre les hommes et les femmes, on constate que le comportement des individus répond aux attentes davantage qu’à un effet sexe inné dans le cerveau.

Pour autant, avec les récents événements aux Etats-Unis (en particulier la tuerie du Texas), le magazine SLATE a choisi de republier un article dans lequel une journaliste américaine soutenait que les hommes étaient plus enclins que les femmes à commettre des tueries de masses. Ces dernières trois décennies, 61 des 62 tueurs de masse aux Etats-Unis recensés par le site MOTHER JONES étaient de sexe masculin. Et de fait, si aux États-Unis, les tueries de masse se suivent mais ne se ressemblent pas, certains points communs émergent, toutefois, de ce vaste champ d'incertitudes. Comme le souligne, à son tour, THE TIME, le tireur est, la plupart du temps, un homme blanc qui, par ailleurs, a bien souvent des antécédents de violences domestiques ou de violences envers les femmes. Dès-lors, quel lien peut-on réellement établir entre ces deux éléments ? Ce qu'ont en commun les violences domestiques et les tueries de masse, d'après de nombreux experts cités par le magazine américain, seraient des sentiments de masculinité contrariée, un désir d'être craint. Or comme l'explique un sociologue spécialiste des questions de masculinité : «La terreur d’émasculation ressentie par les hommes va sans doute continuer. Ils pourraient continuer de nourrir un ressentiment bouillonnant à l’égard des femmes, dont ils estiment qu’elles sont entrain de leur voler leur place en tête de table».

Par thomas CLUZEL

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