Le doux bruit du scandale

Le président américain Donald Trump
Le président américain Donald Trump ©AFP - NICHOLAS KAMM / AFP
Le président américain Donald Trump ©AFP - NICHOLAS KAMM / AFP
Le président américain Donald Trump ©AFP - NICHOLAS KAMM / AFP
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La procureur général de l'Etat de New York attaque en justice Donald Trump, trois de ses enfants et la fondation qui porte son nom. Elle réclame 2,8 millions de dollars de profits indus et de pénalités.

Aux Etats-Unis, la procureure générale de l’État de New York a engagé, hier, une procédure visant à dissoudre la fondation Trump. Une attaque extraordinaire, écrit THE NEW YORK TIMES, non seulement parce qu'elle touche directement au cœur des affaires du magnat de l'immobilier, mais plus encore, sans doute, parce qu'elle vise le président en exercice. L'enquête de près de deux ans a permis de mettre au jour plusieurs litiges, impliquant diverses entreprises de l’empire de Donald Trump, ainsi qu'une vaste coordination politique illégale. En clair, Trump se serait servi de sa fondation à but non lucratif «comme d'un chéquier», notamment, pour sa campagne présidentielle de 2016. Toujours dans la plainte, il est écrit que la fondation n'emploie aucun salarié et que son conseil d'administration, qui n' «existait que sur le papier», ne s'est pas réuni depuis 1999. 

Quel choc!, ironise pour sa part un chroniqueur du WASHINGTON POST ce matin. Qu'une organisation qui porte le nom de Trump puisse avoir des ennuis avec la justice, qui aurait pu imaginer cela ? Et de préciser : tout ce que nous avons pu apprendre, jusqu'à présent, sur cette fondation suggère que c'était pour l'essentiel une énorme arnaque. Et le problème, dit-il, c'est qu'il en va de même, en réalité, pour toute la carrière professionnelle de cet homme. Si l'on additionne les faillites douteuses, les contacts avec les mafieux et tant d'autres choses encore, il ressort que Donald Trump est probablement aujourd'hui l'homme d'affaires le plus corrompu aux Etats-Unis. Pour autant, ce nouveau scandale ne devrait pas apporter un élément décisif à ceux qui plaident pour une procédure de destitution. De même, il est probable que cette enquête n'enverra pas notre président derrière les barreaux. En revanche, conclue le journal de la capitale, elle en dit long sur qui est cet homme et comment il fonctionne. 

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De son côté, Donald Trump, justement, s'est aussitôt indigné de cette initiative, venant selon lui de «sordides démocrates new-yorkais». Reste que cette plainte au civil déposée hier vient donc ajouter aux nombreux ennuis juridiques du président, déjà assigné par deux femmes avec lesquelles il aurait eu des liaisons, et confronté à une vaste enquête sur d'éventuels liens entre son équipe de campagne et la Russie.     

Lui, en revanche, a bel et bien été éjecté du pouvoir. Lui, c'est (ou plutôt c'était) le tout nouveau ministre espagnol de la Culture et des Sports. Aussitôt après sa nomination, Màxim Huerta (ancien journaliste et écrivain) avait déjà fait les choux gras de toute la presse, après que plusieurs médias avaient exhumé un tweet dans lequel il affirmait «détester le sport». Mardi dernier, c'était au tour du site EL CONFIDENCIAL de révéler que le ministre avait été condamné l’an dernier pour avoir fraudé le fisc. La réponse du Premier Ministre ne s'est pas fait attendre. L'homme a été contraint de prendre la porte. Pour autant, la rapidité de cette expulsion transformera-t-elle la faiblesse du ministre en force pour le chef du gouvernement ?, interroge perplexe EL PERIODICO DE CATALUNYA. Cette affaire constitue, en effet, un premier coup dur pour le tout nouveau gouvernement du socialiste Pedro Sanchez. Seule certitude, Màxim Huerta restera, lui, dans l'Histoire de la démocratie espagnole comme le ministre ayant exercé le moins longtemps sa charge : sept jours seulement.

Direction l'Allemagne, à présent, où l'industrie automobile n'en a pas encore fini avec le Dieselgate. Dans le dossier du scandale des émissions polluantes de ses moteurs diesel, la marque Volkswagen pourrait écoper d'amendes supplémentaires, après la pénalité d'un milliard d'euros qui lui a déjà été infligée mercredi, la plus forte amende jamais infligée en Allemagne pour cause de délit économique à une entreprise, précise la SÜDDEUTSCHE ZEITUNG. Et puis surtout le scandale des moteurs diesel truqués n’en finit pas de s’étendre. Cette semaine, le PDG d'Audi s'est, lui aussi, retrouvé sous le coup d’une enquête. Enfin, le ministère des Transports vient, par ailleurs, d’imposer à Daimler le rappel de 774 000 véhicules Mercedes à travers toute l’Europe. D'où ce commentaire du FRANKFÜRTER ALLGEMEINE ZEITUNG qui regrette que, trois ans après le début de l’affaire, on en soit encore à rappeler aux dirigeants du secteur leurs responsabilités : décidément on a le sentiment, écrit le journal, que le message n’est pas encore bien passé. 

Et puis toujours en Allemagne, la crise au sein de la coalition au pouvoir (depuis seulement trois mois) ne semble, là aussi, pas prête de s'éteindre, comme en témoignent ce matin les manchettes à la Une du RHEINISCHE POST et de son confrère DER TAGESSPIEGEL. Hier, les conservateurs bavarois de la CSU ont rejeté le compromis sur la politique migratoire proposé par la chancelière allemande, en apportant leur soutien au ministre de l'Intérieur. De sorte que s'ils décidaient de pousser leur affront jusqu'au bout, ils pourraient obliger la chancelière soit à démettre le ministre de ses fonctions, soit à rompre l'alliance entre CDU et CSU.

Enfin, s'agissant des fortes tensions provoquées par ce qu'il est convenu d'appeler la crise migratoire, le président français Emmanuel Macron recevra bien finalement aujourd'hui le chef du gouvernement italien Giuseppe Conte, pour tenter de clore une semaine ponctuée par les éclats de voix entre les deux hommes. Ce que regrette, amèrement, le journal de droite LIBERO qui titre ce matin : Adieu dignité !, avec à sa Une, un dessin montrant le président du Conseil italien baisant la main du chef de l’Etat français caricaturé en monarque. Ou quand Conte s’agenouille devant Macron, peste l’éditorialiste.

Enfin l'escalade, toujours et encore, au Royaume-Uni, cette fois-ci.Les rebelles conservateurs, en colère, rejettent l'offre de Theresa May sur le Brexit, titrent conjointement ce matin THE I et THE GUARDIAN. Hier, le gouvernement a ravivé les tensions, en rendant public un amendement au projet de loi jugé «inacceptable» par les députés europhiles, lesquels crient désormais à la trahison. Et pour cause, la veille, c'est parce que les mêmes députés avaient accepté de faire machine arrière, au dernier moment, que Theresa May avait réussi à sauver sa peau en remportant un vote délicat. Le chaos à tous les étages, résume ainsi le Courrier International : quand THE INDEPENDENT juge que plus les décisions importantes sont repoussées et plus on s’approche d’une issue catastrophique, l'hebdomadaire NEW STATESMAN (pro-UE) se réjouit, lui, au contraire de ce que le navire Brexit, dit-il, est en train de couler.

Par Thomas CLUZEL