Le Pérou se lamente sur les résultats du premier tour de la présidentielle

Le score de Pedro Castillo est la plus grande surprise du premier tour.
Le score de Pedro Castillo est la plus grande surprise du premier tour. ©AFP - Angela Ponce
Le score de Pedro Castillo est la plus grande surprise du premier tour. ©AFP - Angela Ponce
Le score de Pedro Castillo est la plus grande surprise du premier tour. ©AFP - Angela Ponce
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Pedro Castillo, candidat d'extrême gauche, sera opposée à la candidate de droite populiste Keiko Fujimori, lors du second tour le 6 juin prochain. Selon la presse, les électeurs devront se contenter du choix du moindre mal.

Depuis le scrutin de dimanche, le comptage a fait émerger les noms des deux candidats qui s'affronteront le 6 juin prochain lors du second tour. Arrivé en tête, Pedro Castillo, candidat de Péru Libre, un petit parti d'extrême gauche : un instituteur de 51 ans, syndicaliste qui avait pris la tête d'un grand mouvement de grève des enseignants en 2017. Il est pro-étatiste, mais socialement conservateur, pro-vie, pro-famille et anti-immigration. C'est la surprise du scrutin. Face à lui, il aura une figure de la vie politique péruvienne, Keiko Fujimori, 45 ans, fille de l'ex-président autoritaire Alberto Fujimori, candidate du parti Fuerza Popular, la droite populiste héritière de l'ère Fujimori père. C'est la troisième fois qu'elle se retrouve au second tour de la présidentielle. Les deux candidats sont tellement clivants qu'ils ne recueillent que 19% et 13% des suffrages. Les départager s'annonce donc très difficile, à lire les pages des journaux, toutes tendances politiques confondues. 

Le deuxième tour, résume le journal libéral Caretas dans son éditorial, va forcer les péruviens à voter en se bouchant le nez. Castillo est le candidat des changements radicaux. Ses trois priorités de campagne sont la santé, l'éducation et l'agriculture, auxquelles on ajoutera la reprise du contrôle par l'Etat du secteur des énergies, avec les nationalisations des entreprises d'exploitation minière, de gaz, de pétrole, et des hydroénergies. Changement de Constitution également, héritée de l'ère Alberto Fujimori. Et si la Cour constitutionnelle s'y oppose, a prévenu Castillo, elle sera dissoute, car rien ne doit s'opposer à abolir "une Constitution qui a mis fin à tous les droits et a permis le pillage du pays". On notera également sa compassion pour le sort des anciens membres de la guerilla communiste du Sentier Lumineux, qui a fait plusieurs dizaines de milliers de morts dans les années 80, ou encore sa volonté s'il est élu de gracier Antauro Humala, un ancien militaire et révolutionnaire qui a tenté un coup d'état en 2005, condamné pour meurtre, enlèvement et rébellion. 

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Fujimori quant à elle est la fille de son père, dans tous les sens du terme. Elle prône un mélange de conservatisme sociétal et de libéralisme économique, tout en essayant de se démarquer de son père, dont les mandats ont laissé des traces : meurtres de minorités, stérilisations forcées de femmes indigènes, mise sur écoute d'opposants. Il a depuis été condamné pour crimes contre l'Humanité et corruption. Sa fille Keiko, qui lui promet une grâce présidentielle si elle est élue, traine cet héritage, et ses propres casseroles, puisqu'elle est soupçonnée de corruption depuis 2018, a déjà passé seize mois en détention préventive dans le cadre de cette affaire et risque trente ans de réclusion. Une façon de voir l'élection, conclut Caretas, est que la candidature de Fujimori, "même si c'est un crapaud insupportable, garantit que le Pérou ne deviendra pas une dictature communiste". 

En vue du second tour, le temps des alliances politiques est arrivé, avec les seize perdants qui se présentaient également à l'élection. Et là non plus l'enthousiasme n'est pas présent. Le Diario Correo rapporte la position du candidat de droite du Parti chrétien populaire, Alberto Beingolea, opposant de longue date aux Fujimori, pour qui la présidence d'Alberto Fujimori était une dictature perverse, et qui craint que sa fille Keiko suive le même chemin si elle est élue. Dans le même temps, explique le journal, à ses yeux, un gouvernement de Pedro Castillo "serait la pire tragédie pour le Pérou", qui pourrait "devenir le Venezuela". A gauche également, précise le journal l' Expresso, la candidate Verónika Mendoza, n'appelle pas à voter pour Castillo. Tout juste a t-elle a exclu de déposer un bulletin pour Keiko Fujimori, dont le parti, tonne t-elle, continue de soutenir à ce jour la dictature d'Alberto Fujimori qui persécutait, criminalisait et stérilisait les paysannes. 

La situation est autrement résumée par le politologue Carlos Meléndez, interrogé par le journal Péru21, ce sera un vote des "anti" : les anti-communistes doivent se résoudre à voter pour Fujimori, les anti-fujimorisme, à voter pour Castillo... Bref c'est le choix du moindre mal. Le camp qui suscitera le moins de peur, poursuit l'analyste politique, sortira vainqueur du scrutin, mais à cette heure, difficile de départager les deux tant la majeure partie de la population rejette férocement le communisme et l'héritage de la présidence d'Alberto Fujimori.

Aux Etats-Unis, la presse s'interroge après l'annonce de Joe Biden de retirer toutes les troupes américaines d'Afghanistan d'ici le 11 septembre  

D'un côté, comme le souligne le New York Times, même si c'est encore reporté - ce devait être le 1er mai, mais pour des raisons tactiques dixit le président américain, ce sera le 11 septembre, jour symbolique de l'anniversaire des attentats contre les Twins Towers de New York - les Etats-Unis vont enfin arriver au bout de leur "forever war", leur guerre éternelle, ou tout du moins la plus longue de leur histoire. De l'autre côté, à quel sort laisse t-on les Afghans se demandent les journaux ce matin ? Les perspectives ne sont guère encourageantes. CNN cite le rapport annuel du renseignement américain, qui conclut que les chances d'un accord de paix entre les talibans et le gouvernement afghan "restent faibles au cours de l'année prochaine". Et sur le champ de bataille, la suprématie des talibans se fera rapidement ressentir si la coalition retire son soutien. 

Le Washington Post va plus loin dans ses colonnes en convoquant le passé : en comparant le retrait américain d'Afghanistan à celui du Vietnam, la paix conclue en 1973 avec le Nord Vietnam, le départ des troupes, permettant en à peine deux ans, aux armées du Nord d'investir le Sud du pays, d'y installer des camps de rééducation, symbole de la répression de plusieurs centaines milliers de victimes. Les talibans sont en position de force, poursuit le LA Times, ils pensent avoir tenu tête pendant 20 ans aux américains, alors ils viendront facilement à bout du gouvernement afghan. Peut-être observera t-on, comme le laisse entendre CNN, le retour des lois imposées sous leur précédent régime : les exécutions publiques, les mains des voleurs coupées, les femmes à qui on interdit l'école, ou encore la télévision, la musique, le cinéma interdits. The Atlantic porte le coup de massue final en écrivant : ce n'est pas la fin de la guerre qui a démarré il y a plus de quatre décennies avec l'invasion de l'URSS, seulement la fin de sa phase américaine. La guerre va se prolonger au-delà du départ des Etats-Unis. Il n'y aura pas de partage du pouvoir, pas de réconciliation, pas de paix des braves.

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