Les joies des primaires américaines.

Supporters démocrates déguisés en Donald Trump et Hillary Clinton
Supporters démocrates déguisés en Donald Trump et Hillary Clinton - Jonathan Ernst
Supporters démocrates déguisés en Donald Trump et Hillary Clinton - Jonathan Ernst
Supporters démocrates déguisés en Donald Trump et Hillary Clinton - Jonathan Ernst
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Chaque matin, l’actualité vue au travers de la presse étrangère. Aujourd’hui : à un mois et demi de la fin des primaires présidentielles, des millions d'Américains sont appelés aux urnes, ce mardi, dans cinq États.

Même si Hillary Clinton, la favorite démocrate, pas plus que Donald Trump, le milliardaire républicain, ne pourront dès aujourd'hui atteindre mathématiquement la majorité requise pour l'investiture de leur parti, en revanche, le grand nombre de délégués en jeu devraient les rapprocher un peu plus encore de leur but. Surtout, d'ailleurs, Hillary Clinton laquelle a déjà une avance quasi-insurmontable sur son rival, le sénateur Bernie Sanders. Côté républicain, désireux de ne plus diviser les voix opposées à Donald Trump, ses deux adversaires Ted Cruz et John Kasich ont annoncé avoir négocié un pacte de non agression.

D'où le titre de cet article à lire sur le site du magazine américain SLATE : Aux grands maux, les grands moyens. En vertu de cette entente, pour le moins inhabituelle, Ted Cruz et John Kasich se partageront trois États. Kasich abandonnera la primaire de l'Indiana pour ouvrir la voie à Cruz. Et à l’inverse, le sénateur du Texas laissera le champ libre au gouverneur de l’Ohio, lors des primaires de l’Oregon et du Nouveau-Mexique.

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L’objectif est évidemment très clair. Puis-qu’aucun des deux hommes n’est plus désormais en mesure de décrocher l’investiture, l'idée est désormais d’empêcher Donald Trump d’obtenir les 1237 délégués nécessaires pour être adoubé. Et de favoriser ainsi la tenue d’une convention négociée, où le parti républicain pourrait choisir un autre candidat que le magnat de l’immobilier. Seulement voilà, si cette alliance fait sens, sera-t-elle pour autant suffisante ?, interroge toujours le magazine américain. Car si certains stratèges républicains appelaient de leurs vœux un tel accord depuis plusieurs semaines, d'autres craignent que celui-ci ne soit trop tardif, alors que s’applique désormais la règle du «winner takes all», en vertu de laquelle l’ensemble des grands électeurs d’un État va au candidat qui obtient la majorité simple.

Autre élément ne plaidant pas en faveur de cette alliance, le plan d’attaque ne se concrétisera que dans 3 États et dans aucune des 13 autres primaires restantes, à commencer par celles fixées pour aujourd’hui. Enfin, il s’agit d’une alliance passive plutôt qu’active. En clair, dans les trois primaires où les deux hommes ont convenu de faire alliance, les candidats se contenteront de ne pas faire campagne dans l’État qu'ils ont choisi de céder à l'autre. En revanche, aucun des deux n’a prévu d’encourager, publiquement, ses propres partisans à voter en faveur de l'autre, le moment venu. Ce qui pourrait se révéler totalement vain, si une part significative des électeurs ne reçoivent pas le message de leurs champions. Autant dire que ce deal a tout de l’alliance contrainte et forcée. Et d’ailleurs, selon THE NEW YORK TIMES, l'équipe de Kasich qui avait espéré déjà pactiser le mois dernier, c’était vu à l’époque opposé une fin de non recevoir par l’équipe de campagne de Cruz.

Quoi qu’il en soit, Trump qui a facilement remporté l’État de New York, la semaine dernière, devrait ajouter aujourd’hui à son pactole le Connecticut, le Delaware, la Pennsylvanie, le Maryland, et Rhode Island. Autrement dit, quand bien même la transaction entre Kasich et Cruz parait assez logique, rien ne dit qu’elle sera suffisante pour faire dérailler Trump. Sans compter que cette alliance donnera au magnat de l'immobilier une nouvelle occasion de pester contre l’establishment républicain qui tenterait, selon lui, de truquer le processus de sélection. C'est d'ailleurs ce qu'il s'est empressé de déclarer lors de son dernier meeting dans le Rhode Island : « En affaires ou en bourse, si vous êtes pris pour des faits de collusion, vous finissez en prison, mais pas en politique, parce que le système est truqué ». Quant à Dan Scavino, l’homme qui dirige la communication du milliardaire sur les réseaux sociaux, il a aussitôt ironisé sur Twitter sur « deux perdants qui s’associent pour tenter d’arrêter Donald Trump ». Avant d’ajouter : « Les Américains en ont tellement marre de vous, les politiciens ».

Et les Américains pourraient en avoir plus marre encore, après les révélations du journal de Londres THE GUARDIAN. Il y a, a priori, peu de choses avec lesquelles Hillary Clinton et Donald Trump sont d'accord. En revanche, écrit le quotidien, les candidats à la présidence partagent une affinité pour un même immeuble de bureaux de deux étages, à Wilmington, dans le Delaware. Un bâtiment devenu célèbre pour aider des dizaines de milliers d'entreprises à éviter de payer des centaines de millions de dollars en impôts. Officiellement, ce bâtiment abrite Apple, American Airlines, Coca cola ou bien en encore Walmart. En réalité, cet immeuble de briques jaunes abrite pas moins de 285 000 sociétés, soit 15 fois plus que les 18 000 enregistrées dans un petit bâtiment de cinq étages situé, lui, dans les îles Caïman et que Barack Obama avait pris en exemple pour dénoncer les subterfuges de l’évasion fiscale.

Mais il n'y a donc pas que les grands entreprises qui ont choisi de faire de cet immeuble leur résidence officielle, puisque Donald Trump et Hillary Clinton y ont, eux aussi, immatriculé plusieurs sociétés, sans prendre la peine d'expliquer pourquoi. Était-ce, d’ailleurs, nécessaire ? Le Deleware fait office de paradis fiscal pour les États-Unis. En 2012, déjà, THE NEW YORK TIMES avait évalué le manque à gagner pour les autres États du pays à plus de 9 milliards de dollars sur la décennie précédente. Une bonne raison pour que le Delaware abrite aujourd'hui plus d’un million de sociétés, pour seulement 935 000 habitants.

Pour sa défense, un porte-parole de la candidate démocrate a assuré au GUARDIAN qu’« aucun impôt fédéral ou local n’a été économisé par les Clinton grâce à ces structures », précisant qu’elle avait été créée pour « gérer les revenus de ses discours et de son livre ». Quant à Donald Trump, il possède aujourd’hui 378 sociétés immatriculées dans le Delaware sur les 515 qu’il possède. Un chiffre qu’il a évoqué vendredi dernier, lors d’un meeting, en expliquant : « Cela signifie que je vous verse beaucoup d’argent. Je ne me sens pas coupable. » Et d'ailleurs, le fait de disposer d’une adresse dans cet État n’a rien d’illégal. Mais dans le contexte électoral actuel et après le scandale des « Panama papers », c'est peu de dire que cela fait mauvais genre.

Par Thomas CLUZEL

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