L'enquête de la mission de l'ONU au Mali confirme que la force française Barkhane est responsable de la mort de 19 civils dans le bombardement d'un mariage début janvier ; la posture de déni de Paris est de plus en plus intenable. Au Brésil, même les chefs militaires lâchent Jair Bolsonaro.
L’armée française a bien bombardé un mariage et tué des civils, début janvier dans le centre du Mali : c’est ce que conclut une enquête menée par la force des Nations Unies sur place. Mais pour la presse du Sahel c’est surtout une confirmation.
Malgré les dénégations de plus en plus difficiles à tenir (et sans preuves) de Paris, les journaux sahéliens voient dans le rapport d’enquête de la Minusma la confirmation que le récit fait par les habitants de ce village de Bounti était bien crédible : c’est bien une noce et non un rassemblement de combattants djihadistes en arme qui a été frappé par l’armée française, et les morts sont bien pour la grande majorité des villageois, des civils.
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Un point, tout de même, pour la version française, précise toutefois L’Essor de Bamako : sur les 22 victimes au total, trois étaient bien des membres de la katiba Serma, un groupe islamiste ciblé par la force Barkhane. Et ils étaient bien armés, arrivés dans le village de Bounti le matin à moto ; ils étaient cinq au départ mais deux ont réchappé du bombardement.
A partir de là, Wakat Sera pose deux hypothèses : soit le renseignement français a failli, et sur la foi des images tournées par les drones de surveillance qui ont survolé le rassemblement, a vraiment conclu qu’il s’agissait d’une réunion de combattants alors que cinq hommes seulement sur des dizaines portaient une arme ; soit le commandement de Barkhane a sciemment sacrifié des vies de civils pour abattre ces cinq-là… et c’est contraire aux lois de la guerre.
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Le site d’info bourkinabé esquisse toutefois des circonstances atténuantes pour l’armée française, évoquant la "guerre assymétrique" que livrent les jihadistes, le fait qu’eux ne répondent, pour le coup, à aucune règle et "n’hésitent pas parfois à utiliser les civils comme boucliers humains" pour dissimuler et protéger leurs rencontres. Mais la plupart du temps, le problème tient surtout au fait que les combattants se confondent avec les villageois, parce que de plus en plus ils sont des villageois, les fils des communautés sahéliennes qui rejoignent, de gré ou de force, les katibas qui écument la région.
Les cinq combattants armés qui ont rejoint le mariage ce 3 janvier à Bounti étaient-ils tout bonnement des membres de la famille, des invités ? En tout cas leur présence à elle seule ne justifierait en rien la mort de 19 civils et, écrit Nicolas Beau sur Mondafrique, l’entêtement de l’armée française à affirmer que seuls trente terroristes sont morts ce jour-là sous les bombes, est "de plus en plus invraisemblable" maintenant que "la bavure française est confirmée par l’ONU".
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Paris doit accepter une enquête indépendante et donner accès aux images des reconnaissances tournées avant et pendant la frappe aérienne. Sinon, prédit Wakat Sera, comme depuis le 3 janvier, « le sentiment anti-français et l’appel au démantèlement de la force Barkhane vont encore enfler » dans la population du Sahel, reléguant aux oubliettes l’action saluée comme héroïque de l’armée française, début 2013, quand elle avait stoppé net l’avancée des djihadistes en terre malienne.
Au Brésil, de vives inquiétudes autour de l'armée et de la date du 1er avril.
Le 1er avril au Brésil c’est la date anniversaire du coup d’Etat militaire de 1964, et depuis qu’il est au pouvoir le président d’extrême-droite Jair Bolsonaro insiste pour le faire commémorer dans toutes les casernes du pays comme un évènement positif pour la stabilité du Brésil, plutôt que comme l’avènement d’une sanglante dictature militaire.
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Or cette année en particulier le contexte est ultra-tendu, puisque pas plus tard qu’hier les trois généraux chefs des forces armées brésiliennes, air/terre/et mer, ont démissionné… ou plutôt comme le décrypte El Pais Brasil, ils ont été limogés sur ordre du président juste avant qu’ils ne rendent publique leur décision de démissionner. Et s’ils ont quitté leur fonctions, provoquant ce que la Folha de Sao Paulo qualifie de "plus grave confrontation entre l’exécutif et l’armée depuis 1977 ", c’est pour protester contre le limogeage (décidément) un jour plus tôt du ministre de la défense Fernando Azevedo.
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Ce dernier, affirme O Globo, a eu le tort de s’élever contre le projet de Jair Bolsonaro de déclencher l’état de défense, sorte d’état d’urgence qui ne dirait pas son nom mais permettrait au président d’empêcher, avec l‘appui de l’armée si nécessaire, aux décisions de reconfinement qui ont été prises par les gouverneurs de plusieurs Etats (oui parce que l’épidémie flambe toujours au Brésil avec un nombre record de 3780 morts dans les dernières 24 heures).
Le président serait hors de lui avec ces reconfinements, et prêt à tout pour s’y opposer. Les grands généraux brésiliens, eux, lui répondent, toujours dans O Globo, que l’armée n’a pas vocation à descendre dans la rue pour soutenir un dirigeant politique contre un autre, ou alors que dans ce cas-là on bascule dans la dictature… et l’on sait que 10% de la population brésilienne, la base la plus radicale et solide de l’électorat Bolsonaro, serait favorable au retour de la dictature militaire.
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L’opposition de gauche a déjà annoncé qu’elle va déposer une motion de défiance contre le gouvernement accusé de « menacer la démocratie ». Et El Pais Brasil cite enfin l’historien spécialiste des forces armées brésilienne Joao Roberto Martins Filho, selon qui "cette crise révèle les fissures qui existent dans l’édifice militaire" que l’on pensait à tort monolithique et fidèle à Jair Bolsonaro. Désormais "on voit que certains chefs militaires ne suivent plus le président dans sa folie" extrémiste, et qu’ils "cherchent une troisième voie, ni Bolsonaro ni Lula, pour porter leurs valeurs à la présidentielle de 2022".
C’est en cela que Jair Bolsonaro, très inquiet pour sa réélection, se serait senti menacé, acculé. Selon l’universitaire, le principal danger pour la démocratie brésilienne peut venir de tensions au sein même des casernes de police et des soulèvements qui pourraient y être provoqués par les proches du président, à commencer par ses fils à l’idéologie clairement néo-fasciste. Voilà aussi pourquoi la date anniversaire du premier avril, demain, sera une journée à haut risque au Brésil.
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