Présidentielle américaine : à Kenosha, les armes ont remplacé les discours

L'adolescent de 17 ans armé d'un fusil d'assaut a tué deux manifestants à Kenosha le 25 août 2020
L'adolescent de 17 ans armé d'un fusil d'assaut a tué deux manifestants à Kenosha le 25 août 2020 - CBS Chicago (capture d'écran)
L'adolescent de 17 ans armé d'un fusil d'assaut a tué deux manifestants à Kenosha le 25 août 2020 - CBS Chicago (capture d'écran)
L'adolescent de 17 ans armé d'un fusil d'assaut a tué deux manifestants à Kenosha le 25 août 2020 - CBS Chicago (capture d'écran)
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Un militant pro-Trump de 17 ans a abattu mardi soir deux manifestations du mouvement Black Lives Matter venus protester contre la bavure raciste commise par des policiers sur Jacob Blake. Comme un écho aux discours radicaux entendus à la convention républicaine qui lance la campagne Trump 2020.

Qu'on se le dise, il n'y a pas que sur les estrades clinquantes et pavoisées des grandes conventions (démocrate la semaine dernière et républicaine cette semaine) que se joue la confrontation entre deux Amériques. Depuis lundi soir, la version 'face' de cet affrontement, celle où les armes à feu remplacent les grands discours politiques,  se joue dans les rues de Kenosha, Wisconsin. C'est dans cette petite ville au bord du lac Michigan, nous rappelle The Washington Post, qu'un noir-américain nommé Jacob Blake a été grièvement blessé par 7 balles tirées dans son dos et à bout portant par un policier blanc pour lequel il ne représentait objectivement aucune menace immédiate.  

C'est aussi là, mardi au deuxième soir de face-à-face tendu entre militants du mouvement anti-raciste Black Lives Matter et policiers, qu'un jeune homme de 17 ans armé d'un fusil d'assaut a tué deux manifestants et en a blessé un troisième. Ce matin, on a l'impression que ces deux morts-là ont déjà éclipsé la bavure raciste dont a été victime Jacob Blake. car la personnalité du tueur de mercredi, les motivations apparentes de son geste, ont de quoi nous interpeller. 

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A lire dans The Chicago Tribune, "ce que l'on sait de Kyle Rittenhouse", puisque c'est le nom de cet adolescent arrêté mercredi pour les deux meurtres. Le jeune homme, d'après ce que disent de lui les traces qu'il a semées sur internet, est un adorateur des armes à feu et de la police américaine. Un pourfendeur, aussi, de ce mouvement Black Lives Matter qui dénonce une forme de racisme systémique en Amérique, mouvement auquel Kyle préfère apparemment la mouvance "Blue Lives Matter" qui prend la défense systématique des forces de l'ordre quand elles sont accusées de bavures racistes.  

Mardi soir, nous explique The Guardian, Kyle Rittenhouse était venu à Kenosha avec son fusil d'assaut, répondant à un appel lancé sur Facebook, demandant s'il y avait "des patriotes prêts à prendre les armes pour défendre la ville contre les voyous diaboliques qui y sèment le chaos". Il s'agissait donc, selon ces groupes d'extrême droite, de former des milices citoyennes pour protéger les commerces et les habitations des honnêtes Américains menacés.    

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Or l'écho est assez saisissant entre ce discours et ceux que l'on entend depuis trois soirs à la Convention d'investiture du Parti républicain. C'est bien en cela que Philip Bump du Washington Post évoque cet "écho que l'on ne peut plus faire mine d'ignorer" entre la mort des manifestants de Kenosha et la rhétorique de campagne de Donald Trump. Le journaliste s'interroge sur ce qui a poussé le jeune Kyle Rittenhouse à faire le déplacement à Kenosha, et in fine à appuyer sur la détente de son arme, tuant donc deux personnes. Ce déclic, on ne peut pas le connaître précisément, nous ne sommes pas dans la tête de Kyle, mais comment ne pas remarquer que la veille même de ce passage à l'acte, à la convention républicaine, "pas moins de 5 orateurs dont l'un des fils du président avaient dans leur discours brandi la menace de soi-disant hordes violentes et incontrôlées qui selon eux étaient en train de gagner les rues des cités américaines".  

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Cette rhétorique de l'Amérique des honnêtes citoyens assiégés qui doivent se défendre d'eux-mêmes, elle est au coeur du discours électoral de Trump, en 2020 plus encore qu'en 2016. Alors quand le président redit qu'il ne voit pas pourquoi il devrait se sentir responsable des passages à l'acte violents qui endeuillent régulièrement son pays, ABC News compile 54 cas où des personnes reconnues coupables de meurtres, crimes de haine, violences ou menaces racistes ont expliqué leur geste en invoquant la personnalité et la politique de Donald Trump... dont ils étaient tous de fervents supporters.  

Il y a aussi des questions qui se posent sur la responsabilité de personnalités des médias américains, avec un nom en particulier qui est mis en cause : Tucker Carlson, présentateur-vedette de la chaîne conservatrice Fox News, fait l'objet de très nombreux appels à son licenciement, en lien avec les deux meurtres de Kenosha pour cette phrase prononcée ce mercredi :  

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"Faut-il vraiment s'étonner du fait que les pillages et les incendies criminels débouchent in fine sur des meurtres ? Est-il vraiment choquant que des jeunes de 17 ans armés de fusils décident de ramener l'ordre, quand personne d'autre ne le fait ?" On a là à la fois la défense d'un meurtrier et un appel assez clair à d'autres actes de haine et de violence, se désole à nouveau The Guardian, qui ne prend même pas la peine de rappeler la proximité entre le présentateur de Fox News et le président Trump. 

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Il y a enfin une dernière vidéo qui choque l'Amérique depuis hier soir : c'est celle où on voit Rittenhouse, après qu'il a tué ses deux victimes, qui passe devant un barrage de police à Kenosha, son fusil très visible en bandoulière, et qui n'est pas inquiété le moins du monde. "Les policiers qui l'ont laissé passé ce soir-là n'ont apparemment pas considéré que cet adolescent blanc lourdement armé représentait une menace pour l'ordre public", en déduit le professeur de droit à Georgetown Paul Butler pour la chaîne MSNBC ... et le décalage est frappant entre cette vidéo et celle où Jacob Blake a lui été poursuivi et abattu à bout portant par les policiers, devant ses enfants, alors qu'il n'était ni armé ni menaçant. "Si vous cherchiez une définition de ce qu'est le privilège blanc, et une preuve de la connivence entre milices suprémacistes et forces de l'ordre, ne cherchez plus, vous les avez trouvées", conclut Paul Butler.

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