Quand les Français font leur révolution

Montages des Unes de la presse internationale / Capture d'écran
Montages des Unes de la presse internationale / Capture d'écran ©Radio France
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Chaque matin, l’actualité vue au travers de la presse étrangère. Aujourd’hui : La bataille pour le second tour de la présidentielle démarre aujourd'hui entre Marine Le Pen et Emmanuel Macron, après le "big bang" de la veille qui a vu l'élimination du PS et des Républicains.

Un mot, notamment, émerge dans la presse, ce matin, celui de révolution. Et même si l'expression "Révolution Française", précise aussitôt l'éditorialiste du GUARDIAN, renvoi à des événements sans commune mesure avec les résultats de ce premier tour, il n'en demeure pas moins que la France a bel et bien vécu, hier, un bouleversement majeur. Emmanuel Macron lui-même avait, d'ailleurs, choisi d'intituler son livre programme « Révolution » et au vu des résultats, renchérit l'éditorialiste du TEMPS, son choix audacieux était justifié. Pour la première fois dans l'histoire de la Vème République, le second tour de l'élection présidentielle française se jouera entre deux outsiders : Emmanuel Macron et Marine Le Pen.

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Hier, le pays a donc voté pour un changement en profondeur. Les Français ont confirmé que la vague de mécontentement qu'ils nourrissent depuis des années n'irait pas cette fois-ci s'écraser, mollement, sur les rivages habituels des soirs d'élection. Bien sûr, ce n'est pas le grand soir révolutionnaire qu'aurait souhaité l'extrême-gauche. Mais cette tension créée autour du duel issu des urnes montre que le logiciel politique de la Vème République est désormais cassé. En balayant les partis et les hommes politiques traditionnels, les Français ont fait leur révolution, juge à son tour le journal LE SOIR.

À eux deux, le Parti socialiste et Les Républicains obtiennent 26 % des voix, contre 56 % lors du scrutin de 2012, note le quotidien en ligne EL CONFIDENCIAL. Or cette situation est tout simplement historique, tout comme celle qui place d’un côté, un jeune homme, sans expérience de la politique, sans parti, qui a refusé de choisir entre la gauche et la droite, et ne s’était jamais présenté à aucune élection avant cette présidentielle, et de l’autre une femme incarnant les valeurs et l’héritage de l’extrême droite, considérée comme l’ennemie de la démocratie.

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Ensuite, le duel entre le perdreau de la politique démocratique française et la pro du combat politique extrême va opposer, non seulement, deux personnalités charismatiques, deux conceptions des valeurs démocratiques, mais aussi deux modèles de sociétés, en proposant deux choix très clairs pour le futur de la société française. Le 7 mai deux France se retrouveront dans les urnes : l'une inclusive et ouverte au monde et l'autre retranchée derrière ses frontières et ses vieux mythes. En ce sens, poursuite ce matin THE FINANCIAL TIMES, l'élection présidentielle française s'est transformée, hier soir, en un concours binaire, entre deux outsiders, d’un côté un défenseur ferme de l'ordre libéral et de l'autre une populiste féroce qui entend le détruire.

A présent, Macron est aujourd'hui clairement le mieux placé pour remporter cette présidentielle, note DER STANDARD. Sauf énorme surprise, Emmanuel Macron sera le prochain président de la République, française, insiste à son tour LE TEMPS. La logique du « Tous contre le Front national » devrait l'emporter. Tous les sondages assurent qu'Emmanuel Macron devrait bénéficier de substantiels reports de voix des électeurs et le donnent, déjà, vainqueur avec au moins 60% des voix, une marge énorme à ce stade de l'élection. Mais attention, prévient à nouveau DER STANDARD, les électeurs français sont trop versatiles, trop indécis et surtout trop en colère pour que l’on puisse tenir quoi que ce soit pour acquis.

Mais surtout, même si Emmanuel Macron part largement favori pour ce second tour, peu importe qui des deux candidats l’emportera, écrit EL PAIS, il est peu probable que leurs formations respectives puissent obtenir, lors des prochaines législatives, un nombre de députés nécessaire pour gouverner. Ce qui signifie que la France court aujourd’hui le risque de glisser dans une crise politique durable. Car ne l'oublions pas, la présidentielle française est une élection à trois tours. Or le Front National de Marine Le Pen ne dispose aujourd'hui que de deux députés. Quant à Emmanuel Macron, il ne sait même pas quel parti le soutiendra, renchérit le portail d'information SEGA. Dès-lors, le fondateur du mouvement « En Marche! » sera-t-il en mesure de diriger le pays sans avoir recours aux appareils, lui qui s'est présenté comme l'homme capable de se mettre en dehors, justement, du système des partis ? Pour beaucoup, reprend LE SOIR, le véritable défi électoral du leader d’un mouvement aux contours si peu précis, sera ce fameux troisième tour. Comment transformer un engouement pour le positivisme et le jeunisme d’un homme sans casier politique et entraves partisanes, en une adhésion à une nouvelle forme de gouvernement ?

Ce défi, aujourd'hui, résume probablement à lui seul, d'ailleurs, l'énigme Emmanuel Macron. Lui qui s’est faufilé dans le chaos politique français en adoptant les bonnes postures, au bon moment, ne pourra sans doute pas mieux rassembler les partis ennemis que son prédécesseur, pourtant enclin au compromis, analyse pour sa part DIE TAGESZEITNG. Le fait qu’il ait attiré de nombreux soutiens de part et d’autre de l’échiquier politique a créé un vide sur sa droite et sur sa gauche. Voilà pourquoi Emmanuel Macron aura certainement le plus grand mal à mettre en œuvre ses projets de réforme et pourrait même, au final, subir le même sort que François Hollande. Le coup de maître de Macron a été de réussir à se présenter comme quelqu’un qui s’est fait tout seul, venant d’en bas, capable de parler au Français moyen, écrit LINKIESTA. Un pari visiblement gagnant, mais risqué. Le signe que ce caméléon politique à l’habileté diabolique, écrit EL PAIS, aura surtout bénéficié, en réalité, des failles de ses concurrents.

Enfin les résultats d'hier cachent une autre révolution, beaucoup plus sinistre. En 2002, lorsque Jean-Marie Le Pen s'était qualifié au second tour, la surprise et la stupeur pouvaient se lire sur les visages des partisans de Jacques Chirac et de Lionel Jospin. En 2017, le score de Marine Le Pen ne laisse désormais place, au plus, qu'à une simple tristesse, se désole le magazine SLATE, avant d'en conclure : Nous sommes passés, hier soir, de la sidération à la banalité.

Par Thomas CLUZEL

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