Par Thomas CLUZEL
Aujourd'hui … c'est mon dernier jour chez Goldman Sachs ... Ces mots … sorte d’incipit camusien du 21ème siècle sont signés Greg Smith … lequel a décidé à travers une tribune publiée hier matin dans les colonnes du NEW YORK TIMES de claquer bruyamment la porte de son établissement après 12 années passées … non pas dans les jupes de sa maman mais au sein de la célèbre banque d’affaire américaine … Je crois y avoir travaillé assez longtemps écrit l’ancien directeur exécutif de l’établissement … pour comprendre l'évolution de sa culture … de son personnel … et de son identité ... Et aujourd’hui … et bien je peux dire en toute honnêteté que l'environnement y est désormais plus toxique et destructeur que jamais … Pour décrire le problème en termes simples dit-il … les intérêts du client continuent de passer au second plan … dans la façon qu'a la société de fonctionner et de calculer comment gagner de l'argent ... Et d’ajouter … elle a tellement dévié par rapport à ce qu'elle était quand j'y suis entré que je ne peux plus … en mon âme et conscience m'identifier à ce qu'elle incarne … Car le public sceptique en sera peut-être étonné … mais la culture dit-il était un élément essentiel du succès de Goldman Sachs ... Cette culture était affaire non seulement de travail d'équipe … mais aussi d'intégrité … d'humilité et de service apporté au client ... Elle était le mortier invisible qui garantissait la cohésion de cette formidable entreprise … qui nous avait permis de nous assurer la confiance de nos clients pendant 143 ans ... En réalité .. il n'était pas seulement question de gagner de l'argent car une société qui n'a que cela en tête ne tient pas longtemps … Non la fierté et la foi dans l'entreprise jouaient aussi un rôle écrit toujours l’ancien directeur général avant d’avouer : J'ai le regret de dire que quand je regarde aujourd'hui autour de moi … je ne vois pratiquement aucune trace de cette culture qui a fait que j'ai tant aimé travailler ici pendant des années ... Je ne ressens plus cette fierté … ni cette foi … Et M Smith de raconter ensuite combien il lui était devenu insupportable de devoir mentir pour vanter les mérites de sa banque … J'ai su qu'il était temps de partir dit-il quand je me suis aperçu que je ne pouvais plus regarder les étudiants dans les yeux pour leur dire à quel point il était merveilleux de travailler ici ...
Alors cette tribune émouvante ... que vous pourrez relire ce matin sur le site du courrier international a immédiatement déclenché une salve de commentaires ... à commencer par la principale intéressée ... Goldman Sachs ... la banque qui n'a pas tardé à exprimer son profond désaccord avec les opinions exprimées par son ancien directeur général ... A ce sujet d'ailleurs le WALL STREET JOURNAL précise de son côté que Mr Smith ... sorte de Monsieur Dupont à la française était en réalité vice président de l'établissement ... c'est à dire une position tenue par des milliers d'employés de la firme à travers le monde ... sans compter qu'il était le seul employé de la branche qu'il dirigeait ... Et puis toujours selon une source anonyme citée par le WALL STREET JOURNAL ... Greg Smith aurait qui plus est mal vécu d'avoir reçu un faible bonus en début d'année ...
Alors quel que soit la nature véritable finalement de cet acte de contrition public ... c'est vrai que les banques et les banquiers souvent considérés comme les boucs émissaires de nos difficultés actuelles étaient censés faire les frais d'une grande opération de moralisation du capitalisme ... Or il n'en a rien été ... Pour preuve ... le projet de taxe sur les transactions financières ... la fameuse taxe Tobin vous le savez censée mettre un frein à la spéculation excessive ... et bien ce projet a été gelé avant hier ... mardi par les ministres des finances de l'Union Européenne ... Alors tout n'a pas été définitivement enterré puisqu'une proposition de compromis doit être élaborée d'ici le mois de juin ... Sauf ... prévient aussitôt le quotidien autrichien DER STANDARD sauf qu'il ne restera vraisemblablement pas grand-chose du projet original ... La fin d'une bonne idée titre même le journal de centre-gauche ... Et pourtant dit-il ... pour tous ceux qui estiment que le secteur financier devrait payer dans un souci de réduction des inégalités sociales et de justice ... et bien cette alternative aurait eu beaucoup de charme ... Malheureusement ... dans le monde européen divisé tel qu'il est aujourd'hui conclue le journal ... un projet bien pensé ne veut pas dire nécessairement un projet réalisable ...
Alors certes cette taxen'est sans doute pas une arme miracle ... ni la panacée pour résoudre tous les problèmes renchérit son confrère de la SUDDEUTSCHE ZEITUNG ... mais il ne faudrait pas sous-estimer pour autant pas ses retombées positives ... Avec elle de nombreuses transactions spéculatives ... dont celles générées automatiquement en quelques fractions de seconde par des ordinateurs et qui peuvent amplifier dramatiquement l'évolution des cours perdraient subitement tout intérêt ... Cette taxe du coup remplirait les caisses publiques de plusieurs milliards d'euros ... lesquels pourraient être aussitôt investis dans l'instruction ... la recherche et le développement ... Voilà pourquoi conclue le journal de Munich ... les hommes politiques devraient saisir donc cette chance de réguler enfin les marchés financiers ...
En attendant ... en attendant et bien le journal DIE GAZETTE se demande où vont les 130 milliards d'euros d'aide à la Grèce ? ... Etla réponse est sans équivoque : les établissements financiers à l'extérieur de la Grèce reçoivent 40 % du paquet de sauvetage ... les banques grecques 23 % et la Banque centrale européenne 18 % ... Les 19 % restants sont destinés à des besoins de financement en Grèce même ... En clair : plus de 80 % du paquet de sauvetage vont chez les créanciers c'est-à-dire les banques ... Dit autrement ... les milliards des contribuables ne sauvent pas la Grèce ... mais les banques.
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