

Chaque matin, l’actualité vue au travers de la presse étrangère. Aujourd’hui : Theresa May devient la deuxième Première ministre de l'histoire du Royaume-Uni et devra s'atteler à une mission titanesque : mettre en œuvre le "Brexit".
A partir du mois de novembre, les femmes de l’armée britannique pourront rejoindre des unités de combat. Le Premier Ministre l’a annoncé le 8 juillet dernier, rapporte THE GUARDIAN. « Il est crucial que nos forces armées soient le reflet de notre société et lever l’interdiction pour les femmes d’exercer des rôles de combat est une étape majeure en ce sens », s’est justifié David Cameron, avant de préciser : « Les forces armées pourront ainsi tirer le maximum de profit de leurs talents et créer davantage d’opportunités pour elles. »
Le clin d'œil est sans doute un peu appuyé. Il n'empêche que vis à vis de celle qui prendra la place de David Cameron, ce soir, au 10 Downing Street, le parallèle est évidemment dans tous les esprits. Tout d'abord parce que la tâche qui attend désormais Theresa May a tout de la mission, justement, de combat. Et que par ailleurs son caractère de femme à poigne fait déjà d'elle une nouvelle Dame de fer, version 21ème siècle. Et d’ailleurs, lorsque la semaine dernière le vieux singe conservateur Ken Clarke dégoisait, à son insu, sur les candidats à la présidence de son parti, n’avait-il pas qualifié Theresa May de «femme foutrement coriace» ? Une insulte, précise le magazine SLATE, que May a depuis tourné à son avantage en déclarant: «Ken Clarke pense peut-être que je suis une “femme foutrement coriace”, sauf que le prochain à le comprendre sera Jean-Claude Juncker, le président de l’Union européenne.»
Évidemment cela vous pose un personnage. Et puis surtout, voilà qui devrait rassurer tous les "Brexiters" qui s’inquiétaient de ce qu’une femme qui s’était exprimée pour le maintien du pays dans l'UE accède aujourd’hui au poste de Première Ministre.
Pourquoi celle qui voulait que le Royaume-Uni reste dans l’UE devient-elle aujourd’hui la Première Ministre d’un pays sur le départ ?
Certains, à l’instar de la radio américaine NPR y verront là une forme d’humour anglais. En réalité et plus sérieusement, il y a diverses raisons à cela. Tout d’abord la débandade du plus saillant des tenants du "Brexit", Boris Johnson, qui a décliné la fonction. Cinq autres candidats se sont proposés, mais trois ont été écartés par le parti. Restaient, donc, deux femmes : Andrea Leadsom (farouche militante du "Brexit") et Theresa May. Les adhérents du parti conservateur devaient se prononcer pour choisir l’une des deux. Seulement voilà, tout s’est accéléré lundi, lorsqu’Andrea Leadsom s’est elle-même retirée de la course. Elle s’était notamment attirée de vives critiques après avoir estimé, deux jours plus tôt dans une interview au TIMES qu’en tant que mère de famille, elle ferait une meilleure Première ministre que Theresa May, mariée et sans enfants. Et ce alors même que la ministre de l’Intérieur avait révélé son infertilité dans une interview au MAIL ON SUNDAY, six jours plus tôt. Et c'est ainsi que regrettant ses propos, Leadsom a présenté ses excuses dans la foulée avant de jeter l’éponge.
Voilà donc comment la Grande-Bretagne a finit par se doter d’une Première ministre opposée au "Brexit", trois semaines seulement après un vote consacrant la sortie du pays de l’UE. Mais cela ne veut pas dire que le choix du Brexit ne sera pas respecté. Theresa May l’a, d’ailleurs, déjà promis rappelle THE DAILY TELEGRAPH : «Il n’y aura pas de tentative de revenir par la porte dérobée», a-t-elle lancé, ajoutant: «Brexit signifie Brexit, et nous en ferons un succès.» Le message est donc on ne peut plus clair. Et après tout, pour réconcilier le pays et apaiser les craintes de ceux qui ont voté «Remain», quoi de mieux, finalement, que de confier le processus du "Brexit" à une opposante très modérée ? Même analyse du TIMES pour qui l’appartenance de la nouvelle Première Ministre au camp anti-"Brexit" n’est pas forcément un désavantage. Au contraire, celle qui n’a pas fait de zèle dans le débat, dit-il, pourrait même être l’interlocutrice la plus adéquate pour négocier et défendre les intérêts du Royaume-Uni. Sans compter, rappelle enfin le journal de Berlin DIE WELT, que Theresa May a peut-être fait campagne pour le "Remain" mais elle n'a cessé, en réalité, de s'opposer à la politique de Bruxelles.
Theresa May, parlementaire pendant une vingtaine d’années et ministre l’Intérieur pendant six ans (un record) sera la deuxième femme à investir Downing Street après Margaret Thatcher, ce qui conforte les allusions à l’ancienne dame de fer
Nombre de journaux se sont amusés à juxtaposer leurs deux photos, pour y relever mêmes quelques ressemblances physiques. Pour autant, nombre de commentateurs jugent qu’en réalité la comparaison la plus pertinente serait, non pas avec Margaret Thatcher, mais plutôt Angela Merkel : dans les deux cas, écrit THE FINANCIAL TIMES, il s’agit de politiciennes non idéologiques et dures à la tâche. Dans le journal de Barcelone, LA VANGUARDIA, le chroniqueur compare lui aussi la fermeté de May à celle de Merkel : elle a la réputation d’être dure, elle est fille de pasteur et n’a pas d’enfants, comme elle. Avant d’ajouter, elle lui ressemble aussi dans sa conception de la sympathie. Enfin le journal de Munich SÜDDEUTSCHE ZEITUNG souligne, à son tour, que Theresa May qui s'inspire parfois des idées de gauche, dit-il, est plus proche de la méthode d'Angela Merkel
De son côté, THE HUFFINGTON POST pose la différence, cette fois-ci, avec celle qui l’a précédée il y a 26 ans : beaucoup plus centriste que ne l’a jamais été Margaret Thatcher, Theresa May prône un discours social, dit-il, promettant «un pays qui fonctionne pour tout le monde» et non pour une minorité de privilégiés. Alors la fille de pasteur vient-elle de sonner la fin de la récréation pour les fils à papa de l’establishment et les grands patrons de la City aux salaires outrageusement élevés ?, s'interroge LE TEMPS. Le journal de gauche THE GUARDIAN se montre lui plutôt perplexe et note qu'il est de rigueur chez les politiciens de lancer quelques platitudes. En clair, le journal ne voit aucun signe de fléchissement de la ligne tenue jusqu’à maintenant par David Cameron, une ligne qui toujours selon le journal de Londres se résume à une pauvreté croissante chez les enfants, des écoles désespérément en manque de professeurs et un système de santé sur une civière.
Par Thomas CLUZEL
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