Trump s'engage à rester lui-même

Protestataire anti-Trump lors d'une manifestation à New York
Protestataire anti-Trump lors d'une manifestation à New York - VANESSA CARVALHO / BRAZIL PHOTO PRESS
Protestataire anti-Trump lors d'une manifestation à New York - VANESSA CARVALHO / BRAZIL PHOTO PRESS
Protestataire anti-Trump lors d'une manifestation à New York - VANESSA CARVALHO / BRAZIL PHOTO PRESS
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Chaque matin, l’actualité vue au travers de la presse étrangère. Aujourd’hui : lors de sa première interview télévisée, le président élu Donald Trump a adressé des signaux contrastés.

Hier soir, Donald Trump, en bon président tout juste élu mais non encore investi, s'est plié à l'exercice de l'interview accordée au magazine d'information le plus connu et le plus vénéré de la télévision américaine : "60 minutes", diffusé par CBS. Et à lire ce matin le compte rendu dressé par POLITICO, il ne fait aucun doute que l'ex vedette de la téléréalité sera bien le même à l'intérieur du Bureau ovale que celui qu'il a toujours été sur nos écrans de télévision. Ou dit autrement, il continuera à exagérer, à généraliser et à tweeter à tout va.

Pour autant, reconnait le site d'information, lui qui avait mené une campagne pour le moins clivante, agressive, misogyne et xénophobe a surpris, encore une fois, par son discours fédérateur. Tout en rendant hommage à Hillary Clinton, Trump s’est montré plutôt modeste, appelant à calmer les tensions qui traversent le pays. Il a, notamment, condamné les actes de violence et de harcèlement contre les minorités qui, selon certaines associations, se seraient multipliés depuis son élection. Il a tenu, par ailleurs, à rassurer la communauté homosexuelle, en précisant qu'il n'avait pas l'intention d'œuvrer à une remise en cause du mariage gay. Trump a aussi montré une certaine flexibilité sur "Obamacare", la loi emblématique du mandat de son prédécesseur qui permet à tous les Américains d’avoir une assurance santé, mais dont le fonctionnement est aujourd'hui très critiqué. Cette loi pourrait être simplement amendée et non abrogée. Enfin, élu sur un programme populiste de rejet des élites, Trump a annoncé qu'il renonçait à sa rémunération de président, soit près de 400.000 dollars par an. L’homme, dont la fortune personnelle a été estimée le mois dernier à 3,7 milliards de dollars par le magazine FORBES, a expliqué qu’il ne percevrait que le dollar symbolique auquel l’oblige la loi.

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Bref, pendant une heure, Donald Trump a projeté un personnage plutôt calme et relativement humble, ce qu'il avait rarement démontrer lorsqu'il était candidat. Pour autant, faut-il en déduire que la victoire rend crédible, voire qu'elle pare de vertus ceux qui en bénéficient ?, interroge LE TEMPS de Lausanne. Rien n'est moins sûr. S'agissant, par exemple, de l’"Obamacare", Trump avait précisé la veille, dans les colonnes du WALL STREET JOURNAL, qu'il pourrait, certes, conserver certaines dispositions de la loi, en particulier l’interdiction pour les assureurs de refuser de couvrir des patients ayant des problèmes de santé connus. Mais ces propos au quotidien américain ne sont pas, en réalité, de nature à rassurer totalement ceux pour qui la réforme du système de santé constitue une véritable avancée sociale. « Soit l’Obamacare sera amendée, soit elle sera abrogée et remplacée », insiste-t-il, notamment, dans les colonnes du quotidien américain.

Même confusion s'agissant, cette fois-ci, de l’un des projets emblématiques du programme de Donald Trump : la construction d’un mur de 1600 km à la frontière mexicaine pour un coût de 8 milliards de dollars. Dans son interview à la chaîne CBS, le nouveau président a expliqué que, pour certaines portions, il se contenterait de clôtures. Sans doute, d'ailleurs, parce que le Mexique a catégoriquement refusé de financer ce mur de la discorde, en dépit de la promesse de campagne de Trump de faire payer à Mexico le coût des travaux. Il n'en reste pas moins que Trump a bien l'intention d'ériger une barrière, peu importe la forme qu'elle prendra, tout le long de la frontière.

Enfin concernant, désormais, sa promesse d'expulser la totalité des 11 millions d’immigrés sans-papiers présents aux États-Unis, parfois depuis des décennies, le président élu semble prêt, là encore, à revoir à la baisse son engagement. Sauf que, là aussi, la modération affichée du nouveau président a des limites, puisqu'il compte bien expulser tous les clandestins qui ont commis des délits, soit deux à trois millions de personnes. Un chiffre dont l'approximation ne fait que souligner, en réalité, le peu de crédit à apporter au nouveau discours accommodant du président.

Une élection peut en cacher une autre

En l'occurrence, il s'agit davantage d'une nomination que d'une élection à proprement parler, sauf qu'elle est directement liée au résultat de la présidentielle américaine et qu'elle engage tout autant l'avenir des États-Unis et peut-être même davantage encore, en ce sens qu’elle pourrait façonner le pays pour des décennies. Ce sera, d'ailleurs, l'effet le plus durable de la future présidence, prévient d'ores et déjà le site POLITICO.

Chaque locataire de la Maison-Blanche est, en effet, appelé à regarnir les rangs de la Cour Suprême. Son collège de neuf juges nommés à vie est tombé à huit (quatre conservateurs et quatre progressistes) depuis le décès (en février dernier) du magistrat Scalia. Il appartiendra donc à Donald Trump de mettre fin à cette situation, note LA LIBRE BELGIQUE, en choisissant logiquement un homme ou une femme qui épouse ses propres idées. lI pourrait même remodeler davantage encore la physionomie de la Cour, puisque trois des juges actuels sont aujourd’hui âgés de 78, 80 et 83 ans. Il est donc assez probable que Trump sera amené à nommer d'autres juges lors des 4 années à venir. L’équilibre pourrait, ainsi, être totalement bouleversé pour des années, avec six voire sept juges conservateurs. Il faudrait alors remonter à Franklin Roosevelt pour trouver une Cour suprême autant sous l’emprise d’un seul parti.

Or l’enjeu est absolument capital, puisque la Cour Suprême interprète la Constitution et consacre surtout des droits fondamentaux, contribuant ainsi de façon décisive à fixer les normes de fonctionnement de la société américaine. Dès-lors, quelles conséquences peut-on prévoir d’un ample retour de balancier vers la droite de la plus haute instance judiciaire américaine, une institution fondamentale à la stabilité du pays ? Réponse du JOURNAL DE MONTREAL : le futur ancrage conservateur durable de la Cour suprême ravira, à coup sûr, les militants des armes à feu et les religieux traditionalistes. Dans son interview diffusée, hier soir, sur la chaîne CBS, Trump a déjà dit vouloir nommer à la Cour un juge favorable à la libre détention d'armes à feu et opposé à l'avortement.

Enfin deux autres dossiers pourraient revenir rapidement sur la sellette : tout d'abord, le "Clean Power Plan". L’administration Obama avait adopté un plan visant à réduire de 32% les émissions de gaz à effet de serre des centrales à charbon. Trump pourrait bien saborder ce plan qui, selon lui, tue des milliers d’emplois chez les mineurs. Le second dossier a trait à l’accord multilatéral sur le programme nucléaire iranien. Trump a annoncé qu’il ferait de l’accord, «le pire jamais conclu», un chiffon de papier. Ou comment saborder deux dossiers qui symbolisaient l’Amérique de Barack Obama.

Par Thomas CLUZEL