Tuerie de Halle : une extrême-droite allemande qui n'en finit pas de s'affirmer

Veillée en hommage aux victimes de l'attaque terroriste à Halle
Veillée en hommage aux victimes de l'attaque terroriste à Halle  ©AFP - SWEN PFÖRTNER
Veillée en hommage aux victimes de l'attaque terroriste à Halle ©AFP - SWEN PFÖRTNER
Veillée en hommage aux victimes de l'attaque terroriste à Halle ©AFP - SWEN PFÖRTNER
Publicité

L'attaque d'une synagogue puis d'un restaurant turc à Halle démontre à l'Allemagne qu'elle n'arrive pas à contenir la frange la plus radicale d'une extrême-droite en plein renouveau. A l'offensive contre les Kurdes en Syrie, la Turquie envenime également le vieux conflit chypriote avec la Grèce.

Au lendemain de l'attaque terroriste qui a fait deux morts dans la ville de Halle, l'Allemagne se retrouve de nouveau confrontée à ses démons d'extrême-droite. 

Il n'y a plus de doute, ce matin, le journal de gauche Neues Deutschland le reconnaît : l'attaque de la synagogue de Halle est bien l'oeuvre d'un militant de l'extrême-droite allemande. L'assaillant de Halle est un citoyen allemand, il a agi seul, avec des armes qu'il a fabriqué lui-même, il a filmé et diffusé en direct sur internet les images de la tuerie... et il voulait faire bien plus de morts encore. Si son arsenal fait maison ne s'était pas enrayé, si le dispositif de sécurité autour de la synagogue ne l'en avait pas, heureusement, empêché, comme l'écrit le quotidien régional la Shwäbische Zeitung, alors l'homme serait entré dans la synagogue, et il y aurait fait un véritable massacre, avant de se donner la mort (d'ailleurs quand il a été interpellé hier soir il était blessé au cou, sans doute le signe qu'il avait tenté, sans succès, de mettre fin à ses jours).  

Publicité

Pour afficher ce contenu Twitter, vous devez accepter les cookies Réseaux Sociaux.

Ces cookies permettent de partager ou réagir directement sur les réseaux sociaux auxquels vous êtes connectés ou d'intégrer du contenu initialement posté sur ces réseaux sociaux. Ils permettent aussi aux réseaux sociaux d'utiliser vos visites sur nos sites et applications à des fins de personnalisation et de ciblage publicitaire.

Tous ces détails, forcément, nous rappellent l'équipée meurtrière du tueur de Christchurch, en Nouvelle-Zélande au mois de mars. Cette fois-là c'étaient deux mosquées qui avaient été visées ; à Halle, rappelle la Frankfurter Allgemeine Zeitung, c'était la vieille synagogue de la ville puis un restaurant turc qui ont été pris pour cible, même si le terroriste, dans sa vidéo, a surtout revendiqué le caractère antisémite de son passage à l'acte : il a expliqué que "tous les problèmes du déclin de l'Occident" (selon lui la baisse de la natalité, l'immigration de masse) étaient "la faute du Juif"... il avait affirmé juste avant que selon lui "l'Holocauste n'avait pas eu lieu". 

Difficile de faire plus binaire et plus explicite comme motivation de son acte : l'antisémitisme comme idéologie du bouc-émissaire originel. Mais "l'attaque de Halle ne touche pas seulement la communauté juive d'Allemagne, elle doit être un signal d'alarme, pour pousser la République allemande à se réveiller", écrit Michael Backfish dans édito son du Berliner Morgenpost : se réveiller, face aux discours de haine qui prennent de plus en plus de place, et de plus en plus violemment, dans l'espace public allemand.  

Et s'il y a un homme, qui peut en témoigner, c'est bien Karamba Diaby.  Il est interviewé par Die Zeit, car il est le député de la circonscription de Halle où se trouve la synagogue attaqué hier. M. Diaby est originaire du Sénégal, arrivé en Allemagne en 1985 et élu dans sa ville depuis 2009. 

Pour afficher ce contenu Twitter, vous devez accepter les cookies Réseaux Sociaux.

Ces cookies permettent de partager ou réagir directement sur les réseaux sociaux auxquels vous êtes connectés ou d'intégrer du contenu initialement posté sur ces réseaux sociaux. Ils permettent aussi aux réseaux sociaux d'utiliser vos visites sur nos sites et applications à des fins de personnalisation et de ciblage publicitaire.

Selon lui, la haine de l'autre, et en particulier l'antisémitisme n'était jusque-là pas vécu comme une menace, à Halle où une "société civile forte, dynamique, s'attache à faire vivre l'idée d'une Allemagne ouverte et solidaire". Mais Karamba Diaby a bien vu aussi, et il l'a expérimenté personnellement, que la haine se propageait ailleurs : "sur les médias sociaux, là où elle trouve un espace où s'exprimer, se donner de l'éhco  se renforcer, pour en arriver à se croire majoritaire et autorisée à surgir, à nouveau, sur la place publique". 

C'est ce qui s'était passé à Chemnitz, avec les émeutes d'extrême-droite d'août 2018, ces milliers de militants (dont certains ouvertement néo-nazis) qui avaient convergé vers cette autre ville est-allemande, à 140 km de Halle. Cette extrême-droite là, nul ne peut plus l'ignorer, en Allemagne : on en trouve la trace quasiment tous les jours dans les journaux de l'Est du pays.   Die Leipziger Internet Zeitung, par exemple, évoque un tournoi d'arts martiaux néo-nazis qui devait être organisé samedi dans la ville d'Ostriz à la frontière polonais et qui a finalement été interdit par les autorités locales. Elles ont justifié l'interdiction en expliquant "qu'il ne s'agissait clairement pas là d'un évenement sportif, comme il se présentait, mais d'une préparation au combat contre le système politique" républicain. 

Pour afficher ce contenu Twitter, vous devez accepter les cookies Réseaux Sociaux.

Ces cookies permettent de partager ou réagir directement sur les réseaux sociaux auxquels vous êtes connectés ou d'intégrer du contenu initialement posté sur ces réseaux sociaux. Ils permettent aussi aux réseaux sociaux d'utiliser vos visites sur nos sites et applications à des fins de personnalisation et de ciblage publicitaire.

Mais combien de ces rassembnlements d'extrême-droite passent-ils entre les mailles du filet?  Le TaggesSpiegel, qui consacre une longue analyse aux méthodes employées par le parti AFD pour séduire la jeunesse, liste bien ces soi-disants réunions sportives comme l'un des endroits où se recrutent ces jeunes militants au profil si semblable à celui du tueur de Halle. Pour les attirer, on mise largement sur les contre-cultures populaires, rap, Youtube, boxe, etc... où les messages de repli identitaire sont emballés dans un vernis "pop" mâtiné de rejet du "mainstream", du "système". 

C'est là que poussent  les "rejetons de l'extrême-droite allemande", conclut le TaggesSpiegel, moins voyants mais tout aussi virulents que les cranes rasés et chemises brunes d'une autre époque.

On parle beaucoup depuis mercredi de l'offensive turque lancée contre les Kurdes en Syrie... mais la Turquie jette également de l'huile sur le feu d'un autre conflit régional.  

Conflit encore maintenu à un niveau diplomatique, mais où le feu s'est remis à couver au mois de mai . C'est, logiquement, la presse grecque qui en rend compte, puisque cette vieille querelle concerne l'île de Chypre, partagée depuis 1974 entre Grecs au sud et Turcs au nord.

Pour afficher ce contenu Twitter, vous devez accepter les cookies Réseaux Sociaux.

Ces cookies permettent de partager ou réagir directement sur les réseaux sociaux auxquels vous êtes connectés ou d'intégrer du contenu initialement posté sur ces réseaux sociaux. Ils permettent aussi aux réseaux sociaux d'utiliser vos visites sur nos sites et applications à des fins de personnalisation et de ciblage publicitaire.

Faut-il s'en étonner, ce conflit gelé depuis 45 ans a été réactivé dernièrement par la Turquie de Recep Tahyyip Erdogan. I Kathimerini, à Athènes, nous alertait ces derniers jours  sur le fait que les Turcs viennent d'acheminer un nouveau bateau capable de forer le sous-sol marin et d'y extraire du gaz, dans la zone économique exclusive de la République de Chypre qui est la partie grecque et européenne de l'île.  

Pour Athènes et Nicosie, nous dit Al Jazeera, c'est clairement un geste "agressif et provocateur", d'autant plus que pour protéger leur station de forage, les Turcs ont "littéralement encerclé Chypre avec une flotte d'une vingtaine de batiments militaires, des frégate aux sous-marins en passant par des lance-missiles", décrit I Kathimerini, déplorant "qu'en face, il n'y a personne, ni marine américaine ni française", et les Chypriotes comme leurs alliés Grecs se sentent bien seuls face à l'ogre turc. 

Pour afficher ce contenu Twitter, vous devez accepter les cookies Réseaux Sociaux.

Ces cookies permettent de partager ou réagir directement sur les réseaux sociaux auxquels vous êtes connectés ou d'intégrer du contenu initialement posté sur ces réseaux sociaux. Ils permettent aussi aux réseaux sociaux d'utiliser vos visites sur nos sites et applications à des fins de personnalisation et de ciblage publicitaire.

Mais ça, ce n'est que l'aspect naval, de la bataille en cours : sur terre egalement les Turcs remettent de l'huile sur le feu chypriote : ils veulent repeupler la ville-fantôme de Varosha, dans la zone-tampon décrêtée par l'ONU en 1974 et approuvée d'un côté par les Grecs et de l'autre par les Turcs.

Varosha, nous dit The Telegraph, "c'est une ancienne perle de la Méditerranée, une cité balnéaire courue un temps par Brigitte Bardot, Sophia Loren et Elisabeth Taylor" mais entièrement évacuée en quelques jours il y a 45 ans. Réinvestir Varosha, c'est là encore une "action destabilisatrice" de la part des Turcs : c'est en ces termes en tous cas, rapportés par le Cyprus Mail, que le Conseil de sécurité de l'ONU hier soir a qualifié le comportement d'Ankara, l'appelant à plus de retenue.

Pour afficher ce contenu Twitter, vous devez accepter les cookies Réseaux Sociaux.

Ces cookies permettent de partager ou réagir directement sur les réseaux sociaux auxquels vous êtes connectés ou d'intégrer du contenu initialement posté sur ces réseaux sociaux. Ils permettent aussi aux réseaux sociaux d'utiliser vos visites sur nos sites et applications à des fins de personnalisation et de ciblage publicitaire.

S'il est, bien entendu, beaucoup moins brûlant à court terme que la Syrie et ses Kurdes, ce dossier chypriote montre pourtant bien à quel point le Turquie d'Erdogan se sent surpuissante, et teste cette puissance auprès des Européens comme auprès des Américains. Qu'on ne s'y trompe pas, "l'heure de vérité va bientôt arriver pour Chypre" également, conclut I Kathimerini, et rien ne garantit que la diplomatie suffira à calmer les ardeurs nationalistes de la Turquie.

L'équipe