Un Noël pas très joyeux

Le pape devant la Curie romaine jeudi dernier au Vatican pour ses voeux de Noël
Le pape devant la Curie romaine jeudi dernier au Vatican pour ses voeux de Noël  ©Maxppp - Pierpaolo Scavuzzo
Le pape devant la Curie romaine jeudi dernier au Vatican pour ses voeux de Noël ©Maxppp - Pierpaolo Scavuzzo
Le pape devant la Curie romaine jeudi dernier au Vatican pour ses voeux de Noël ©Maxppp - Pierpaolo Scavuzzo
Publicité

Partout dans le monde, les échos de Noël manquent de sérénité. A commencer par ceux qui arrivent du Vatican.

Le Pape, lui-même, semble ne pas passer de très bonnes fêtes. C'est La Stampa qui l'explique ces jours-ci. Devant la Curie romaine jeudi, le discours de François, son 5ème à l'occasion des célébrations de Noël, a été "dur", et "sans ambiguïté". Car l'église, d'après l'évêque de Rome, court un grand danger en raison des "profiteurs", des "ambitieux", "chercheurs de vaines gloires" et "traîtres à la confiance". Le mot de "cancer" a été employé, par le Pape, qui a tenu à expliquer qu'"une Curie renfermée sur elle-même, "livrée au complotisme", serait condamnée à l'autodestruction". La Stampa ne dit pas qui sont les "profiteurs de la maternité de l'Eglise", évoqués, et dénoncés par le Pape, ceux qui, "choisis pour donner plus de vigueur à la réforme, ne comprennent pas le haut niveau de leur responsabilité, et se laissent corrompre par l'ambition". Mais si on en croit L'Espresso, les oreilles du cardinal Oscar Maradiaga ont dû résonner de toutes les cloches de la basilique Saint-Pierre, au moment de ce discours. Ce proche conseiller du Pape aurait touché, d'après l'hebdomadaire italien, un demi-million d'euros de revenus depuis le début de l'année (35.000 euros par mois), en provenance d'une Université catholique du Honduras. Il s'en défend, mais le mal est fait, pour l'image de l'Eglise, et du Saint-Siège, qui pourtant devrait être "un bâtisseur de ponts, libre de tout intérêt mondain et matériel", d'après le discours du Pape. Un Pape, dont les vaticanistes commencent à se demander si les coups de colère se répétant, ne sont pas le signe d'une certaine fragilité au sein de la Curie, au moins autant que d'une grande fébrilité en cette période de Noël. 

Ce qui pose la question de l'audience du souverain pontife, et de son influence réelle

Publicité

Dans sa messe de minuit, hier soir, décortiquée par l'ensemble des quotidiens italiens ce matin, François a voulu faire un parallèle entre le destin des migrants, qui par milliers risquent leur vie pour échapper à leur misérable condition, et la vie de Jésus. Et le Pape d'expliquer "qu'une nouvelle imagination sociale est nécessaire pour accueillir les migrants", à l'heure où l'Europe se ferme, à mesure que se construisent les murs. Alors peut-être le souverain pontife pourra-t-il trouver quelque consolation dans l'interview que le ministre italien de l'intérieur donne à La Republicca. Marco Minniti explique au quotidien que 10.000 migrants pourront, en 2018, profiter de corridors humanitaires sécurisés pour rejoindre l'Europe en provenance de la Libye. Une organisation qui s'inspire de ce qu'a initié la communauté catholique Sant'Egidio, qui avait permis à 1000 réfugiés syriens de fuir la guerre. Pour l'instant, en application de l'accord signé entre Italie et Libye, seuls 162 réfugiés ont pu arriver à Rome, par avion militaire, en sécurité. C'était vendredi, et c'était une grande première.

Un peu plus à l'est, et alors que la reconnaissance de Jérusalem comme capitale d'Israël par les Etats-Unis fait monter chaque jour un peu plus la tension, une autre autorité religieuse a profité de Noël, pour parler politique

Au Liban, c'est le patriarche maronite Béchara Raï qui a pris la parole. Cité par L'Orient Le Jour, il estime que la décision du président des Etats-Unis "attise à nouveau les tensions, et la guerre, dans cette ville où les anges, pourtant, ont annoncé "la paix sur la terre pour les hommes" la nuit de Noël".

Mais partons encore un peu plus à l'est, et allons en Inde. Un pays dans lequel Noël, cette année, fait peur. C'est le New York Times qui le révèle, expliquant que la fête de Noël n'est plus tout à fait aussi légère, plus tout à fait aussi insouciante, que lors des dernières années.

Capture d'écran du début de l'article du New York Times
Capture d'écran du début de l'article du New York Times

Quelque chose a changé dans ce pays hindou à 80%, et dont les chrétiens représentent seulement 2,3% de la population. Un taux très bas qui n'a jamais empêché, explique le New York Times, des célébrations de Noël exubérantes et très colorées. Noël est d'ailleurs un jour férié en Inde, ça remonte à la colonisation britannique, et "c'est fou", explique ce salarié d'un grand centre commercial à Delhi : "Ce n'est pas grave si vous n'êtes pas chrétien. Les Indiens croient en la célébration". Et de fait, ici : "les compagnies aériennes jouent de la musique de Noël, on décore les arbres de guirlandes, les vendeurs en ligne proposent des paniers-cadeaux et il y a des pères Noël, et des crèches en miniature un peu partout. 

Un professeur en sociologie, Sanjay Srivastava, cité par le quotidien américain, explique que "c'est la propagation mondiale du consumérisme à l'occidentale qui a contribué à populariser les célébrations de Noël", mais dans le même temps, les villes indiennes sont devenues plus ségrégées sur le plan religieux, et, de fait, Noël est souvent célébré par les Indiens qui cherchent à paraître cosmopolites. Ce qui provoque évidemment des réactions. D'autant que les groupes hindous ont gagné en popularité, que l'Inde a changé, notamment depuis l'arrivée du Premier ministre Narendra Modi, en 2014, et que les questions liées à l'identité religieuse, désormais, font du pays un "pot en ébulition", selon l'image utilisée par un témoin cité dans l'article du New York Times. Qui cite également le coordinateur du "United Christian Forum" : "cette année, oui, nous avons peur de Noël". Récemment, un groupe hindou d'extrême droite a envoyé des lettres aux écoles pour les avertir que fêter Noël reviendrait à prendre des risques.

Revue de presse par Benoît Bouscarel